Après La ressource culturelle (Al Mawred Al Thaqafy), c'est l'Afac (le Fonds arabe pour les arts et la culture) qui vient dénicher dans la boîte à idées de jeunes artistes tunisiens, profitant du contexte d'ouverture post-révolution et visant un échange entre les pays arabes ayant déjà lancé leur processus démocratique. Pour l'occasion, Racha Najdi, coordinatrice des projets du fonds installé à Beyrouth, a rencontré, mardi dernier, des noms de la scène culturelle underground, dans le local de la maison de production «Majaz». Ce meeting, qui s'est déroulé dans la convivialité, avait tout l'air d'être fructueux. Il a permis, surtout, de tirer quelques conclusions sur la réalité de notre domaine artistique. Tout d'abord, on ne peut qu'être agréablement surpris par les idées proposées. Celles-ci vaudront peut-être à leurs auteurs un financement de la part de l'Afac, qui a, désormais, une vision plus claire de ce qui se fait en la matière à Tunis. On en cite un spectacle pour sauvegarder la mémoire visuelle et sonore de la révolution, un festival de rue pour la première bougie du soulèvement populaire du 17 décembre, une installation qui revisite les mythes et l'imaginaire des pays arabes avec des jeunes de différentes destinations, un observatoire pour les jeunes créateurs à l'échelle arabe ; investir des lieux insolites pour exposer un art citoyen ; une radio underground ou encore une chaîne télé alternative. De quoi s'enthousiasmer sur une future prolifération de la production artistique, dans la diversité de surcroît. Mais jusqu'ici, cela relève encore du domaine du rêve. Ces jeunes sont confrontés à de nombreuses difficultés, maintes fois citées et répétées, qui sont loin de ne concerner que leur seule génération. Dans le même temps, penser que la principale de ces difficultés est financière serait un leurre. Voilà une autre conclusion à tirer de la rencontre avec la représentante de l'Afac. Sans vouloir généraliser ni donner de leçons, les jeunes artistes présents ont montré qu'ils ont de très bonnes idées, mais qu'ils ne savent pas les vendre. En ces temps difficiles, il ne suffit pas de penser, il faut savoir écrire son projet et le présenter. Le cadre du déroulement de la rencontre était certes convivial, c'est un rendez-vous professionnel avant tout. Des retards flagrants, une difficulté à s'exprimer, un usage peu pertinent de la langue et de la gestuelle, parfois même une apparence négligée et une attitude négative, sont les symptômes relevés, d'une jeunesse déchantée qui ne mesure pas ou peu les enjeux à venir. Leur attitude peut être compréhensible, ni Ben Ali ni leurs aînés ne leur ont rendu la tâche facile. Tout le pays passe, il est vrai, par une période d'incertitudes. Seulement, l'ère est nouvelle. C'est celle de la compétitivité et de l'efficacité artistique. Pour séduire une source de financement, il faut savoir faire preuve de qualité, se mesurer à des artistes à plus large échelle, arabe et mondiale. Il faut savoir endosser le costume du marketeur, rédiger un CV, parler des langues étrangères. Des associations spécialisées seraient, dans ce sens, les bienvenues. D'ailleurs, on parle de plus en plus et un peu partout dans le monde de management et de médiation culturels. Pour revenir à cette réunion, disons que certains des jeunes artistes présents se sont montrés sceptiques à propos des bailleurs de fonds de l'Afac, mais c'est là une autre histoire. Ce scepticisme est légitime, mais l'urgence est ailleurs. Dans un climat changeant, la perte de repères est chose naturelle, mais il vous faut réfléchir vite et agir vite, jeunes artistes. Vous avez l'assise d'un art citoyen. Vous travaillez dans la rue, dans les régions, au plus près des gens. Vos œuvres collent à l'actualité. Entre vos mains réside l'espoir d'une réconciliation entre le simple citoyen et l'intellectuel. Ne l'étouffez pas. Maintenant, pour ceux qui désirent en savoir plus à propos de l'Afac, à vos navigateurs ! (www. arabculturefund.org).