Par Khémais FRINI Réussir des élections démocratiques et transparentes c'est bien. Réussir la démocratie c'est bien mieux et c'est autrement plus délicat. Dans le premier cas il suffit d'avoir la logistique appropriée et une bonne organisation. Il faut dans le second cas des partis politiques, certes concurrents, mais assez vertueux pour respecter la volonté du peuple, seul détenteur de la souveraineté, et rester fidèles à leurs engagements. Ces partis politiques n'ont pas besoin de donner des assurances aux citoyens quant à leur détermination de respecter leur liberté. Cela s'inscrit naturellement dans le contexte de leur mission.. La déclaration universelle des droits de l'Homme dispose dans son article 2 : «Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme .Ces droits sont la liberté, la propriété ,la sûreté et la résistance à l'oppression». La démocratie pourrait battre de l'aile en l'absence de tels partis .Le peuple ou plutôt les inscrits se sont rués vers les bureaux de vote pour élire une Assemblée Nationale Constituante. Sa mission telle qu'elle fut convenue par un large consensus est d'élaborer une Constitution pour le pays, de la soumettre à l'approbation du peuple et de préparer des élections générales . Le tout devait s'achever en l'espace d'un an .C'était la règle du jeu pour laquelle se sont déroulées les élections d'octobre. Cette règle du jeu est elle en train de se mettre en application ? Pour l'instant les premières réactions et le discours actuel nous renvoient plutôt à une logique parlementaire que constitutionnelle. Entamer la Constituante par des tractations sur le gouvernement de coalition, parler de minorité qui gouverne, de majorité qui se met à l'opposition est pour le moins, déroutant . Cela peut se concevoir si l'on avait élu un parlement .Tout se passe comme si le régime parlementaire est adopté de facto avant même que les débats sur la nouvelle Constitution n'aient commencé. Certes la Constituante a des pouvoirs étendus. Mais cette logique du pouvoir résultant probablement bien plus d'une déformation que d'une volonté délibérée atténue incontestablement le prestige de cette assemblée tant souhaitée par les citoyens. Et c'est bien dommage . Quand le peuple vote massivement pour une Constituante il tient à ce qu'elle ne se transforme pas en assemblée où s'exercent les luttes pour le pouvoir. Il entend bien disposer d'une Constitution qui lui garantisse la liberté, la démocratie et le respect de ses droits imprescriptibles . Pour les responsabilités du pouvoir, les partis politiques représentés n'ont pas le choix que de trouver un consensus pour maintenir une équipe expérimentée indépendante et qui bénéficie de l'aval de tous pour d'assurer une certaine continuité, seule de nature à consolider les acquis politiques et démocratiques fraîchement acquis, d'assurer la transition démocratique et relancer l'économie Enfin il convient de signaler qu'en intégrant, par le biais d'une coalition, un gouvernement dont on ne partage pas les opinions au niveau des délibérations constitutionnelles on perd nécessairement sa marge de manœuvre au niveau de ces délibérations..En effet étant tenu par l'obligation de réserve et de solidarité gouvernementale, il sera quasiment impossible de garder sa neutralité et la liberté de ses opinions pour prendre position quand il s'agira de statuer sur des questions constitutionnelles. Le cas de l'ex-ministre de l'Intérieur illustre bien cette dualité. Les futurs députés endossent une lourde responsabilité vis-à-vis du peuple et de l'Histoire. Ils doivent saisir qu'ils sont les représentants de tout le peuple et non de leur parti. Leur conscience est la seule source de leur action. Ils ne sont pas des députés classiques dans un parlement mais bel et bien des fondateurs de République comme le furent leurs prédécesseurs . Ils doivent les égaler et pourquoi pas les dépasser et entrer dans l'Histoire par la grande porte. Les élus doivent s'atteler à leur mission combien sacrée qui consiste à tracer les lignes d'une nouvelle Tunisie et éviter de brader la Constitution pour quelques sièges dans un gouvernement provisoire .Car dans ce cas l'Histoire les aura ignorés.