Par Abdelhamid GMATI Le propre de tout parti politique est d'accéder et d'exercer le pouvoir. C'est sa raison d'être. Pour mettre en œuvre ses conceptions, son idéologie, appliquer ses programmes et réaliser ses propositions. A condition d'avoir l'assentiment d'une majorité de la population et des électeurs. Le parti Ennahdha a obtenu une majorité relative aux élections du 23 octobre. Pourtant, il ne cherche pas à s'accaparer le pouvoir et à l'exercer seul. Dès avant les élections, il avait déclaré ses intentions de partager le pouvoir avec d'autres formations. Ce qui veut dire qu'il doit nécessairement abandonner certaines de ses conceptions et accepter des compromis. Il le fait du reste dans son programme et dans les déclarations tranquillisantes de ses dirigeants. Pourquoi ? Abandonne-t-il son islamisme ? Certaines explications ont été avancées. On affirme que le parti ne peut pas faire autrement parce qu'il n'a pas l'expérience requise ; oui, mais les autres partis avec lesquels il veut s'allier n'ont pas plus d'expérience du pouvoir que lui. Mais il ne perdra pas sa crédibilité et fera endosser aux autres l'éventualité d'un échec. On prétend aussi que la période transitoire de la Constituante n'est pas un but en soi, le parti tablant surtout sur les prochaines élections présidentielle et législatives qui procureront le vrai pouvoir légitime. Et même dans ce cas, les nahdhaouis ne changeront pas grand-chose au modèle de société actuel, la majorité de la population y étant attachée. Est-ce à dire que les nahdhaouis ont abandonné leur dogme islamiste ? En réalité, affirme-t-on, les islamistes d'Ennahdha tablent sur le long terme, leur but est d'«islamiser» la population. Leurs dirigeants répètent qu'ils tiennent aux principes de la charia mais qu'il n'est pas possible ni souhaitable de l'appliquer. Pour l'instant, on leur prête l'intention de prendre en charge l'éducation, l'enseignement supérieur et la culture. Ce qui leur permettra d'endoctriner la jeunesse durant les années à venir. On avance même qu'il ne sera pas étonnant de voir prochainement des enseignants salafistes dans les lycées et les universités, comme c'est le cas, actuellement, dans plusieurs mosquées. Le long terme n'exclut cependant pas des actions ponctuelles. Les actes d'intimidation dans les universités et dans la rue concernant l'habillement des femmes sont déplorés voire condamnés, étant attribués à des extrémistes, à des cas isolés. Mais on ne fait rien pour stopper le phénomène. Ce qui amène certains à penser que cela obéit à une stratégie d'islamisation de la société. Ne constate-t-on pas que plusieurs femmes mettent le voile pour éviter d'être agressées ? De même, rien n'est fait pour empêcher la politique dans les mosquées. M. Rached Ghannouchi ne dit-il pas: «Où se fait donc la politique ? La mosquée est le siège du gouvernement islamique» ? Mais il n'y a pas qu'Ennahdha à travailler sur le long terme. Les élections ont permis au parti de M. Kamel Morjane d'obtenir 5 sièges à la Constituante. Sans faire de vagues et dans la discrétion. Sans campagne électorale, dans les médias, les réseaux sociaux ou par affichage. Et ce, malgré une certaine hostilité de certaines parties de l'opinion publique à l'égard des rcdistes et des destouriens. Sur le moyen et le long terme, ce parti, conformément à la philosophie bourguibienne, laisse passer l'orage puis procéder par étapes pour rassembler les destouriens. Et ils sont nombreux. De plus, ils ont l'expérience et connaissent le pays et la population. Nous allons vivre de belles années. Une démocratie ne se décrète pas, elle se construit petit à petit. Certains l'ont compris et travaillent en conséquence. A condition bien sûr d'être dans la transparence et l'honnêteté. Et de travailler pour le peuple et avec le peuple.