Par Abdelhamid Gmati Rappelons, tout d'abord, quelques données démographiques. La Tunisie comptait au mois de juillet 2011, 10, 629 millions d'habitants dont 23,2% de moins de 15 ans. La population est relativement jeune (âge médian: 30 ans), avec une espérance de vie de 75,12 ans et vit à 65,3% en zone urbaine. Rappelons aussi que le nombre d'électeurs, pour le dernier scrutin du 23 octobre, était de 7.569.824. Celui des votants a atteint les 3.702.627. Plus de 50% des Tunisiens n'ont pas voté. On peut alors dire qu'une grande partie de ce que l'on appelle « la majorité silencieuse » est restée muette. Encore une fois. Et on la retrouve dans toutes les régions et même à l'étranger, et non pas seulement dans les grandes villes. Durant la révolution, elle s'est exprimée à plusieurs reprises pour dire ses espoirs, ses revendications. Mais au dernier scrutin, elle s'est abstenue; volontairement (désarroi devant la multitude de candidatures) ou pour diverses autres raisons (difficultés d'accès aux bureaux de vote, transports, maladies, indisponibilités etc.). De plus, sur les suffrages exprimés, plus d'un million sont allés sur les comptes de candidats qui ne seront pas représentés à la Constituante. Ceci nous amène à dire que tous les partis élus qui feront partie de l'Assemblée Constituante ne représentent qu'une minorité du peuple tunisien. Depuis les élections, et même avant, des contacts existent entre plusieurs partis. Actuellement les négociations se poursuivent, essentiellement entre trois partis ayant obtenu le plus grand nombre des suffrages : Ennahdha, le CPR et Ettakattol. Les tractations portent sur la constitution du prochain gouvernement et la répartition des postes de responsabilité : président de la République, Premier ministre, ministres, président de l'Assemblée... Certains autres partis, sollicités, comme Afek ou le PSP, préfèrent rester dans l'opposition. Il semble que d'autres ont été «oubliés» dans ces négociations comme El Moubadara et surtout El Aridha qui, après le verdict du Tribunal administratif, retrouve ses sièges et revient à la troisième position des vainqueurs. Mais peu importe pourvu qu'il y ait entente et consensus. Par contre, ces «minoritaires» ne doivent pas oublier la majorité. Il ne s'agit pas de se partager le pouvoir pour réaliser ses propres ambitions et imposer ses propres options et idéologies mais de représenter les intérêts de tout le peuple. C'est ce qu'a voulu préciser le «Réseau tunisien pour les droits, la liberté et la dignité », dans sa cinquième conférence, dont La Presse a rendu compte hier. Plusieurs responsables politiques et représentants de partis y participaient. Pour Ennahdha «le peuple ne veut pas d'un pouvoir, né de la révolution, qui se détournerait d'elle pour ressembler à l'ancien pouvoir». Et pour le CPR «tous les Tunisiens doivent contribuer eux-mêmes à l'élaboration de la nouvelle Constitution», pour qu'elle «ne soit pas, comme en 1959, étrangère aux Tunisiens, avant de donner lieu à une dictature». La participation de toutes les composantes (partis, associations, société civile...) de la société est donc requise et, semble-t-il, agréée. Il s'agit donc d'éviter que la révolution ne soit déviée de ses objectifs et qu'elle donne lieu à une autre dictature, fût-elle celle de partis élus par une minorité. La majorité silencieuse est, certes, silencieuse mais elle n'hésite pas à se manifester. En Tunisie, elle n'a cessé de le faire depuis la révolution.