Branle-bas et grabuge, tout au long de la journée d'hier et jusqu'à l'heure où le présent article était rédigé, à la faculté des Lettres, des Arts et des Humanités relevant de l'université de La Manouba. Un groupe d'étudiants barbus appartenant à la faculté et d'autres venus en soutien ont décidé, en effet, d'investir les locaux de la faculté, en particulier le hall et le bureau du doyen, le Pr Habib Kazdaghli, et d'y organiser un sit-in qui, selon leurs dires, demeurera ouvert jusqu'à la satisfaction de leurs revendications. Quelles sont les demandes des étudiants barbus qui prétendent n'appartenir à aucun parti politique ni à aucune organisation mais qui ne refusent pas pour autant d'être désignés comme étant des «salafistes» ? Ont-ils séquestré, réellement, le doyen de la faculté en lui interdisant de quitter son bureau et en l'obligeant à satisfaire leurs revendications ? La réponse à ces deux questions commence, d'abord, par la relation des événements de la journée. Aussi, «les étudiants barbus de la faculté et d'autres individus étrangers ont-ils occupé le hall d'entrée de la faculté et sont entrés dans mon bureau essayant de m'imposer de répondre à leurs requêtes, à savoir l'ouverture d'une salle de prière au sein de la faculté et la permission aux étudiantes portant le niqab de prendre part aux examens», souligne le doyen, le Pr Habib Kazdaghli. «Refusant tout dialogue, ils ont commis des dépassements inacceptables en agressant verbalement les enseignants, en empêchant leurs camarades d'accéder aux salles des cours et des examens et en menaçant de violence tous ceux qui s'opposaient à leur action», précise encore le doyen. La police, la Garde nationale et les forces de l'Armée nationale ont-elles été informées de ce qui se passe à la faculté et ont-elles été invitées à y intervenir afin d'y rétablir l'ordre ? «Nous les avons informées, sans plus. Quant à demander leur intervention afin de déloger les sit-inneurs, ce sera notre dernier recours après avoir épuisé toutes les solutions de dialogue et de négociation. Nous demeurons attachés à la préservation de l'intégrité de l'université, temple par excellence du savoir et de la connaissance, et à ce qu'elle demeure à l'abri des calculs politiques et des considérations partisanes étriquées», confie le doyen. Pour Sahbi Brahim, étudiant à la faculté des Lettres, des Arts et des Humanités (relevant de l'université de La Manouba) et militant de base au sein de l'Uget, «ces barbus ne nous représentent ni de près ni de loin. Ils refusent toute solution négociée et campent sur leur position intransigeante. Leur comportement constitue une atteinte grave à l'intégrité de la faculté. Leur mouvement est une véritable mascarade, dans la mesure où leurs demandes exigeant de séparer les étudiants des étudiantes, à titre d'exemple, sont contraires à toute logique. Que dire de leur appel à l'annulation de certaines filières comme les beaux-arts, qu'ils considèrent comme un acte d'apostasie». Une Grève nationale d'ici la fin de la semaine Présent au bureau du doyen de la faculté en signe de solidarité avec les enseignants et les membres de l'administration, Hassine Boujarra, secrétaire général de la fédération générale de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique (Ugtt) estime que «les événements que connaît la faculté constituent le prolongement de ce qui s'est passé à Sousse et à Kairouan. En tant que syndicalistes, nous appelons les autorités de tutelle à assurer la sécurité des doyens, des enseignants, des étudiants et du personnel administratif. Nous exhortons également les associations de la société civile à sortir de leur mutisme et à dénoncer clairement ces dépassements qui menacent l'intégrité et l'avenir de notre université. Le syndicat général des enseignants universitaires ne va pas demeurer les bras croisés puisqu'il a décidé d'organiser des réunions de sensibilisation au sein de tous les établissements universitaires, d'entamer des négociations avec les représentants des étudiants (Uget et conseils scientifiques) et d'appeler à une grève nationale, d'ici la fin de la semaine, au cas où notre intervention ne parviendrait pas à une solution pour cette question grave». Un mouvement de protestation pacifique Pour les auteurs du sit-in, il s'agit en réalité «d'un mouvement de protestation pacifique, sans plus, dans l'objectif de pousser l'administration de la faculté à répondre positivement à deux revendications que nous considérons comme légitimes». «D'abord, nous précise Mohamed Bakhti, étudiant à la faculté, la construction d'une salle de prière et, ensuite, permettre aux étudiantes portant le niqab de poursuivre leurs études et de passer leurs examens». Il ajoute : «A la suite de longues discussions avec le doyen, mais sans réussir à lui faire réviser la décision de priver les étudiantes portant le niqab de leur droit à l'enseignement et à passer les examens, nous avons décidé d'effectuer aujourd'hui (hier, lundi 28 novembre) un mouvement de protestation et un sit-in qui se poursuivra le temps qu'il faut pour parvenir à une solution honorable pour les deux parties. Loin de nous l'idée de prendre en otage le doyen, les enseignants ou le personnel administratif de la faculté. Ils peuvent rentrer chez eux, à n'importe quel moment. Quant aux ‘‘intrus'' qui nous soutiennent — comme le signale l'administration —, ils sont, en réalité, des étudiants appartenant aux facultés des alentours, venus nous exprimer leur soutien et leur solidarité». Il est à préciser que les sit-inneurs se sont installés dans le hall d'entrée de la faculté, avec la logistique requise (matelas, couvertures, nourritures, etc.) et sont déterminés à occuper les lieux jusqu'à la réalisation de leurs doléances.