Par Mahmoud LARNAOUT Les élections ont été tenues dans des conditions, somme toute, correctes. Les résultats font apparaître le parti Ennahda en première position, tandis que tous les autres démocrates du centre et de la gauche modérée ont obtenu des résultats plutôt faibles. L'alliance d'Ennahda avec les partis du Congrès pour la République et d'Ettakatoul a donné une majorité confortable au sein de l'Assemblée nationale constituante. Nous ne pouvons que prendre acte de cet état de fait et l'accepter bon gré mal gré puisque les urnes ont parlé. Mais il faut constater que la quasi-moitié des électeurs potentiels n'ont pas exprimé leur choix, et c'est beaucoup. Dans la perspective des élections de l'Assemblée nationale et de la présidentielle, d'énormes efforts de communication et de persuasion doivent être déployés pour amener ces électeurs à voter. Les médias, le Comité supérieur des élections, si cette structure est maintenue, les partis et les associations de la société civile devront, pour ce faire, se mobiliser et sensibiliser cette fraction importante afin qu'elle rejoigne en masse les votants. Maintenant, analysons les causes de l'échec relatif des indépendants, des partis du centre et des partis de la gauche modérée. Ces causes sont multiples et nous en citons ci-après quelques-unes : – Les têtes de liste et les porte-parole de ces ensembles sont peu charismatiques – Leur discours est élitiste – Ils ont peu appliqué le contact direct tous azimuts et n'ont pas suffisamment utilisé une langue immédiatement accessible et traité des préoccupations premières des citoyens – Ils n'ont pas eu accès, à l'instar d'Ennahda, au large réseau des mosquées pour faire leur campagne. – Ils se sont présentés aux élections en ordre dispersé. – Leurs subsides et leurs moyens n'étaient pas à la mesure de leurs besoins. Autant de causes qui expliquent partiellement leur échec relatif. Une autre cause majeure, à mon sens, a été un lourd handicap : leur laïcité proclamée qui est assimilée aux yeux des couches populaires à l'athéisme. Il sera difficile pour ces démocrates de se défaire de cette fausse image que leurs adversaires nahdaouis leur ont collée. Si ces formations politiques faisaient sérieusement et profondément leur autocritique le plus vite possible, ils peuvent prétendre améliorer leurs scores. Quant à Ennahda, elle s'est présentée tout au long de la campagne électorale tout sucre tout miel proclamant siens tous les principes de la démocratie, des libertés, du maintien du Code du statut personnel. Ce n'était, pour moi, que manœuvres politiciennes et électoralistes. Ce discours tactique faisait et fait toujours transparaître de temps à autre des couacs contrôlés tels que l'interdiction future et progressive de l'alcool, la mise en cause du principe de l'adoption et l'annonce du sixième Califat ... Ces couacs volontaires et conscients sont en partie destinés aux militants de leur base trépignante et en partie pour lever un pan sur leur réel programme et leur stratégie pour s'en prévaloir le moment propice venu et appliquer la Chariaâ. Et comme ils ont apparemment, en tout cas, renoncé à la violence comme moyen de prise du pouvoir, ils comptent sur la contagion progressive de ces principes qui, faisant tache d'huile, deviendront un fait social et politique majoritaire. Il y a du pain sur la planche.