De notre envoyée spéciale au Caire Najoua HIZAOUI Au cours des dernières années, les responsables politiques de la région Mena ont commencé à reconnaître que la compétitivité de leurs pays est fortement dominée par les talents, les compétences, l'éducation et la productivité de son capital humain. Les femmes représentant la moitié de leurs talents potentiels, la compétitivité d'un pays est par conséquent fortement influencée par la manière dont les femmes contribuent et participent à l'économie. Alors que la réserve de talents d'une société est partagée équitablement entre les hommes et les femmes, pourquoi utiliser en premier lieu les talents de la gent masculine ? Un des facteurs clé qui a une incidence sur la performance des économies nationales est la présence des femmes sur le marché du travail. Les obstacles structurels que rencontrent les femmes dans la sphère économique et professionnelle sont principalement dus à la perception générale du rôle de la femme dans la société pour des raisons d'ordre historique et culturel, mais aussi à leurs responsabilités à la fois familiales et professionnelles. Il est également question de leurs chances d'accès à la formation professionnelle, aux services financiers, à la propriété foncière, aux licences d'exploitation ou encore aux opportunités d'emploi formel. Ces axes et bien d'autres ont été largement examinés lors des assises de la première conférence régionale sur «l'intégration économique des femmes dans la région Mena», qui se tient depuis hier au Caire, à l'initiative de l'organisation allemande de coopération internationale GTZ, avec la participation d'une pléiade d'experts venus du Maroc, de Tunisie, de Jordanie et d'Egypte. La première séance a été consacrée à l'analyse de la situation dans la région Mena, notamment les pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, qui «ont fait des progrès considérables dans le domaine des réformes du secteur public en tenant compte des spécificités du genre, de la participation des jeunes filles et des femmes dans le système éducatif ainsi que de la modernisation du droit de la famille». C'est dire que les gouvernements sont également de plus en plus conscients de la nécessité d'intégrer les femmes dans la dynamique économique. Toutefois, cette intégration souffre d'un manque de mesures concrètes et d'activités coordonnées. C'est dans ce contexte que le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement a pris l'initiative de lancer le programme «Econowin» d'intégration économique des femmes dans la région Mena, qui est un programme de coopération technique basé au Caire, en Egypte, avec des bureaux régionaux en Egypte, au Maroc, en Jordanie et en Tunisie. L'objectif de la première phase, qui s'étale sur la période 2010-2013, est l'amélioration des capacités et des services des acteurs actifs dans le domaine de l'intégration économique des femmes. L'objectif à long terme, jusqu'en 2016, est d'améliorer les conditions de l'intégration des femmes sur le marché de l'emploi et dans les activités économiques des quatre pays cités. L'exécution de ce programme a été confiée à la GTZ qui s'est assigné comme objectif d'aider à renforcer les capacités et les services des structures partenaires dans ces pays, engagés dans l'intégration des femmes sur le marché du travail. Les domaines de coopération passent à travers une campagne médiatique de sensibilisation, la mise en œuvre d'une politique de marché de l'emploi sensible au genre, le développement d'une chaîne de valeurs sensible à la dimension du genre et l'orientation professionnelle pour les femmes. Ce programme est conçu conjointement avec le «Projet régional d'habilitation économique des femmes» (Prhef), qui cible les femmes en tant que participantes sur le marché du travail dans la région Mena. Et ce sont uniquement la Tunisie et la Jordanie qui accueillent ces deux programmes. «Si les perspectives, défis et priorités des femmes sont pleinement pris en considération et qu'elles sont habilitées à déployer tout leur potentiel, indique Nele Wasmuth, coordinatrice de Econowin, les blocages à la croissance dans certaines parties de la chaîne peuvent être expliqués et plus facilement supprimés. Les femmes peuvent apporter des connaissances et de l'expérience qui diffèrent de celles des hommes: elles ont d'autres idées novatrices, sont moins enclines à prendre des risques excessifs et sont plus proches du goût des clients». Il est opportun de rappeler que, depuis la tenue de la réunion ministérielle en 2007 du programme Mena-Ocde pour l'investissement, les ministres de la région Mena ont formulé leur engagement à favoriser une participation économique accrue des femmes. Ils ont demandé l'assistance du programme pour la formulation et la mise en œuvre des politiques intégrées et ciblées, destinées à stimuler l'entrepreneuriat et l'emploi des femmes dans la région. Ils ont signé la «déclaration sur la promotion de l'entrepreneuriat des femmes dans la région Mena-Ocde des femmes entrepreneurs (RFE) pour faire progresser son intégration sur le marché du travail. « Femme et travail » : silence, on tourne ! L'un des domaines de coopération d'Econowin est axé sur la sensibilisation au sujet des inégalités entre les sexes et la perception des femmes dans la sphère économique. Pour ce faire, un certain nombre d'ONG en Egypte, en Tunisie, en Jordanie et au Maroc ont mis en place, en collaboration avec Econowin, une campagne médiatique régionale sur le thème «Femmes et travail». La campagne médiatique vise à adapter les attitudes des hommes e t à établir des modèles de rôle de femmes dans la vie professionnelle. La campagne utilisera des films existants ainsi que de nouveaux qui sont à produire sur le même thème, afin de déclencher un débat public à ce sujet. En collaboration avec les organisations partenaires actives dans les domaines des médias et de l'habilitation économique des femmes, Econowin a lancé, le 1er novembre dernier, un appel d'offres pour de nouveaux projets de courts métrages. Les jeunes cinéastes et scénaristes des quatre pays peuvent soumettre des concepts de fiction ou de courts métrages documentaires. Les concepts devraient présenter des histoires individuelles sur les femmes et le travail, et mettre en exergue des cas typiques ou exceptionnels, ou se concentrer sur des questions cruciales liées au sujet. Deux projets de films de chaque pays seront sélectionnés par un jury et bénéficieront du financement complet de leur production cinématographique. Les films seront ensuite distribués à travers la campagne médiatique au Maroc, en Tunisie, en Egypte et en Jordanie. N.H.