Ouf ! Une bouffée d'air frais que nous offre la Troupe de la Ville de Tunis (TVT), avec sa nouvelle création Mosaïque, mise en scène par Zouheir Raïs. Une pièce drôle même si elle aborde des sujets sociaux dramatiques : la pauvreté, la solitude, la violence, etc. Rabah (Zouheir Raïs), agent de nettoyage dans une gare, en blouse blanche très clean, se lamente de ne gagner que 180 dinars par mois, alors qu'il est détenteur d'un doctorat. Les temps sont difficiles et il faut se contenter de peu pour gagner sa croûte, d'autant que les boulots se font rares. Il est 4h00, la gare est vide. Pas encore de trains. Et voilà que débarque Lilia Nicotine (Manel Abdelkoui), ceinture noire en karaté, vêtue d'un costume rouge très suggestif, qui dit travailler dans les jardins publics. En fait, elle est prostituée. Puis arrive Bochra (Kaouther Bardi), en costume rose, on dirait une dragée. S'ensuit entre les deux protagonistes, au caractère opposé, une discussion pleine de malentendus et de quiproquos. Egalement écrite par Zouheir Raïs, la pièce met le doigt sur certaines douleurs vécues au quotidien par des gens ordinaires. L'auteur utilise l'art de la comédie avec subtilité et nous livre un réquisitoire jubilatoire sur la société dominée, dans ce contexte, par des femmes qui secrètent une charge émotionnelle forte. Art, tolérance, liberté... Le metteur en scène semble avoir monté la pièce en fonction des actrices. Elles y ont vraiment la part belle. On se réjouit de revoir sur scène Mouna Noureddine dans le registre comique. Elle incarne le personnage de Majda, artiste philanthrope qui travaille pour son propre plaisir. Entourée de personnages déraillés, elle croque leurs portraits pour les immortaliser. Kaouther Bardi est désopilante dans son rôle de femme naïve vivant dans une bulle, loin de tous les vacarmes de la société et qui reste sourde à tous les échos de la ville dans sa résidence de luxe avec son chien Oscar. Tout à fait opposée à elle, Manel Abdelkoui représente la femme démunie, sans qualification, contrainte de vendre ses charmes pour gagner sa vie et celle de ses enfants. Déprimée, elle est sujette à des crises d'hystérie et de violence de la part de son «patron» qui la raquette. Il y a aussi Habiba Soussi, personnage atypique qui, comme un grain de poivre, pimente la pièce par des gestes qui font éclater de rire les spectateurs. Durant toute cette nuit folle, les trains passent, mais ne s'arrêtent pas. Enfin, Rabah arrive pour annoncer l'arrivée du bon train et mettre fin à son délire. Car la gare n'est, en fin de compte, qu'un décor ou un prétexte pour évoquer la liberté, la tolérance et l'amour de l'art et de la scène. On rit du désespoir des autres sans trop se fatiguer dans des élucubrations intellectuelles. Toutefois, la pièce pourrait être mieux ficelée pour les prochaines représentations.