Durant des décennies, la France n'a cessé d'exporter ses valeurs et ses principes, symboles même de la République: liberté, fraternité, égalité. Les dirigeants de la France ont souvent fait honneur à ces principes. Rappelons-nous du fameux «Non» de Chirac contre la guerre en Irak en 2003, ou bien de ses critiques sévères envers les soldats israéliens lors de sa visite à Jérusalem en 1996. Oui, la France a toujours condamné les injustices ; oui la France s'est toujours rangée du côté des faibles et des opprimés. Peu de temps après l'éclatante révolte du peuple tunisien qui a conduit au départ du dictateur Ben Ali, l'actuel chef d'état français, Nicolas Sarkozy, annonce que la France allait proposer aux nouvelles autorités tunisiennes des mesures pour leur venir en aide au plus vite et appuie l'octroi d'un statut avancé de la Tunisie dans ses relations avec l'Union européenne. «Une ère nouvelle s'ouvre pour les relations entre la Tunisie et la France», a-t-il dit. Hélas ! Un essaim d'humiliations — subies par les Tunisiens en se présentant à l'ambassade de France située en plein cœur de la capitale, en vue de demander un visa —viennent entacher ce beau discours et cette belle perspective d'avenir. En effet, le citoyen tunisien doit faire face à un déluge d'agissements indécents. Alors même que la France exporte l'image d'un pays tolérant et respectueux ; son ambassade en Tunisie accueille les citoyens tunisiens tels des «persona non grata». Une attente interminable sur les trottoirs des rues de Yougoslavie et de Hollande s'offre en premier. Qu'il vente ou qu'il pleuve ; qu'il fasse froid ou que le thermomètre affiche 40 degrés, les Tunisiens demandeurs de visa n'ont certes pas le droit à une salle d'attente convenable ! Des portes en fer, des barreaux métalliques et des contrôles démesurés sont ensuite appliqués. Puis vient le grand hall ou cette sorte de hangar destiné à remplir les documents soi-disant nécessaires pour le visa. Souvent bondé de monde, on y respire à peine et les bureaux sont proportionnellement insuffisants comparés au nombre de demandeurs de visa. A quoi viennent s'ajouter l'humeur désagréable des agents d'accueil et l'attitude hautaine des agents de guichets. Ces derniers sont incapables de dire «bonjour» correctement, ils n'arrivent même pas à esquisser un sourire pour détendre l'atmosphère électrique qui règne bizarrement au sein de ce hall. Pointe ensuite le moment le plus humiliant. En effet, les citoyens tunisiens ont droit à une prise complète des empreintes digitales. Sommes-nous donc des criminels dangereux ?! Enfin, cerise sur le gâteau, c'est l'attente encore une fois incommensurable du verdict final «visa or not visa». Une attente amère sur le trottoir en pleine rue de Yougoslavie. Les passeports sont alors délivrés par un agent aussi grincheux que ceux précédemment cités à travers un guichet à même la rue. Bien évidemment, si le visa pour un séjour en France est refusé, les 117 dinars et 570 millimes payés lors du dépôt de la demande sont simplement extorqués. Irrespectueux et indigne de la part d'un pays comme la France - qui se dit inégalable sur ses principes - de traiter les citoyens tunisiens de la sorte. Nicolas Sarkozy a dit lors d'un de ses discours : «Je ne veux pas que la France soit assimilée à un pays qui a gardé des réflexes coloniaux». Eh bien, à cela nous répondons, nous Tunisiens, peuple libre: Assez ! Nous voulons du concret, et nous exigeons un traitement respectueux et poli au sein de votre ambassade en Tunisie. Après 23 ans de dictature sanguinaire en Tunisie, le peuple tunisien qui s'est révolté, et qui a payé de son sang le prix de sa liberté et de sa dignité, ne veut plus accepter de tels agissements sur son sol affranchi. Nous demandons fermement à la France d'abandonner ses vieux réflexes colonialistes et de garantir au peuple tunisien un traitement digne de sa révolution. Nous n'accepterons plus jamais de telles dérives. Nous sommes à une croisée de chemins de notre histoire, et espérons que le zéphyr de liberté et de dignité souffle à jamais sur notre chère patrie la Tunisie : berceau du printemps arabe.