La date du 17 décembre 2010 restera à jamais gravée dans l'Histoire de la Tunisie. En effet, ce jour-là à Sidi Bouzid, Mohamed Bouazizi, le jeune vendeur de légumes à la charrette s'est immolé, amorçant involontairement un mouvement d'ampleur historique: le printemps arabe ! Depuis, dans nos contrées, les vendeurs à la charrette foisonnent dans tous les artères et les coins de nos villes. A Tunis, la capitale, par exemple, la charrette est devenue un outil commercial à la mode. Reportage ! Il est 11h00, du côté de la rue de Mokhtar-Attia tout près d'une célèbre boulangerie, Karim, un jeune tunisien âgé de 28 ans, nous interpelle avec sa charrette en bois remplie de figues de Barbarie. En effet, nombreux sont ceux qui accostent devant sa charrette pour savourer les béatitudes de ce fruit exotique, le sultan des légumes comme le surnomment les Tunisiens. Karim estime à ce propos que : «durant le règne de Ben Ali, il nous était impossible de stationner avec nos charrettes dans des zones stratégiques de la capitale pour assurer notre gagne-pain. Mais voilà, grâce à Bouazizi, la police et les agents municipaux ne nous dérangent plus. Mieux encore, depuis l'avènement de la révolution, on voit la vie en rose. D'ailleurs, plusieurs colporteurs et vendeurs ambulants se sont transformés en vendeurs à la charrette». Pour lui, «le marché de la charrette a prospéré ces derniers temps. Les menuisiers et les forgerons ont trouvé dans la charrette un nouveau filon à puiser. Pour un budget de 150 dinars, vous pouvez partir avec une charrette retapée avec des roues extraites d'une motocyclette d'occasion». Des charrettes à profusion Un peu plus loin, juste derrière le Palmarium, on trouve deux vendeurs à la charrette, l'un vendant des figues de Barbarie et l'autre des fruits secs. Mohamed, l'un des vendeurs, relève que son père «est un forgeron et il m'a conçu cette charrette en fer forgé pour un prix raisonnable (250DT) sans compter les roues qui étaient à ma charge. En effet, j'ai dû sacrifier ma motocyclette Peugeot 103 pour équiper ma charrette. Mais bon, il faut dire que le prix d'une charrette comme la mienne, peut grimper jusqu'à 400DT». De son côté, Ali, l'homme à la charrette toute en bois note qu'il a été toujours «un bricoleur passionné. Ainsi, c'est moi le concepteur de cette charrette . J'ai collecté le bois dans les chantiers, acheté les roues à 5DT la pièce du côté du souk de la ferraille de Mellassine». Il ajoute: «Certes, avec ma charrette, ma situation financière s'est améliorée. Mais je me demande toujours si on est réellement à l'abri des dérangements, et jusqu'à quand cette aubaine va durer? Surtout avec le retour de l'ordre dans le pays et l'arrivée d'un nouveau gouvernement. De ce fait, je lance un appel aux membres de l'Assemblée constituante afin de décréter une loi pour protéger les vendeurs à la charrette. On ne cherche rien, seulement vivre dignement». Assurément, sous nos cieux, on ne vit pas uniquement au rythme des débats houleux de l'Assemblée constituante, mais aussi dans la dynamique des vendeurs à la charrette.