Notre pays a de tout temps constitué un réceptacle des beaux-arts et un carrefour des courants musicaux. Depuis Jerba II, le Prince berbère décédé en l'an 22, auteur d'un ouvrage sur la musique et le théâtre, l'intérêt des habitants d'Ifriqiya pour le chant et la musique était allé en crescendo. I'Islam apporta les valeurs de la fraternité et de la tolérance, ce qui encouragea énormément la création littéraire et artistique. D'Al Bisra à Al Koufa, de Médine à Damas, la terre d'Islam va résonner des airs mélodieux et des vers enivrants. Kairouan représenta ainsi un bastion fort vers lequel ont afflué poètes, musiciens, chanteurs, érudits... Abou Yosr Ibrahim Ben Ahmed Chibani était ainsi venu de Baghdad pour devenir le secrétaire d'Ibrahim Ibn El Aghlab, neuvième souverain aghlabide à Kairouan, puis de son fils Abou El Abbas Abdallah. Abou El Yosr allait ainsi introduire en Ifriqiya la poésie des mouwalladine. Lorsque l'Etat aghlabide périclita et que Ziad Allah Ibn El Aghlab se prépara à sortir en catimini, la ville de Rakkada, il abandonna sur place un nombre important de ses valets et compagnes. En ce moment tragique, sa compagne Soulef s'avança vers lui, le luth sur la poitrine et chanta des paroles imitant le dernier monarque de la dynastie aghlabide pour l'emmener avec lui dans son cortège, fuyant vers l'Orient. Les yeux larmoyants, le souverain déchu qui ordonna que l'on soulage un cheval de ses caisses d'or et d'argent pour permettre à Soulef d'y monter. L'influence orientale Après les Obeyyades, l'Etat sanhaji allait porter les arts et la musique à des degrés de raffinement incomparables. Ainsi put éclore le talent d'Ibnou Charaf, Ibnou Rachik, Abou Ishak Ibrahim Ibn El Kacem, plus connu sous le nom de Irrikik El Kairouani, décédé en 418 de l'Hégire, lequel a écrit un livre consacré à la musique. Sous le règne des Bénou Sanhaja, on vit s'épanouir la virtuosité d'El Moëz Ibnou Badis et son aide de camp Abdelwaheb Ibnou Housseïn Ibnou Jaâfar, amateur de luth. Les historiens renvoient aux migrants venus d'Orient l'introduction de la musique et du chant en terre d'Ifriqiya. Omeya Ben Abdelaziz Ibn Ali Assalt Al Andaloussi a écrit un précis en matière de composition musicale. Il a émigré à Mahdia où il a été l'hôte du gouverneur Ali Ibn Yahia Ibn Témime Ibn El Moëz Ibn Badis. Avant de mourir à Mahdia en 529, et d'être inhumé à Monastir, «El Adib el Hakim» a composé les chansons d'Ifriqiya qui portent depuis son nom. L'invasion hilalienne a eu pour effet de reléguer aux oubliettes le bon goût et de tirer la civilisation et ses arts vers un désert de goujaterie. La naissance des mouachahat Pour toutes ces raisons, la musique et la chanson ont été déboulonnées à la base. Les chansons bédouines les plus simples en paroles et en musique ont pris leur place. Mais à la longue, ce genre fruste et dénué du raffinement des citadins finira par être adopté par ces derniers à force de métissage et de cohabitation entre les deux populations. Au Moyen-Age, l'Andalousie grouillait d'arts et de bon goût. Ses citoyens ont élevé le raffinement à des hauteurs insoupçonnées : ils ont inventé, écrit, composé, traduit… La poésie a connu un essor sans précédent, inventant un nouveau genre artistique El Mouachah au IXe siècle. Cette création provoque une formidable résonance à l'égal de ce qu'est le solfège pour la musique. Le premier à écrire un mouachah a été Mokaddem Ibnou Maafer, poète de la période marwanite. Il inspirera tour à tour Abou Abdallah Ahmed Ibn Abd Rabou, auteur de El akd el férid, puis Abada El Kazzaz, le poète d'Al Mootassem Ibn Smadah.