«La tâche du nouveau gouvernement de coalition, s'annonce très difficile et nécessite une mobilisation de l'ensemble des forces vives de la Nation», affirme M. Ridha Gouia, économiste et vice-président de l'Association des économistes tunisiens. Il explique la stratégie à adopter pour que le pays puisse sortir de l'ornière économique et sociale. A la question de savoir quels sont les signaux forts que doit lancer le gouvernement de coalition, pour résoudre les problèmes hérités de l'ancien régime, il précise : «L'héritage de l'ancien régime est lourd : chômage très élevé, surtout pour les diplômés, déséquilibre régional inégalé dans l'histoire de la Tunisie, niveau de corruption généralisé et infectant toutes les activités économiques et sociales, recul des transferts et des investissements de la population émigrée, faiblesse voire manque de confiance de la population à l'égard de l'administration et des structures politiques, répartition inégalitaire des revenus. Compte tenu de tous ces challenges, la tâche du nouveau gouvernement de coalition s'annonce très difficile et nécessite une mobilisation de l'ensemble des forces vives de la Nation. Concernant les signaux forts, il faut rétablir la confiance entre l'administration et le citoyen tunisien, mais aussi avec les investisseurs étrangers, en développant le culte de la transparence totale et la concertation avec la société civile. Il importe, également, de respecter la loi et les règles de fonctionnement des structures administratives, économiques, juridiques et politiques. Il s'agit, aussi, d'améliorer les garanties d'emploi aussi bien dans le secteur public que privé et d'avoir une réelle volonté d'améliorer la répartition des revenus, en favorisant les régions de l'intérieur et les classes sociales défavorisées». Adapter l'enseignement au marché du travail Quels sont les secteurs économiques prioritaires qui méritent davantage d'encadrement et de soutien financier pour relancer l'économie ? Ridha Gouia considère que «l'économie tunisienne est basée sur les secteurs agricole, touristique et industriel. De prime abord, les activités agricoles requièrent une amélioration urgente de l'encadrement de la part des autorités tunisiennes : renforcement des aides financières aux agriculteurs, amélioration des techniques utilisées, réduction des coûts de production. Il est certain que le secteur touristique demeure lié à la conjoncture internationale, mais une amélioration urgente des prestations de services est de nature à booster le secteur à l'avenir. De même, une amélioration du climat des affaires s'avère urgente pour relancer les investissements industriels étrangers et nationaux, assurer un meilleur équilibre régional et accroître le niveau de l'emploi». La lutte contre le chômage et particulièrement celui des diplômés de l'enseignement supérieur, s'avère un véritable casse-tête ? Le vice-président des économistes tunisiens est convaincu que «l'assainissement du climat social et l'amélioration des conditions sécuritaires s'imposent pour la promotion des investissements et, partant de la production et de l'emploi dans le pays. Certes, la participation des forces vives dans la prise de décision et la définition des grandes orientations tant économiques que politiques et sociales est impérative, de même qu'une adaptation de l'enseignement supérieur aux besoins du marché du travail, permettant l'amélioration de l'employabilité des diplômés». Le programme de recrutement de 20 à 25 mille personnes dans la fonction publique ne risque-t-il pas de grever le secteur public ? «Le secteur public est capable de créer entre 20 et 25 mille emplois, moyennant une meilleure utilisation des ressources financières disponibles et une rationalisation de la gestion des activités publiques», estime-t-il. Enfin, à propos du programme gouvernemental qui comprend, également, des aides en faveur de 235 mille familles démunies, il précise que les efforts de création d'emplois dans le secteur public et les aides en faveur d'un nombre élevé de familles démunies risquent de surcharger le budget de l'Etat et d'avoir des effets d'éviction sur les investissements et les dépenses productives. Il est plus cohérent, voire plus judicieux, d'orienter la politique vers un meilleur encadrement ou une meilleure employabilité de ces personnes, pour leur permettre de devenir plus productives et plus actives dans la société, en favorisant le microcrédit, la formation adéquate, la défiscalisation des petits projets... Le nombre élevé d'assistés risque d'alourdir les charges de l'Etat et de cultiver l'esprit d'oisiveté…