Tunis (TAP)- "La tâche du nouveau gouvernement de coalition, s'annonce très difficile, et nécessite une mobilisation de l'ensemble des forces vives de la Nation", affirme M. Ridha Gouia, économiste et vice-président de l'association des économistes tunisiens, dans une interview à la TAP. Il explique la stratégie à adopter pour que le pays puisse sortir de l'ornière économique et sociale. Question: Quels sont les signaux forts que doit lancer le gouvernement de coalition, pour résoudre les problèmes hérités de l'ancien régime? Réponse : L'héritage de l'ancien régime est lourd : chômage très élevé surtout pour les diplômés, déséquilibre régional inégalé dans l'histoire de la Tunisie, niveau de corruption généralisé et infectant toutes les activités économiques et sociales, recul des transferts et des investissements de la population émigrée, faiblesse voire manque de confiance de la population à l'égard de l'Administration et des structures politiques, répartition inégalitaire des revenus. Compte tenu de tous ces challenges, la tâche du nouveau gouvernement de coalition s'annonce très difficile et nécessite une mobilisation de l'ensemble des forces vives de la Nation. Concernant les signaux forts, il faut rétablir la confiance entre l'administration et le citoyen tunisien, mais, aussi, avec les investisseurs étrangers, en développant le culte de la transparence totale et la concertation avec la société civile. Il importe, également, de respecter la loi et les règles de fonctionnement des structures administratives, économiques, juridiques et politiques. Il s'agit, aussi, d'améliorer les garanties d'emploi aussi bien dans le secteur public que privé et d'avoir une réelle volonté, d'améliorer la répartition des revenus, en favorisant les régions de l'intérieur et les classes sociales défavorisées. Q: Quels sont les secteurs économiques prioritaires qui méritent davantage d'encadrement et de soutien financier pour relancer l'économie? R : Nous savons que l'économie tunisienne est basée sur les secteurs agricole, touristique et industriel. De prime abord, les activités agricoles requièrent une amélioration urgente de l'encadrement de la part des autorités tunisiennes : renforcement des aides financières aux agriculteurs, amélioration des techniques utilisées, réduction des coûts de production. Il est certain que le secteur touristique demeure lié à la conjoncture internationale, mais une amélioration urgente des prestations de services, est de nature à booster le secteur à l'avenir. De même, une amélioration du climat des affaires, s'avère urgente pour relancer les investissements industriels étrangers et nationaux, assurer un meilleur équilibre régional et accroître le niveau de l'emploi. Q: La lutte contre le chômage et particulièrement celui des diplômés de l'enseignement supérieur, s'avère être un véritable casse-tête, comment résoudre ce problème? R: L'assainissement du climat social et l'amélioration des conditions sécuritaires s'imposent, pour la promotion des investissements et partant de la production et de l'emploi, dans le pays. Certes, la participation des forces vives dans la prise de décision et la définition des grandes orientations tant économiques que politiques et sociales, est impérative, de même qu'une adaptation de l'enseignement supérieur aux besoins du marché du travail, permettant l'amélioration de l'employabilité des diplômés. Q: Le gouvernement de coalition a lancé un programme de recrutement de 20 à 25 mille personnes dans la fonction publique, cela ne risque-t-il pas de grever le secteur public?. R : Le secteur public est capable de créer entre 20 et 25 mille emplois, moyennant une meilleure utilisation des ressources financières disponibles et une rationalisation de la gestion des activités publiques. Q: Le programme gouvernemental comprend, également, des aides en faveur de 235 mille familles démunies, cela ne risque-t-il pas, également, d'aggraver le déficit budgétaire? R : Certes, les efforts de création d'emplois dans le secteur public et les aides en faveur d'un nombre élevé de familles démunies, risquent de surcharger le budget de l'Etat et d'avoir des effets d'éviction sur les investissements et les dépenses productives. Il est plus cohérent voire plus judicieux, d'orienter la politique vers un meilleure encadrement ou un meilleure employabilité de ces personnes, pour leur permettre de devenir plus productives et plus actives dans la société, en favorisant le micro-crédit, la formation adéquate, la défiscalisation des petits projets... Le nombre élevé d'assistés risque d'alourdir les charges de l'Etat et de cultiver l'esprit d'oisiveté.