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«Nous sommes tous aujourd'hui en apprentissage de la démocratie»
Entretien avec : Mustapha Ben Jaâfar
Publié dans La Presse de Tunisie le 15 - 01 - 2012

A l'occasion de la célébration du premier anniversaire de la Révolution de la dignité et de la liberté, La Presse a sollicité le Dr Mustapha Ben Jaâfar, président de l'Assemblée nationale constituante, l'institution qui consacre la légitimité révolutionnaire, née à la suite des élections démocratiques, transparentes et intègres du 23 octobre dernier.
Le Dr Ben Jaâfar révèle aux lecteurs de La Presse le bilan des activités de l'ANC depuis son démarrage le 22 novembre 2011, insiste sur les principaux défis que le gouvernement est appelé à relever, explique les raisons de l'alliance d'Ettakatol avec Ennahdha et revient sur les dernières décisions prises par le gouvernement Jebali.
Interview
Quel bilan peut-on faire, à ce jour, de l'activité de l'Assemblée constituante depuis son démarrage le 22 novembre ?
Depuis le 22 novembre, nous n'avons pas chômé : élection du président de l'Assemblée, débats et adoption de la loi d'organisation provisoire des pouvoirs publics, discussions et adoption de la loi des finances... Nous avons, également, élu le chef de l'Etat et voté la confiance au nouveau gouvernement. ...et nous sommes sur le point de boucler le débat sur le règlement intérieur de l'Assemblée. Ainsi, nous avons pu mettre en place les institutions légitimes de la nouvelle République et élaboré leurs règles de fonctionnement. Certains disent qu'il y a eu beaucoup de temps et d'efforts perdus alors qu'objectivement ce qui a été fait en moins de deux mois est considérable.
J'ajoute à cela que l'Assemblée nationale constituante a donné l'image d'une institution où la règle du dialogue est bel est bien ancrée; ce que je dis là est loin d'être un simple avis partisan : l'évaluation objective des débats autour de la loi sur l'organisation provisoire des pouvoirs publics apporte la preuve de la capacité des représentants du peuple, toutes sensibilités confondues, à dialoguer, à débattre, à s'accepter les uns les autres , à faire des concessions dans la recherche du consensus... le résultat final peut être, sans exagération, un sujet de fierté pour tous les Tunisiens. Certaines sensibilités politiques auraient préféré obtenir plus, cela fait partie du jeu politique.
Mais, lorsqu'on fait la comparaison entre les propositions de départ et les textes finalement approuvés, on mesure l'ampleur des changements : certains articles concernant la loi d'organisation provisoire des pouvoirs publics ont été fondamentalement changés, de même que ceux relatifs à la Banque centrale et au rééquilibrage des pouvoirs au sein de l'exécutif. Le mode de scrutin adopté pour accorder la confiance ou voter la censure du gouvernement a, également, été revu, afin d'élire le chef de l'Etat à 50% des voix plus une, et on peut le démettre de ses fonctions de la même manière. Il en est de même pour le président de l'Assemblée constituante et le vote de confiance au gouvernement. Le parallélisme des formes a ainsi pu être respecté.
Et on peut constater, au vu du déroulement des débats et de la prise en compte des différents avis, que le slogan véhiculé par l'opposition d'une «dictature» de la majorité est sans fondement.
Quand pensez-vous démarrer l'élaboration de la Constitution?
Après l'adoption du règlement intérieur, suivi par la mise en place des différentes commissions de l'Assemblée, le travail sur la Constituante pourra commencer. Cela se fera, je pense, dans un mois au plus tard. Je voudrais, à ce propos, attirer l'attention sur le fait que l'Assemblée nationale constituante a d'abord été élue pour élaborer la nouvelle Constitution. Elle dispose, néanmoins, de pouvoirs législatifs et de prérogatives qui lui permettent d'assurer le contrôle de l'action du gouvernement, la discussion et l'adoption de la loi des finances. Elle peut, également, discuter et débattre tout projet présenté par au moins dix députés, en plus des propositions faites par le gouvernement. Si toutes ces tâches nous absorbent plus que prévu, cela se fera forcément aux dépens du temps qui devrait être consacré à la Constitution. Tout ceci pour dire que nous serons en mesure de respecter le délai d'une année pour lequel nous nous sommes engagés moralement et politiquement si nous consacrons l'essentiel de notre temps à la Constitution. Sinon nous risquons de nous éparpiller et il existe un risque de voir cette période se prolonger au-delà de l'année... Il faut aussi tenir compte que nous avons prévu d'accorder aux députés une semaine par mois pour contacter les citoyens dans les régions ... Ceci est légitime, mais ne peut se faire qu'aux dépens de la rédaction de la Constitution. Il faut donc cesser de prêter à la majorité l'intention de jouer les prolongations. En fait, notre destin est entre nos mains.
Le gouvernement est appelé, aujourd'hui, à relever de nombreux défis telle la résorption du chômage et des déséquilibres régionaux; quel message fort peut-il adresser à ceux qui ont voté pour lui ?
Bien que je ne représente pas le gouvernement, je suis à la tête de l'Assemblée constituante mais le parti que je représente est partie prenante du gouvernement et je pense que le message qu'on peut lancer consiste à confirmer la détermination de la majorité, aujourd'hui au pouvoir, à faire face à tous ces défis. Le premier appel lancé à l'opinion publique serait pour qu'elle reprenne confiance. Il faut qu'elle accepte que des priorités soient fixées car tout ne peut se faire en même temps. Il faut également veiller à ce que la sécurité et la stabilité soient rétablies : ce sont les seules garantes de la reprise économique, indispensable pour s'attaquer aux problèmes de fond qui sont le chômage et les disparités régionales. Il faut, certes, que l'Etat mobilise tous ses moyens et qu'il injecte le maximum d'investissements, notamment dans les régions qui ont été jusque-là marginalisées, voire abandonnées mais cela ne suffira pas, il faut aussi créer un climat de confiance pour que l'entrepreneur tunisien investisse et crée des projets et que l'investisseur étranger ait assez de confiance dans le présent et l'avenir du pays pour prendre le risque d'investir chez nous. C'est à ce prix qu'on pourra le plus rapidement possible résoudre les problèmes les plus urgents, redonner confiance et espoir à notre jeunesse et préparer dans la sérénité un plan beaucoup plus audacieux pour le futur car, en une année, on ne pourra, évidemment, que colmater les brèches, le passif étant tellement lourd et les attentes tellement grandes ...
Concernant la loi de finances complémentaire qui sera notamment axée sur l'investissement dans les régions, avez-vous prévu des mécanismes pour contrôler le bon emploi des dépenses ?
Bien entendu, ce volet fait partie des prérogatives de l'Assemblée qui devra veiller à ce que les projets retenus soient les plus pertinents et les plus efficaces. A ce propos, les députés vont jouer un rôle important dans les commissions régionales chargées de l'élaboration et de l'identification des priorités. Nous allons ensuite suivre, pas à pas, la réalisation de ces projets et comme nous allons, parallèlement, être accaparés par l'élaboration de la Constitution, nous comptons beaucoup sur les responsables régionaux, dans les structures de l'administration et parmi les députés de la région , de même que dans les composantes de la société civile pour rester vigilants quant à la concrétisation des projets adoptés.
Après les derniers «faux pas» : déclarations sur l'Algérie, nominations à la tête des médias publics... auriez-vous un reproche ou un avertissement à adresser au gouvernement ?
En tant qu'homme politique, partenaire de la gestion des affaires du pays et président de l'Assemblée, je crois en l'efficacité de la consultation et de la concertation. Je pense qu'il ne faut prendre de décision qu'après avoir épuisé tous les moyens du dialogue. C'est la meilleure garantie pour réaliser le consensus autour des décisions à prendre et il ne faut pas oublier aussi que les institutions fonctionnent selon des règles qui répartissent les pouvoirs de manière tout à fait claire. Consultation et concertation ne conduisent pas à empiéter sur les prérogatives de tel ou tel pouvoir.
Il ne faut, également, pas oublier que ma position me fait obligation de rester à l'écoute des autres, mon principal rôle étant un rôle d'arbitrage et d'écoute pour pouvoir gérer l'Assemblée.
Par ailleurs, nous tous sommes aujourd'hui en apprentissage de la démocratie et personne ne détient la vérité absolue. Il faut d'abord apprendre à vivre ensemble et à accepter l'autre même lorsqu'il ne fait pas exactement ce qu'on attend de lui. Nous avons été tellement sevrés de vrais débats avec un régime de «taâlimet» qu'on a du mal aujourd'hui que nous sommes totalement libérés par cette belle révolution, à établir des règles d'écoute et de dialogue.
Qu'auriez-vous à répliquer sur les déclarations que certains ont récemment proférées à l'égard des juifs ?
Je trouve ces propos condamnables, inadmissibles et incompatibles avec la culture des Tunisiens et nos traditions d'ouverture et d'acceptation de l'autre, notre Islam a toujours été un Islam des lumières, ce sont des dérapages qui doivent être sévèrement sanctionnés.
Connu pour être une personnalité démocrate, modérée et résolument favorable aux valeurs républicaines, certains ne comprennent toujours pas comment vous avez pu vous allier à Ennahdha, qu'avez-vous à leur dire? Cette alliance menacerait-elle la cohésion de votre parti Ettakattol ?
D'abord ceux qui ne comprennent pas ne veulent, en réalité, pas comprendre. Car un retour objectif sur ce que nous avons eu comme démarche depuis le 14 janvier et même avant permet d'avoir une idée claire sur nos choix et nos objectifs.
Il ne faut pas oublier que notre dialogue avec Ennahdha ne date pas d'aujourd'hui : depuis que la répression s'est installée au début des années 90, nous avons toujours été du côté des victimes quelles que soient leurs sensibilités politiques. Nous nous sommes, donc, retrouvés à la défense des islamistes. Ensuite il y a eu le Comité du 18 octobre qui était un véritable cadre de dialogue qui nous a permis de nous connaître les uns les autres et Ettakatol n'était pas seul dans ce comité. Il y avait aussi bien le PDP, l'extrême gauche, des personnalités indépendantes...et ce comité a fonctionné pendant cinq ans jusqu'en 2009.
Après le 14 janvier et pendant toute la période qui a précédé les élections Ettakatol s'est distingué par un discours et une approche systématique fondée sur le fait que la bipolarisation de la vie politique était la chose la plus néfaste qui pouvait arriver à la Tunisie révolutionnaire ; nous étions contre l'idée des deux camps qui se tirent dessus. Mais d'autres courants politiques ont adopté une attitude contraire de bipolarisation. Avant les élections du 23 octobre, nous avons été le seul parti à avoir donné une conférence de presse où nous avons déclaré qu'au lendemain du 23 octobre nous allons militer et tout faire pour mettre en place un «gouvernement d'intérêt national», nous avons annoncé la couleur et nous n'avons trompé personne… Après, nous avons essayé de respecter nos engagements et nous avons pris contact avec tous les courants politiques, mais là nous avons essuyé un refus car leurs responsables sont restés attachés au schéma classique qui nous semblait inadapté aux impératifs du moment. Pour eux, la démocratie ce doit être d'une façon simpliste une majorité contre une minorité. Pour nous, la situation délicate que traverse la Tunisie exige qu'on mette toutes nos forces en commun pour passer ce cap difficile. Tout ça pour dire que notre alliance s'est imposée par la réalité des faits et ceux qui ont choisi d'être une minorité doivent assumer leur choix .
Notre alliance est un rassemblement des forces pour gérer le pays à un moment historique. Cependant, pour le débat de fond et pour tout ce qui va concerner l'élaboration de la Constitution, nous sommes absolument libres et chacun suivra ses propres convictions et les valeurs pour lesquelles il a milité depuis des années. Et là nous serons intransigeants. La recherche du consensus sera toujours l'une de nos priorités. Sur les questions fondamentales de liberté, de démocratie, d'égalité homme femme, des droits sociaux et de séparation des pouvoirs, nous serons intraitables.
Bien entendu, ce débat traverse toutes les sensibilités politiques y compris la nôtre au sein de notre parti, parce que nous ne sommes pas isolés du contexte général et parce qu'il y a parmi nos militants certains qui se laissent un peu berner par les arguments du genre «alliance contre nature» et certains oublient trop vite que les trois partis du gouvernement sont les partis qui sont résolument restés fidèles aux objectifs de la révolution entre le 14 janvier et le 23 octobre. Je pense qu'avec une meilleure communication, les choses s'arrangeront et aujourd'hui rien ne menace Ettakatol dans sa cohésion interne, il va continuer à assumer ses responsabilités et à défendre ses valeurs.


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