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"Les gouvernements provisoires n'ont pas encore consulté le peuple" Questions/Réponses - La crise, ses causes, comment s'en sortir - Karim Missaoui président du parti "Alliance pour la Tunisie"
Nous vivons aujourd'hui une profonde crise de confiance sur plusieurs plans. Le peuple n'avait déjà pas confiance dans le gouvernement, qu'on juge illégitime, mais qu'on accuse aussi d'œuvrer dans l'ombre. Aujourd'hui, la méfiance du peuple se dirige également vers la haute instance de la transition démocratique. Leur décision de reporter les élections, malgré les justificatifs donnés a été interprétée de plusieurs façons, dont celle de plonger la Tunisie dans l'instabilité, ou d'œuvrer pour l'avantage de certains partis plus que d'autres. Le peuple n'a pas aussi confiance dans les partis politiques, bref le peuple a tout simplement l'impression que tout se joue sans lui. Nous avons contacté maître Karim Missaoui, aujourd'hui président du parti « Alliance pour la Tunisie » avec qui nous avons évoqué ces problématiques. Le Temps : Commençons par présenter le parti - Karim Missaoui : Nous avons obtenu le visa le 19 avril 2011, l'Alliance pour la Tunisie est un parti centriste modéré et réaliste, fondé par moi-même et j'en suis le président et un certain nombre de personnes de la société civile dans toute sa diversité. La modération vient de la conviction que personne ne détient la vérité et que chacun a sa petite part. Ainsi, il faut œuvrer pour trouver un tronc commun entre le plus grand nombre de nos concitoyens. Pour cela, on doit passer par des discussions et négociations et concessions. C'est dans ce sens qu'on apprend à écouter l'autre. C'est cela la démocratie ; savoir écouter et respecter autrui. Le parti est réaliste car il est essentiel d'éviter d'avoir des a priori ou des idéologies pré conçues, nous devons trouver des solutions et apporter des solutions à partir de la réalité du terrain en s'inspirant du quotidien et du vécu du Tunisien. - Peut-on avoir une petite présentation de vous et un aperçu de vos motivations ? J'étais avocat au barreau de Paris et j'exerce en Tunisie depuis une quinzaine d'années, comme tous les Tunisiens je ne peux pas rester indifférent après les moments historiques qu'on vit depuis le 14 janvier. Nous pensons que notre pays vit un moment historique et crucial. Nous devons réinventer le savoir-vivre au commun. Nous sommes conscients qu'il est impératif que la classe la plus favorisée fait preuve de solidarité avec les plus nécessiteux car notre Révolution est celle de la solidarité entre tous. Elle doit faire preuve d'exemplarité car l'exemple vient d'en haut. Nous devons également veiller à améliorer le pouvoir d'achat de notre fameuse classe moyenne qui a trop souffert ces dernières années. On doit être très attentif à l'amélioration des conditions du quotidien de ceux parmi les plus nécessiteux des Tunisiens. Néanmoins nous devons faire attention à ne pas tomber dans le discours populiste et la culture de l'assistanat. - Votre avis sur la crise politique ou celle de la légitimité qu'on vit aujourd'hui Cette crise de confiance a certainement des explications, essayons de simplifier sans tomber dans la banalisation. Nous sommes tous d'accord que l'ancien système n'avait aucune considération à l'égard des Tunisiens. Le peuple n'a jamais été consulté de façon respectueuse et démocratique. Aujourd'hui, le peuple tunisien et notamment sa jeunesse a accompli une œuvre historique dont l'importance a dépassé nos propres frontières. Cette Révolution est également un cri lancé par les citoyens à l'égard de ses gouvernants. Le peuple aspire au respect et demande qu'on l'écoute. Or depuis le 14 janvier, les différents gouvernements provisoires n'ont pas encore consulté le peuple. Et là est le problème. D'où la crise de confiance. - Quelle est alors la solution pour cette crise ? Aujourd'hui, le débat porte sur les dates des futures élections pour l'assemblée constituante. Il semble que le plus important n'est pas la date des élections en soi. Il s'agit plutôt de créer les conditions de réussite de ces élections. Il s'agit des premières élections que tout le monde veut démocratique, c'est-à-dire libre et transparente et respectueuse de toutes les sensibilités. Nous n'avons pas le droit à l'erreur car il s'agit là du point de départ d'un long processus démocratique. - Il y a une crise de confiance par rapport à la commission, est-ce fondée ? Je pense que la partie la plus amène d'apprécier la réunion de ces conditions de réussite est la commission supérieure indépendante des élections, pourquoi ne pas lui faire confiance ? Nous la voulons indépendante et voilà que certaines parties demandent à lui imposer ses propres intérêts partisans, en termes de stratégie, de rythme de campagne électorale, etc. Il y a quand même là un paradoxe inquiétant… - Quelles sont les problématiques qui se poseront au lendemain des élections de l'assemblée constituante ? Se poser la question à toutes les parties prenantes : laissons la commission apprécier la faisabilité du processus électoral et essayons d'utiliser à bon escient la période qui nous sépare des prochaines dates de ces élections. J'ouvre une parenthèse « nous croyons qu'une fois l'assemblée constituante élue tous nos problèmes seraient résolus » or plusieurs problèmes et questions peuvent se poser au lendemain de ces élections. Je citerai deux exemples. Nous devons avoir après les prochaines élections un Président de la République pour assurer la continuité dans les institutions de l'Etat. Question qui va nommer ce futur Président, est-ce le peuple ou est-ce l'assemblée constituante. Quelle est la durée du mandat de ce futur Président. Quelles seraient les prérogatives de ce futur Président, quelle serait la nature en termes de prérogatives entre ce président et la future assemblée constituante. Qui nommera les futurs membres du futur gouvernement, le futur Président ou la future assemblée. A la date d'aujourd'hui nous n'avons pas de constituante et la future constitution n'est pas encore prête il y aura là donc un vide juridique et aucune partie, y compris l'assemblée constituante ne dispose d'un mandat pour en décider. Le deuxième exemple illustrera l'existence d'autres problèmes. En principe l'assemblée constituante devra arrêter un projet de la future constitution. Doit-on donner les pleins pouvoirs à l'assemblée constituante pour préparer puis adopter le projet de constituante ou doit-on revenir au peuple pour lui soumettre l'adoption de ce projet de la future constitution ? - Comment sortir de toutes ces crises ? Toutes ces questions fondamentales doivent être soumises à la volonté du peuple dans le cadre d'un référendum populaire qui sera organisé avant les futures élections de la future constituante. Ce schéma a plusieurs avantages : réinstaurer la confiance entre le peuple et les gouvernants, puisque la parole sera donnée au peuple, ce schéma permettra aussi de contribuer à l'instauration d'une meilleure concorde entre toutes les parties prenantes : le peuple, les partis politiques, le gouvernement, la haute autorité indépendante des élections. Parmi les avantages de ce schéma aussi – préparation de référendum – constituera une sorte de galop d'essai ou d'entraînement pour la haute autorité indépendante des élections pour préparer les futures élections de la constituante. Les partis politiques trouveront là une occasion pour faire œuvre de pédagogie politique envers leurs partisans et envers le peuple de façon générale. Propos recueillis par Hajer AJROUDI