Que pensent les jeunes postulants de la formation professionnelle? Comment la société tunisienne perçoit-elle ce secteur, à l'heure où le chômage atteint son summum? Est-il intéressant, aujourd'hui, dans ce nouveau contexte socioéconomique, de changer les perceptions à l'égard de ce mode d'apprentissage? Quelle stratégie peut-on adopter, en parallèle, pour pouvoir polariser de nouveaux demandeurs ? Et pourquoi cette question d'image se pose en cette étape cruciale, alors qu'il fallait la poser ces dernières années, lors de la consultation nationale réalisée sur la restructuration du dispositif de la formation? Autant d'interrogations auxquelles les décideurs politiques devraient répondre pour arriver au bout du problème. Car, l'essentiel est de s'attaquer aux causes pour évaluer les conséquences, à la lumière, bien entendu, de la qualité de formation dispensée dans les 135 centres, des filières qui y sont enseignées et des débouchés professionnels qui en découlent. L'étude de la réalité et des perspectives du secteur, autrement dit. C'est ce qu'ont évoqué les participants au colloque international tenu, hier matin à Tunis, sur «Le regard de la société à la formation professionnelle:réalité et perspectives» dont l'objectif est de changer la perception à son égard. Tenu à l'initiative de l'Agence tunisienne de la formation professionnelle (Atfp), en collaboration avec British Council-Tunisie, ce colloque vise à redorer l'image du secteur et promouvoir son employabilité, compte tenu de son rôle important dans la réponse aux besoins pressants de l'entreprise en compétences et main-d'œuvre hautement qualifiée. Surtout qu'il accueille actuellement quelque 100.000 stagiaires, tous niveaux confondus. L'organisation de ce colloque conjointement avec British Council s'inscrit dans le cadre des relations de partenariat qui le lient avec l'Atfp et, partant, la volonté de la Tunisie de s'inspirer de l'expérience britannique en la matière. Expérience que le conférencier Jan Hodges, (CEO auprès de la fondation «Edge») vient de l'exposer devant un parterre d'experts, de responsables et de formateurs, faisant la lumière sur l'état des lieux du secteur et la démarche adoptée par «Edge» pour faire face aux défis confrontés au Royaume-Uni. Il s'agit, selon l'orateur, de procéder au diagnostic du phénomène du rejet de la formation, la réticence des jeunes et le regard que porte la société britannique vis à vis de l'image du secteur, jugée sous-estimée par rapport à l'enseignement académique. Cette démarche a été inscrite, selon lui, dans un riche paysage médiatique à vocation multiple capable de jouer la sensibilisation, mais aussi dans une logique économique basée sur le capitalisme et le compter-sur-soi. Ce qui donne à l'initiative privée toute sa légitimité. Cette stratégie de communication (plan médias) puise dans la valorisation des compétences professionnelles des jeunes, en leur faisant comprendre que l'enseignement professionnel n'est pas moins porteur que le système éducatif. Abondant dans ce sens, M. Abdelwaheb Mâatar, ministre de la Formation professionnelle et de l'Emploi, a rappelé que l'apprentissage d'un métier professionnel relève d'un héritage ancestral bien ancré dans le passé, évocateur des vertus d'une formation continue transmise de père en fils. Son histoire lui confère plus de confiance et de rayonnement. «Ce qu'il faut, aujourd'hui, c'est changer les mentalités et s'orienter vers les compétences professionnelles», a-t-il expliqué. Pour en finir avec les clichés stéréotypés et les préjugés infondés disant que la formation est une voie d'échec, M. Mâatar a incité les médias, l'entourage social et l'école à donner à la formation sa juste valeur. Elle n'est plus le parent pauvre, mais plutôt une voie royale vers le marché du travail. D'ailleurs, le ministère, a-t-il annoncé, s'engagera à lancer une stratégie promotionnelle basée sur une vaste campagne médiatique visant à rendre au secteur la place qu'il mérite. Idem pour la pédagogie professionnelle, elle doit s'adapter aux nouveaux besoins économiques. «Cela exige, assurément, une réforme structurelle approfondie dans le but de concevoir une feuille de route en mesure de définir les contours d'avenir du secteur», souligne le ministre. En d'autres termes, la formation professionnelle, tout comme l'université, devrait s'ouvrir sur le marché de l'emploi. Sur cette lancée, le directeur général de l'Atfp, M. Brahim Toumi, a évoqué le projet de restructuration du dispositif de la formation dont l'Atfp est partie prenante. «Un projet suite auquel notre agence retrouvera sa représentativité dans les différentes régions», prévoit-il. Il a formulé l'espoir de voir se créer une instance autonome pareille à celles créées en France, en Suisse et en Grande-Bretagne, chargée de la formation et de l'orientation professionnelle. «Une instance qui suive l'évolution des métiers et les perspectives du développement du secteur», a-t-il souhaité.