La révolution tunisienne a surpris tout le monde, pas les cinéastes. Eux, très vite, caméra au poing ont mené la bataille à leur façon. Entre Plus jamais peur de Mourad Ben Cheikh, Rouge parole de Elyes Baccar, Dégage de Mohamed Zran, les points de vue diffèrent, convergent et racontent, chacun à sa manière, leur vécu d'un événement qui a bouleversé tout un chacun. Dégage, le troisième film de cette série de films sur la révolution, est signé Mohamed Zran. Le tournage a commencé le 16 janvier 2011, soit deux jours après le départ de Ben Ali. «Je suis descendu à l'artère principale de Tunis et j'ai commencé à filmer les détails : les visages, les pieds, les mains et les expressions des gens. Pris par l'émotion et surpris de me retrouver au beau milieu d'un événement historique, je me suis surpris non seulement à interviewer les gens, mais à partager des discussions, à faire des commentaires sur ce qui se passe autour de moi et à essayer de mettre des mots sur ce que je ressentais», déclare-t-il. D'après Zran, Dégage est une prise sur un événement déclencheur et un voyage à la rencontre de gens ordinaires, ceux qui ont fait la révolution et qui sont restés jusqu'à aujourd'hui invisibles et négligés : les chômeurs, les jeunes, les paysans ... «En filmant ces gens-là, je me suis rendu compte qu'ils étaient toujours les protagonistes de mes films, aussi bien les documentaires que les fictions. Ce sont ces mêmes personnes que je voulais dépeindre dans Essaïda, Le Prince, Le chant du millénaire ou Vivre ici», explique-t-il. Dégage semble donc vouloir braquer la caméra sur l'extase du Tunisien devant sa victoire face à la dictature, raconter la belle fable de ces héros des temps modernes, en ponctuant le tout avec les événements majeurs qui ont fait que la révolution tunisienne ne soit pas un simple soulèvement populaire. «Pour moi, Al Kasba 1 et Al Kasba 2 étaient des rendez-vous essentiels dans la formulation des revendications sociales et politiques», ajoute-t-il. Dans ce film, Zran nous promet des moments inédits, des secrets et des révélations des auteurs de la révolution et comment ils ont tissé la trame de l'histoire, depuis Sidi Bouzid jusqu'à sa propagation dans tout le pays. En quoi ce film serait-il différent de ceux des autres cinéastes qui traitent du même sujet ? «Quand je filme, j'écris. Je suis moi-même au cadre, je ne tiens pas la caméra juste pour capter des instants ou des scènes. Filmer tout court n'est jamais suffisant. Le « comment» est une question qui s'impose. Et quand je me retrouve sur le terrain, c'est tout mon background et ma sensibilité envers les choses qui se mettent en marche. En somme, ce sont ma subjectivité et ma sensibilité qui feront de Dégage un film différent de ses semblables», répond Zran. Dégage, dont la sortie en salles est prévue pour la fin du mois de février, est un film qui se veut, avec le recul nécessaire, historique, mais en même temps un conte qui rend hommage aux héros de la révolution, avec Bouazizi et Sidi Bouzid comme point central. Quant à son projet de fiction La flamme qui traite de la vie et de la mort de Mohamed Bouazizi, dont les droits sont acquis par le producteur Tarak Ben Ammar, on attendra encore quelque temps...