La classe moyenne s'appauvrit. Elle s'érode et semble se réduire comme une peau de chagrin sans que cela ne paraisse inquiéter outre mesure les politiques. Pourtant, la classe moyenne est le socle, le ciment et la colonne vertébrale d'une société politiquement stable et économiquement prospère et entreprenante. Une classe moyenne, qu'est-ce que c'est ? Si le concept admet un large spectre de définitions, toutes s'accordent à dégager quelques fondamentaux et valeurs qui, par grâce, et au-delà des illusions et des utopies, ont fait le «bonheur» et nourri le dynamisme de la société. La classe moyenne se distingue en effet par une véritable unité autour de valeurs communes et s'identifie par un spectre de préoccupations. Le pouvoir d'achat est à la tête de ces préoccupations. La deuxième valeur centrale, celle qui nourrit l'angoisse du déclassement, ce sont les études des enfants. Troisième préoccupation, le logement : les classes moyennes sont en quête de stabilité pour lutter contre les aléas du temps et les vicissitudes de l'existence. A tous ces niveaux, les messages des politiques et surtout du gouvernement provisoire semblent ne pas tout à fait prendre la mesure de la peur du déclassement que vivent les classes moyennes tunisiennes. La cherté de la vie, le surendettement des ménages, la flambée des prix du logement entretenue par une spéculation criminelle de certains promoteurs immobiliers et jusqu'aux frais de scolarité prohibitifs... rien n'est fait pour redonner confiance à une classe de laquelle on attend, étrangement, beaucoup plus qu'une autre, la relance de la machine économique, du moins toujours plus de participation à l'effort de solidarité nationale. A dire vrai, et au regard du régime fiscal dont elle est assujettie, la classe moyenne génère à elle seule la plus grande part du PNB et concentre l'essentiel de la solidarité nationale. Elle est en outre, et à chaque fois, le candidat «idéal» pour supporter des «mesures exceptionnelles». Sans doute, les politiques ont-ils aujourd'hui le regard rivé sur les couches sociales les plus déshéritées. Sans doute, doit-on corriger un passif lourd en termes de justice et d'égalité sociale. Cependant, toutes ces nobles causes risqueraient de rester vaines et stériles aussi longtemps que les classes moyennes, principal moteur de la croissance et principale source de financement de l'Etat et de l'économie, se sentiraient un peu «oubliées».