Au commencement étaient la fraternité et la philanthropie entre deux voisins, deux peuples frères qui s'aimaient infiniment. Deux peuples constamment unis en temps de joie comme en temps de crise. Voilà «l'intrigue» principale du film-documentaire «Droit de voisinage», de Abdelmajid Oueslati. Projeté, hier, à la maison de la culture Ibn-Rachiq, en prévision de la commémoration, aujourd'hui, des évènements de Sakiet Sidi Youssef, ce film-documentaire revient sur un parcours douloureux, long et en même temps atypique de deux peuples qui se sont de tout temps soulevés contre la tyrannie et l'exploitation de l'homme par l'homme. Images en noir et blanc et anecdotes historiques à l'appui, le réalisateur suit le parcours de Yasmine, fillette algérienne de cinq ans, réfugiée en Tunisie suite à l'assassinat de ses parents par les colons français. Il aborde, par la suite, ce lien historique et indéfectible rattachant Tunisiens et Algériens, dont le sang s'est généreusement mêlé, irriguant leurs terres occupées. En l'espace de cinquante minutes, Oueslati interprète un texte informatif, où il se révèle soucieux du détail et donne à voir des images qui ne font que fouiller dans la mémoire pour éveiller des souvenirs poignants. Lesquels souvenirs nous rappellent les souffrances qu'ont endurées les Tunisiens et les Algériens durant une colonisation barbare et injuste, tout autant qu'une violence infligée par les colons à ces deux peuples frères, qui a renforcé entre eux le cordon ombilical. «Une violence accoucheuse de l'histoire», selon la formule de Marx : d'une histoire grande et d'un sort commun. Sort commun incarné par ces regards d'enfants, à la fois innocents et profonds, et qui rappellent qu'en tout Tunisien, comme en tout Algérien ayant pris part aux combats de l'indépendance, il y a un enfant qui intériorise des maux et des blessures que le temps n'est toujours pas parvenu à panser. Le parcours de Yasmine, qui a grandi à La Marsa pour, finalement, devenir artiste-peintre exposant à Alger, en dit plus. Yasmine ayant si longtemps intériorisé ses maux pour les extérioriser, un jour, via un langage chromatique plus expressif que des mots, donne à voir et à lire que les Tunisiens et les Algériens, plus que des voisins, sont des frères solidaires et inséparables.