Les fédérations et la tutelle instaurent le huis clos. Les clubs trinquent Au-delà du souci sécuritaire recherché par ce genre de mesures qualifié «d'impopulaire, certes, mais nécessaire», comme le dit le parte-parole de la FTF, se pose en des termes aigus le volet des retombées financières d'une telle décision et de ses conséquences sur les équilibres budgétaires des clubs. D'ailleurs, le département de tutelle n'est pas resté insensible, puisque Tarek Dhiab, ministre de la Jeunesse et des Sports va se réunir aujourd'hui avec les présidents des clubs «pros» pour chercher les moyens de faire face au manque à gagner généré par une telle décision. Mais on ne va pas se contenter, à l'occasion, de prospecter des solutions et de défricher de nouvelles sources de revenus. En effet, une importante subvention sera débloquée à titre particulier en faveur des clubs. Car, la tutelle a pris conscience de l'impasse dans laquelle se trouvent aujourd'hui les associations. D'autant que tout va de travers lorsqu'on regarde du côté des sources de financement. Avec le dernier coup dur qui consiste en la mise en demeure adressée par la Fédération nationale à l'Etablissement de la télévision nationale, invitant celui-ci au respect des termes du contrat sur les droits TV. La première tranche d'un montant de 1,9 million de dinars devait être versée depuis le mois d'octobre dernier pour être aussitôt reversée dans son intégralité au bénéfice des clubs. Cette manne financière n'a toujours pas été encaissée. Conséquence : plus de diffusion des rencontres du championnat par les deux chaînes d'Al Watania. «C'est l'agonie», s'exclame Hafedh Hmaïed, président de l'Etoile Sportive du Sahel, club pour lequel les recettes aux guichets entrent à hauteur de 15% du budget d'un montant de 13 millions de dinars. «Nous dépensons chaque mois 600.000 dinars et comptons près de 3.000 salariés entre joueurs, employés d'administration, staffs technique et médical… Mais il faut également tenir compte des postes d'emploi indirects à la création desquels nous participons : transport, location de voitures, hôtels, restaurants… Il nous faut des rentrées d'argent fixes et pérennes. L'Etat doit parrainer les clubs et considérer en fait les associations sportives comme n'importe quelle société nationale (Steg, Sonede…)», souligne le premier responsable de l'ESS. «On doit répertorier tous les meneurs à l'origine de la violence et des débordements pour en finir avec le huis clos qui ôte tous les ingrédients du spectacle et de la motivation. Mais plus important encore, le dossier du sport doit être ouvert pour définir où l'on veut vraiment aller avec des associations appelées à évoluer pour sortir du carcan du statut de sociétés à but non lucratif», analyse M.Hmaïed. Révision à la baisse des salaires Tout en reconnaissant «qu'à l'heure qu'il est, le sport n'est pas la priorité dans l'esprit de l'Etat», Anis Ben Mime, porte-parole du Stade Tunisien, met l'accent sur la dimension économique prise par les associations sportives : «Ce sont près de 200 employés que le ST fait vivre. En plus des joueurs pros qui risquent de perdre leurs salaires, 200 jeunes joueurs vont se retrouver à la rue. La fonction d'important pôle de création de postes d'emploi vient donc se greffer au rôle éducatif assumé par le club», relève le dirigeant stadiste, qui avance une proposition à ses yeux incontournable : «Tous les contrats pros doivent être revus à la baisse à hauteur de 30 à 40%. Et c'est l'Etat qui doit se charger d'imposer aux joueurs une telle ponction sur les salaires. Si nous adhérons, dans l'intérêt national, à cette mesure du huis clos, il ne faudrait pas moins avoir une pensée pour les clubs. Ceux-ci ressemblent aujourd'hui à un bébé mort-né. Des décisions financières d'accompagnement s'imposent donc, d'autant que notre unique recette était jusque-là parvenue de la première tranche sur les recettes du Promosport». Anis Ben Mime fait un calcul simple : «On a beau dire que nos sorties ne draînent pas le grand public. Pourtant, par un simple calcul, c'est un demi-milliard qui s'en va en fumée, fruit des recettes dans les derbies contre le CA et l'EST. La dernière rencontre du championnat nous allons la disputer contre l'Espérance et elle peut se révéler décisive. Imaginez un peu la recette que nous risquons de perdre à l'occasion», regrette M.Ben Mime. «La saison dernière, les clubs ont assumé à eux seuls les charges du manque à gagner généré par le recours par intermittence au huis clos, rappelle-t-il. Personne n'a volé à leur secours. Cette fois, les choses vont être encore plus dures. Si le foot ne requiert plus la priorité, il vaut mieux arrêter les frais et la compétition tout court», conclut-il. Bref, le foot serre les dents en cette phase délicate de la vie du pays. L'argent, qui a longtemps coulé à flot et a été parfois dilapidé dans d'extravagantes dépenses, en arrive aujourd'hui à manquer. La famille sportive ne s'en sortira que par la solidarité et l'austérité.