Les Vandales sont-ils passés par la région sfaxienne et plus précisément par les terres domaniales louées à des agronomes et techniciens sous l'appellation de «lots techniciens» ? Personne ne peut être indifférent à ce qui s'est passé durant la période de la révolution dans des exploitations agricoles censées garantir notre sécurité alimentaire, consolider le rythme de création d'emplois et promouvoir le rendement des terres agricoles domaniales. Quelles que soient les raisons, la destruction systématique des biens publics ou privés ne peut être tolérée. La visite de travail de deux jours du ministre des Domaines de l'Etat et des Affaires foncières dans le gouvernorat de Sfax a été essentiellement consacrée au traitement des problèmes des terres domaniales, squattées et pillées durant la révolution du 14 janvier. Une visite qui répond avec urgence à l'appel de détresse des agronomes et techniciens de la région de Sfax dont la majorité écrasante n'a pas pu remettre les pieds dans leurs fermes. A El Hencha comme à Jebeniana ou El Amra, les pertes causées par «l'invasion» des lots techniciens sont énormes. Des pertes subies non seulement par ces explolitants agricoles, mais aussi par l'Etat et les ouvriers agricoles dont l'unique revenu est le travail de la terre. Les dégâts qu'ont subis les deux tiers des 47 lots techniciens répartis sur les quatre coins du gouvernorat de Sfax sont estimés à plus de deux milliards de nos millimes. Des exploitations agricoles occupées par certains habitants de différentes régions du gouvernorat qui revendiquent leur droit sur ces terres et la nécessité d'une redistribution équitable. Ainsi, 32 lots techniciens en phase de production ont été pillés au vu et au su de tout le monde. Pire encore, les équipements ont été endommagés et on n'a pas hésité à mettre le feu aux bâtiments, à couper les arbres fruitiers et à menacer et empêcher les exploitants de reprendre leur travail et de réparer les dégâts. Même l'herbe des prairies n'a pas échappé à la rage destructrice des intrus en colère mais aussi en proie à une haine inexplicable : en un clin d'œil, 16 mille mètres carrés sont partis en fumée. Bref, la verdure des plantations s'est transformée en un tableau sombre reflétant un paysage lugubre. Un spectacle vraiment triste et désolant. Dans ses entretiens avec certains habitants de ces régions, le ministre, accompagné du gouverneur de Sfax, a essayé de comprendre les vraies raisons de ces actes de violence et de destruction. La réponse est spontanée, mais peu convaincante : nous voulons que nos enfants qui souffrent depuis des années de la marginalisation et de l'exclusion puissent bénéficier de ces terres. Or, expliquent-ils au ministre, très attentif à leur requête, ces terres ont été distribuées à des gens dont le seul mérite est de servir l'ancien régime. Ainsi, ajoutent-ils, il est temps de revoir toute la stratégie d'octroi de ces lots techniciens selon des critères objectifs et justes. Dégâts irréparables «J'ai mal au cœur de voir le fruit de toute une carrière s'évaporer en quelques heures, sous mes yeux !», s'indigne un technicien dont le lot a subi des dégâts qui semblent irréparables. Il ajoute avec amertume: «Ce qui est injuste, voire révoltant, c'est que les responsables n'ont pas été arrêtés. Bien au contraire, ils revendiquent, dans l'impunité totale, ‘‘des droits'' qui n'existent que dans leurs esprits. Nous sommes des locataires. Nos contrats sont signés avec l'Etat depuis 1996 en bonne et due forme». Profitant de la réunion organisée, hier matin, au siège du gouvernorat de Sfax, sous la présidence du ministre des Domaines de l'Etat et des Affaires foncières, en présence de membres de la Constituante, bon nombre d'agronomes et de techniciens ont appelé avec insistance l'Etat à jouer pleinement son rôle, notamment en matière de sécurité et de préservation des biens publics et privés. Ils ont également exigé d'être remboursés pour pouvoir reprendre leurs activités. «Nous sommes endettés auprès des banques. Nous devons honorer nos engagements et préserver nos sources de revenus», souligne un représentant syndical des ingénieurs agronomes, présent à cette réunion. Une demande soutenue par beaucoup d'ingénieurs et de techniciens, mais aussi par un membre de la Constituante et le gouverneur de la région. Le ministre, qui s'est montré compréhensif, a décidé la création d'un comité technique qui va étudier, au cas par cas, les problèmes des lots squattés et ceux qui ont subi des dégâts. Il a précisé, dans ce contexte, que les solutions seront identifiées dans un cadre de dialogue constructif et élargi.