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Alexandre, ou le demi-dieu des Armées
Figures et concepts
Publié dans La Presse de Tunisie le 23 - 02 - 2012

A la mort de son père, Philippe de Macédoine, Alexandre n'a que 20 ans. Et, 13 ans plus tard, ce sera à son tour de succomber. Il n'a donc que 33 ans à sa mort : brève carrière en ce bas monde pour quelqu'un dont le nom reste profondément gravé dans l'histoire universelle ! Parmi les grands conquérants dont les historiens nous rapportent les exploits et les hauts faits, Alexandre tient aussi une place à part. Sans doute pour les deux raisons suivantes : premièrement, c'est grâce à lui qu'une langue et une culture vont se répandre dans presque tout le bassin méditerranéen et au Moyen-Orient, créant ainsi un contexte nouveau en matière d'échange et de connaissance des peuples les uns par les autres. Ce qu'on appelle en effet la période hellénistique est la conséquence directe des conquêtes d'Alexandre, dans leur étendue, et cette période constitue une expérience inédite sur le plan culturel : l'hégémonie culturelle du grec rend possible, dans le même temps, un champ de rencontres entre des individualités singulières qui, sans cela, n'auraient jamais pu se connaître. La situation créée par Alexandre préfigure l'hégémonie actuelle de la langue et de la culture anglo-américaine, grâce à laquelle, quoi qu'on dise, on assiste au niveau mondial à une opération de brassage culturel et intellectuel planétaire sans précédent. La deuxième raison de la place singulière qu'occupe Alexandre parmi les conquérants, c'est qu'il a constitué un modèle. Et même si l'on voulait admettre que la figure de César lui vole en quelque sorte la vedette en Occident, cela ne se fait jamais entièrement et très longtemps, d'autant plus qu'Alexandre a servi de modèle à César lui-même. Il faut savoir à ce propos, d'ailleurs, que si Alexandre a été en Occident le symbole du guerrier qui brave les frontières et s'engage en profondeur dans les territoires de l'Orient – Alexandre parviendra jusqu'en Inde – son épopée a fait l'objet de récits légendaires qui ont aussi largement circulé en Orient. A telle enseigne que l'allusion dans le Coran au personnage de Dhoul Karnayn a fait penser à beaucoup qu'il s'agissait d'Alexandre. Cette hypothèse est aujourd'hui assez contestée, en raison du fait surtout que la conduite guerrière d'Alexandre, le recours qu'il a eu à des pratiques barbares pour susciter la peur chez l'ennemi, cela, fait-on valoir, ne saurait faire de lui cette figure plutôt exemplaire qui est celle de Dhoul Karnayn dans le texte coranique. Quoi qu'il en soit, l'idée même qu'Alexandre pourrait correspondre au personnage invoqué prouve assez qu'il était largement présent dans la culture populaire des habitants de tout le Moyen-Orient. Et cela, précisément, à travers certains récits légendaires que l'on connaît.
Alexandre Pharaon
Mais, en réalité, il y a une autre raison qui pourrait expliquer qu'Alexandre ne peut pas être Dhoul Karnayn, et cette raison renvoie en même temps à une dimension réellement nouvelle, inédite, qui fait que ce guerrier est véritablement le premier d'une lignée de conquérants dont les successeurs ont nom César ou Napoléon, pour ne citer que ces deux-là. Cette raison fait référence à son rapport à l'élément religieux, ou plutôt à son utilisation de l'élément religieux à des fins politiques. On pourrait évoquer ici le fait que, après sa conquête de l'Egypte, il convoque les prêtres égyptiens afin de se faire Pharaon, dans un geste qui évoque celui qu'aura plus tard Napoléon lorsque, contre tout usage, il convoquera l'évêque de Rome pour se faire sacrer empereur à Notre-Dame de Paris. On sait que le personnage du Pharaon est chez les anciens Egyptiens une incarnation du divin... Que les descendants des Pharaons héritent de ce statut exceptionnel, selon toute une symbolique et tout un rituel, cela renvoie aux particularités de l'ancienne religion égyptienne. Mais que lui, conquérant venu du royaume de Macédoine, obtienne de l'institution religieuse qu'elle fasse une entorse à ses pratiques, voilà qui relève d'une audace peu coutumière... D'autant moins coutumière que cette exigence ne signifie pas contrainte : Alexandre a l'intelligence de ne pas mépriser la religion dont il cherche à bénéficier du soutien spirituel ! Il met, dans sa façon de se soumettre la religion de l'autre, une certaine délicatesse. Ces mêmes égards, il les aura face à l'ennemi perse, qui était de loin plus redoutable, puisqu'en réalité l'Egypte était sous sa domination lorsqu'il en fera la conquête. Alexandre ménage les lieux de culte en Iran... Mais cela ne veut pas dire qu'il laisse échapper l'occasion d'affaiblir les fondements mêmes de la religion si cela lui paraît stratégiquement avantageux. A ce propos, on s'interroge aujourd'hui encore sur les raisons pour lesquelles il a incendié la grande bibliothèque de Persépolis (-331), dans un geste que les Romains, pour leur part, n'oublieront sans doute pas lors de leur prise de Carthage (-146). Il se trouve que les textes de référence de la religion mazdéenne se trouvaient dans cette bibliothèque. Et nous savons par ailleurs qu'Alexandre a aussi eu le souci de sauver certains papyrus : mais pas l'Avesta, qui est le texte sacré des Perses achéménides. Le mazdéisme, qui a survécu jusqu'à l'arrivée de l'islam, ne s'est jamais bien remis de cette perte...
Manifestement, Alexandre est de ces hommes chez qui l'univers des dieux ne suscite pas de crainte. Il joue de la religion selon ses intérêts: telle est la nouveauté et c'est en cela qu'il fera école parmi ses pairs, les grands conquérants. En Grèce, une légende circulait à son sujet qui suggérait qu'il descendait d'Héraclès par son père. Or qu'Héraclès est une figure de la mythologie grecque, dont le père n'est autre que Zeus lui-même, le maître de l'Olympe. A sa mort, nous dit le mythe, Héraclès sera reçu parmi les immortels : c'est son «apothéose» ! Une autre légende, plus audacieuse, suggère celle-là que lui-même aurait eu Zeus pour père, à l'image d'Héraclès : cette légende raconte que sa mère, Olympia, aurait pris l'habitude de dormir en compagnie de serpents. La chose effarouchait le mari, qui désertait ainsi sa couche. En conséquence, conclut-on, sa naissance n'a pu survenir que suite à une union surnaturelle : une union avec Zeus ! Ces légendes, le moins qu'on puisse dire est qu'elles se propageaient avec la bénédiction d'Alexandre lui-même. Et il n'est pas interdit de penser qu'elles le faisaient à son instigation. Etre considéré comme un parent d'Héraclès ou un second Héraclès comportait en Grèce d'énormes avantages. Cela voulait dire obtenir une soumission totale de son armée : être un demi-dieu parmi les mortels !
L'audace en legs
A vrai dire, la divinisation des chefs politiques n'est pas, en soi, quelque chose de nouveau à l'époque d'Alexandre, loin de là. Nous l'avons dit, les Egyptiens en avaient fait une coutume depuis longtemps et ils n'étaient pas les seuls. Mais cela prenait place chez eux dans tout un système religieux. Il n'était pas permis de modifier les usages pour les accorder à ses propres objectifs. Alexandre, lui, le fera. Ce stratège hors pair, qui avait un grand flair quand il s'agissait de saisir quelle approche était la meilleure pour attaquer un ennemi en fonction de sa disposition physique et morale, de la composition de ses rangs, du terrain, etc., et qui savait se doter des bons atouts au moment du choc décisif, ce stratège, donc, avait compris tout l'intérêt qu'il y avait à mettre l'élément religieux de son côté pour galvaniser ses guerriers et susciter la terreur chez l'ennemi... Bref, il avait fait de cet élément une arme parmi d'autres, ou plutôt une arme majeure, qui s'ajoutait à sa sagacité et à son intrépidité...
La maladie, qui le surprendra alors qu'il était encore dans toute la force de l'âge, n'a pas jugé bon de tenir compte de ses origines et, à la différence d'Héraclès, il n'est pas monté à l'Olympe en poussant son dernier souffle... Mais son audace guerrière et sa capacité à user de tous les moyens, y compris les croyances des hommes, pour venir à bout de l'adversaire, cela a non seulement échappé à l'oubli, mais a aussi profondément marqué les esprits.


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