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Héraclès, ou la conquête de l'Olympe
Figures et concepts
Publié dans La Presse de Tunisie le 31 - 01 - 2012

On le connaît davantage à partir de son nom latin, qui a donné en français «Hercule», mais Héraclès est un personnage central de la mythologie grecque. Son nom signifie «gloire d'Héra» (Héra – kléios), et nous sommes confrontés d'emblée à un paradoxe, car comment Héraclès peut-il être considéré comme la «gloire d'Héra» alors que cette Héra, épouse de Zeus, n'a eu de cesse de le poursuivre de sa haine. Les fameux «douze travaux d'Hercule» sont autant de tentatives, ou presque, de le livrer à une mort certaine, puisqu'il s'agit à chaque fois ou presque de l'envoyer combattre contre d'invincibles monstres.
Or ces travaux sont l'idée d'Héra. D'ailleurs, cela commence très tôt, alors qu'Héraclès est un tout jeune enfant, un bébé pour ainsi dire : la déesse lui envoie deux serpents qui sont censés le tuer, mais il s'en saisit et les étouffe de ses mains... Pourquoi Héra fait-elle cela ? La réponse est double. En premier lieu, et selon la logique du récit, Héraclès a le tort, bien involontaire, d'être le fruit d'une infidélité de Zeus. En effet, et ce n'est pas le seul exemple, il arrive que Zeus, le roi des dieux, se prenne de désir pour une mortelle et éprouve l'envie irrésistible de s'unir à elle.
En l'occurrence, il s'agit de la belle Alcmène, qui vient d'ailleurs d'épouser un certain Amphytrion, mais ce dernier est parti guerroyer avant même de la toucher... Zeus avait pris l'apparence du mari et avait partagé la couche de la jeune femme. Etant un dieu, il n'avait eu aucun mal à faire illusion, en allant jusqu'à raconter les exploits guerriers du mari comme s'il se fut agi des siens. Il faut noter que cette propriété des dieux, dans la religion grecque, d'éprouver un intérêt pour certains mortels, que cet intérêt soit érotique ou autre, est une donnée qui ne relève pas du détail et qui fonde la possibilité, pour les mortels eux-mêmes, d'avoir part au divin de leur côté et... de devenir même des dieux !
C'est très précisément le cas de ce fils d'Alcmène, dont le père est un dieu, le roi des dieux même, et qui, à sa mort, connaîtra l'apothéose : il rejoindra l'Olympe et sera désormais un dieu (théos) parmi les dieux. Transposé dans le contexte monothéiste, on ne peut s'empêcher d'ailleurs de faire un rapprochement avec le christianisme : le fils d'Alcmène et le fils de Marie... Mais revenons à notre propos : la première raison de l'aversion qu'éprouve Héra à l'égard d'Héraclès vient donc du fait qu'elle a une sainte horreur d'être trompée par son mari, or qu'Héraclès est issu d'une des libres aventures que Zeus s'est permises. N'ayant pas pu empêcher l'acte lui-même, elle tente d'effacer ce qui en constitue la preuve... La seconde raison, c'est que la gloire a un prix.
Pour prendre part au monde des dieux, il est nécessaire que l'homme soit livré au combat qui est le leur, celui qui les oppose aux puissances de Chaos. La haine d'Héra est une sorte de ruse du destin grâce à laquelle, poussé malgré lui au devant de ces créatures qui, précisément, incarnent les puissances nocturnes, Héraclès se transforme en dieu en faisant sien leur combat. Car un homme ne peut, de son propre gré, et s'il n'est pas mis dans une situation de nécessité, s'engager dans un combat contre les puissances de la nuit, tous ces monstres issus eux-mêmes des antiques Titans et qui n'ont rien de naturel.
Il faut noter ce point : même quand Héraclès s'en va affronter le lion de Némée, qui décime les troupeaux dans la région de l'Argolide, ce lion n'a de l'animal que l'apparence. Ses origines, que rapporte le récit, nous renseignent sur sa vraie nature : ses parents ne sont autres que Typhon et Echidna, donc de ces créatures nocturnes primordiales contre lesquelles les dieux eux-mêmes ont eu à lutter... A lutter dans un combat à mort dont le cosmos, dans sa beauté, son ordre harmonieux, représente à la fois l'enjeu et, pour ainsi dire, le trophée.
Ce qui est vrai du lion de Némée l'est aussi du sanglier d'Erymanthe, de la biche de Cérynie, des oiseaux de Stymphale... Il s'agit à chaque fois d'affronter des monstres, tout autant que lorsqu'Héraclès se trouve face à l'hydre de Lerne, avec son corps gigantesque et ses neuf têtes...
Le combat intérieur
Nous avons évoqué la figure de Dionysos il y a quelques semaines : Dionysos présente avec Héraclès cette similitude qu'il est aussi issu de Zeus et d'une mortelle, Sémélé. Mais c'est un dieu. Il porte en lui, certes, cette dimension chtonienne qui fait de lui un dieu à part, un dieu chez qui le désordre originel trouve son expression, mais sa place parmi les dieux de l'Olympe n'est pas contestée. Pour Héraclès, les choses sont bien différentes : malgré son origine divine par son père, c'est un mortel. Son statut est celui du héros, dont la force est phénoménale. Mais sa place parmi les dieux, il va devoir la conquérir de haute lutte et moyennant une prise de risque constante qui engage sa vie...
Une haute lutte qui le pousse à dompter les forces de la nuit telles qu'elles se présentent à lui dans le monde, mais aussi celles qui se manifestent au-dedans de lui-même. La force d'Héraclès, il ne faut pas le perdre de vue, a quelque chose de brut et d'aveugle. Cette dimension va se révéler de façon plus évidente dans l'épisode de sa folie qui, soit dit en passant, est encore un coup tordu de Héra, une épreuve qu'elle lui envoie. Héraclès, devenu fou, jette ses propres enfants au feu ainsi que ceux de son frère. Ce qui signifie que les forces de la nuit qu'il combat, il les porte également en lui, et que si, dans le cours ordinaire de son combat, il les utilise pour les diriger contre l'ordre de leur domination sur terre, il arrive aussi qu'elles fassent irruption et s'emparent du pouvoir de son esprit.
Ce versant intérieur du combat d'Héraclès est essentiel... Revenu à lui-même, le héros va se soumettre à la justice et se condamnera finalement lui-même à l'exil, tout en recourant à des rites de purification. A travers cette attitude «réparatrice» va s'affirmer ou se sceller la vocation de la force d'Héraclès : elle œuvre au service du cosmos et de son ordre, et non du Chaos et de son désordre. En quoi c'est une force foncièrement civilisatrice.
Prométhée libéré
La lutte se déploie donc sur un double front, mais c'est une lutte humaine : tout homme, du moins s'il se sent de «haute naissance», peut la reprendre à son compte, s'inscrire dans sa démarche. En tant que héros, Héraclès ne se donne pas à adorer comme Dionysos, mais à imiter. Et, comme lui, celui qui l'imite peut prétendre, pour ainsi dire, forcer les portes de l'Olympe: connaître sa propre apothéose !
Le passage du culte de Dionysos à celui d'Héraclès, tel qu'il va se répandre en Grèce ancienne et même en dehors des frontières de la Grèce, correspond à une évolution significative dans l'histoire de la vie religieuse : l'homme s'insurge contre sa condition de mortel ! Et il ne le fait pas tant contre les dieux qu'avec leur discret soutien... Nous avons évoqué à ce propos les «épreuves» d'Héra.
Il faut y ajouter le fait que, selon le récit, l'union de Zeus et d'Alcmène représente pour le dieu quelque chose de prémédité : il ne s'agit pas seulement de désir, il s'agit aussi d'une action qui répond à une nécessité... L'homme doit prendre part au combat ! Ou, disons que ce désir qu'éprouve Zeus pour Alcmène est porteur, cette fois de façon plus affirmée, d'un projet à travers lequel les dieux et les hommes se trouveraient associés. Il est tout à la fois désir d'une femme et de sa beauté et désir d'une page nouvelle dans la relation des dieux et des hommes.
Ce désir d'une autre histoire, qu'incarne donc Héraclès, est confirmé à travers un épisode particulier, qui est la libération de Prométhée. Puisque Prométhée avait été condamné par Zeus pour avoir livré aux hommes le secret du feu : chose qui pouvait rendre ces derniers trop puissants, suffisamment puissants pour menacer l'ordre cosmique que défendent les dieux... Prométhée avait été attaché au sommet d'une montagne et un aigle venait sans cesse dévorer son cœur, selon la sentence. C'est Héraclès qui abat l'aigle d'une flèche et qui libère le Titan ami des hommes : le geste, dans le fil des exploits, peut paraître banal, mais sa portée est énorme. Il signifie la fin d'une mésalliance. Prométhée est libéré ! Reste sans doute aux hommes, désormais pleinement possesseurs de la puissance du feu, de se montrer dignes de cette confiance, et de ne pas se laisser glisser insensiblement du côté des forces de la nuit...


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