Le cours de cotation de l'euro par rapport au dinar tunisien a atteint, jeudi, la barre symbolique ou psychologique de 2 dinars. Certains experts imputent cette hausse à des facteurs exogènes, tandis que d'autres l'expliquent par des causes endogènes. Contacté, vendredi, par la TAP, M. Moez Labidi, expert économique et financier, a soutenu que la montée de l'euro est due à deux facteurs essentiellement exogènes. Le premier concerne les prémices de dénouement de la crise, en Grèce, avec pour corollaire un regain de confiance sur le marché européen. Il a rappelé que l'Europe est intervenue pour résoudre la crise en Grèce à travers un plan de sauvetage qui prévoit d'accorder des prêts publics d'une valeur de 130 milliards d'euros et d'effacer la dette de la Grèce détenue par ses créanciers privés et estimée à près de 107 milliards d'euros. Le deuxième facteur, qui a favorisé la hausse des cours de l'euro, est l'amélioration plus que prévue de l'indice IFO (baromètre du climat des affaires en Allemagne), au cours de la dernière période, ce qui témoigne de l'optimisme des investisseurs allemands et la dynamique du climat d'investissement dans ce pays, a-t-il indiqué. Ces deux facteurs, a-t-il poursuivi, ont participé fortement à l'optimisme en Europe car le risque de contagion de la crise en Grèce vers la zone euro est minimisé. Toutefois, l'expert estime que les pressions exercées sur la liquidité en devises depuis la révolution (balance courante déficitaire), ont eu pour conséquence une dépréciation du dinar par rapport à l'euro (principale monnaie échangée). Pour ce qui est de l'impact de cette hausse sur l'économie tunisienne, l'expert a fait savoir que ce phénomène a des impacts aussi bien positifs que négatifs. «Si l'euro va poursuivre sa montée par rapport au dinar, cela va se répercuter positivement sur les recettes d'exportations (produits tunisiens vendus plus chers à l'étranger) et les entrées en devises en général (transferts des travailleurs à l'étranger, recettes touristiques)», a encore avancé M. Labidi. En revanche, cette hausse va générer une «inflation importée» en plus de l'inflation interne, résultant de facteurs internes (insécurité, absence de contrôle des prix…). Cette inflation est importée, comme son nom l'indique, en raison de la hausse du coût de facturation libellé en euro des produits importés (biens d'équipements, pièces de rechange), a-t-il expliqué. Autre aspect négatif, cité par l'expert, l'augmentation du coût (intérêt) de la dette extérieure, rappelant que 60% de la dette de la Tunisie sont libellés en euro. Quant aux perspectives d'évolution du cours de l'euro, l'expert a indiqué que la parité euro-dinar est tributaire, au plan interne, de la crédibilité du budget complémentaire de l'Etat, affirmant qu'«actuellement on passe par une période d'attentisme et tout dépendra de la capacité du budget à répondre aux attentes des différentes parties». Pour sa part, M. Mohamed Mabrouk, expert en économie, a expliqué ce phénomène par une dépréciation du dinar par rapport à la monnaie unique. Au cours d'un entretien téléphonique, accordé à la TAP, il a précisé que «la situation de la balance courante de la Tunisie est critique (déficit fin 2011 de 7,1% du PIB) et peut appeler à une situation de dévalorisation du dinar». «Durant les années (1986-1990), le dinar s'est déprécié en moyenne de plus de 30% par rapport aux monnaies européennes, à l'époque c'était la solution préconisée pour stabiliser la balance commerciale déficitaire», a encore avancé M. Mabrouk. L'expert a fait savoir que cette dépréciation a certes un impact positif sur les exportations tunisiennes, mais fragilise davantage l'économie tunisienne, fortement ouverte à l'international et, donc, vulnérable aux chocs exogènes, sans oublier l'impact inflationniste de cette dévalorisation. Face à cette situation, il a suggéré de limiter «la consommation importée» et d'adopter des mesures d'accompagnement au profit des entreprises tunisiennes, l'objectif étant d'encourager la consommation locale.