Par Hassen Chaari* «Les nouvelles technologies sont une menace pour les pays qui n'en tirent pas profit » (Citation anonyme) L'énergie contribue d'une façon significative à la croissance économique et à l'augmentation du PIB de tout pays qui en dispose suffisamment. C'est pourquoi au niveau macroéconomique, la consommation énergétique annuelle par habitant est désormais considérée comme un indicateur sérieux de prospérité. A titre d'exemple et en 2010, cet indicateur était aux USA de l'ordre de 6 TEP (tonne- équivalent- pétrole), en France 3 TEP et en Tunisie 0.8 TEP. La consommation annuelle moyenne en Afrique est actuellement de 0.5 TEP par tête. C'est environ 12 fois moins que dans les pays de l'Ocde. Mise sur la table comme alternative énergétique depuis 2006, l'introduction en Tunisie de l'énergie nucléaire comme source pour la production massive d'électricité a fait du chemin avant la révolution du 14 janvier 2011. Même si d'autres pays –dont le Canada et la Corée du Sud — ont manifesté leur disposition à accompagner la Tunisie dans son entrée dans le club des pays utilisateurs du nucléaire à des fins civiles, la France occupait toutefois et jusqu'à la révolution une place privilégiée pour obtenir du gouvernement tunisien les marchés de la construction, la fourniture et la maintenance de la future centrale d'une capacité de 900 MW destinée à entrer en exploitation en 2023... L'étude y afférente qui a été menée par la Steg et le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) avant la révolution a affirmé le fait que l'utilisation du nucléaire pour produire de l'électricité pourrait être rentable en Tunisie. Six ans après avoir pris la décision menant à la mise en place d'une centrale nucléaire, la Tunisie devrait rebrousser chemin. C'est en tout cas ce que préconise un récent rapport commandé par le ministère de l'Industrie et de la Technologie (MIT). Outre les problèmes de sécurité qu'une telle source d'énergie pose déjà partout dans le monde, il y a deux arguments qui ne justifient pas une telle décision : tout d'abord l'électricité produite ne sera pas moins chère que les sources classiques en raison de l'absence d'économie d'échelle puisque la Tunisie ne comptait en fait se doter que d'une seule centrale nucléaire. Ensuite, la Tunisie n'ayant pas l'intention de mettre en place une filière –allant du minerai au traitement des déchets-, son projet n'aura pas l'impact économique souhaité –notamment en matière d'emplois — , aujourd'hui priorité absolue de l'Etat. Sachant qu'une centrale nucléaire est tellement chère qu'elle est amortissable sur 60 ans si le prix de l'uranium n'explosera pas. Quand on voit des pays dotés d'une très haute technologie, tels que le Japon, n'arrivent pas à maîtriser les risques de l'atome, envisager l'accès de notre pays au nucléaire est absolument irréel et utopique! Le Japon a dû subir l'accident nucléaire de Fukushima — avec des milliers de citoyens irradiés, pour se rendre compte de la monstruosité du nucléaire! C'est pourquoi l'introduction du nucléaire ne présente pour la Tunisie aucun intérêt économique ; à l'inverse de l'utilisation du solaire ou même du charbon. En effet, nous sommes à une époque où le prix de l'énergie solaire ne cesse de décroître, nous sommes aussi dans un pays ou le soleil est tellement abondant (300 jours ensoleillés par an) que notre hiver ressemble à un été européen... En plus d'endetter encore davantage le pays, la centrale nucléaire n'offrait aucune valeur ajoutée directe au marché puisque la maintenance se fait notamment par des compagnies étrangères, ce qui coûte aussi extrêmement cher, contrairement au photovoltaïque ou le CSP (Concentrated Solar Power) qui est une technologie facilement manœuvrable sans aucun danger et qui permet facilement de développer un tissu économique de petites entreprises spécialisées donnant la possibilité à nos universités de travailler sur ces sujets et contribuant largement à assurer notre sécurité énergétique. A défaut d'énergie nucléaire, le recours aux énergies renouvelables devient nécessaire pour nous éviter « une fracture énergétique » vis-à-vis des pays riches du Nord. En fait, le projet de la centrale nucléaire n'était qu'un vulgaire héritage de l'ancien régime corrompu, exactement comme les nombreux contrats d'achat d'avions, de bateaux, de trains... qui ont été conclus frauduleusement. Origines de l'énergie électrique dans le monde en 2009: Charbon : 39 % Gaz naturel : 20 % Energie nucléaire : 16 % Pétrole : 7 % Energies renouvelables hors hydraulique : 2 % *(Universitaire et président de l'Association pour le développement de la recherche et de l'innovation-Adri)