Le débat bat son plein en ce qui concerne la réforme du système sécuritaire tunisien. Selon les experts, cette réforme dépassera le cadre législatif pour englober des questions comme la déontologie, la confiance, la formation, etc. Le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur chargé de la Réforme, Saïd Mechichi, a présidé, hier à l'Ecole nationale de formation des cadres de la sécurité nationale de Salambô, une journée nationale d'étude portant sur les réformes à entreprendre dans le secteur de la sécurité nationale. Il a affirmé, à cette occasion, que de telles rencontres sont à même d'enrichir le débat ouvert, entre autres à la société civile. «Cette journée d'étude vient confirmer l'ouverture engagée par le ministère de l'Intérieur dans ce débat, dont on attend l'élaboration d'un plan de réformes capable de réhabiliter le secteur et répondre aux différentes attentes du citoyen de ce service public», souligne le secrétaire d'Etat. L'universitaire Samir Hamdi a présenté un diagnostic de la situation actuelle du système sécuritaire tunisien selon des modèles européens et américains dont le fameux «Deal & Kennedy». Selon lui, il faudra revoir la «culture organisationnelle» du secteur afin d'optimiser ce service public en optant pour des réformes qui englobent les valeurs morales, déontologiques et fonctionnelles. «La culture qui prédomine est assez faible en valeurs et dominée par les mauvaises habitudes ainsi que le manque d'information ce qui est un danger pour la fiabilité de tout le système. Pour remédier à ces défaillances, il faut engager toute une série de procédures afin d'enraciner une nouvelle culture basée sur des valeurs comme l'abnégation au travail, la loyauté, l'honnêteté, le respect de la déontologie, le respect des droits de l'Homme,etc.», enchaîne Samir Hamdi. Répertoire pour la mémoire les actes de bravoure des agents de sécurité lors de la révolution et avant, la révision des nominations et des tenues des différentes catégories d'agents, la tenue de cérémonies en l'honneur des agents dévoués, l'enracinement de l'esprit d'équipe ainsi que la formation diversifiée et continue, sont des moyens évoqué par l'universitaire pour atteindre l'objectif escompté en matière de culture positive. Pour sa part, le lieutenant-colonel Chokri Moussa, sous-directeur de la réhabilitation des formateurs et des moniteurs à la direction générale de la formation, affirme que le maillon fondamental de la politique de sécurité est la formation. Cette dernière touche à tous les domaines l'investigation, l'administration, le volet judiciaire, la communication, les TIC, etc. Selon lui, il faudra adapter les programmes de formation pour qu'ils répondent aux besoins changeants des cadres afin de donner le plus. Les relations avec les citoyens et l'amélioration des services administratifs passent en priorité. Chokri Moussa affirme que des études sont en cours de réalisation pour faire le diagnostic nécessaire en vue de délimiter les axes de formations prioritaires pour la période à venir. Revaloriser les institutions Le débat a été l'occasion de poser plusieurs questions sur la législation qui serait amendée de façon à répondre aux nouvelles prérogatives du contexte transitionnel de la Tunisie. Slaheddine Jourchi, président de l'Assemblée constituante civile (ACC), et ancien vice-président de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (Ltdh), a pour sa part indiqué que la redistribution des pouvoirs et des richesses est l'un des acquis de la révolution alors que cette dernière n'est pas encore effectuée. Il a souligné la délicatesse de la situation et l'importance de la stabilité pour l'avenir économique et social proche du pays. «La loi est décisive quant au respect de l'Etat et de ses institutions. Ces dernières sont dévalorisées et ont besoin de la réactivation des lois et de leur application tout en respectant les droits de l'homme. Il est impératif de revoir le cadre juridique du système sécuritaire qui reste un garant du processus démocratique. Dans ce sens, il faudra respecter les réglementations internationales et contrôler le système pour qu'il ne dérape pas», a-t-il dit. Slaheddinr Jourchi a évoqué la question de confiance entre le citoyen et le système sécuritaire qui est actuellement «presque absente». Pour lui, il faut éviter le langage de la force, opter pour la transparence et donner une meilleure image des agents de la sécurité intérieure afin de se rapprocher davantage du citoyen... Dans ce sens, l'ouverture de l'institution sécuritaire sur son environnement a témoigné d'une volonté de changement, ce qui est à mettre à l'actif du système actuel. Le plus dur reste à faire : la réforme globale, mais sur quelles bases?