Si on analyse l'impact de l'éloignement géographique du couple, du point de vue psychologique, on découvre non sans étonnement un paradoxe frappant, tirant à la fois vers le risque de l'éloignement affectif et la consolidation de la relation conjugale. Selon l'avis de Mme Radhia Halouani, psychologue, cette situation peut être un facteur redoutable à la distance émotionnelle. Pour un couple, vivre éloigné l'un de l'autre est susceptible de favoriser le refroidissement des sentiments fort indispensables au maintien de la flamme amoureuse. «Si l'un des deux conjoints n'est pas bien armé pour résister à l'éloignement géographique, il peut succomber à des séquelles psychologiques, comme la dépression, l'épuisement physique et moral, le stress, l'anxiété ou encore l'angoisse. Se sentant isolé, le conjoint en détresse s'inquiète quant à la fidélité de son partenaire. Il craint d'être trahi, ce qui fait naître une sorte de souffrance», explique Mme Halouani. Il faut dire que le risque est probable. Dans certains couples, l'éloignement géographique pousse l'un des partenaires à chercher la flamme amoureuse sous d'autres cieux. La déviation affective peut, ainsi, conduire à la rupture affective. «Rien ne vaut la frustration des désirs et des sentiments», note la psychologue. La situation peut se compliquer davantage lorsqu'il y a des enfants. Ces derniers peuvent atténuer le sentiment de solitude ou, au contraire, poser des problèmes supplémentaires. «Les adolescents sont encore plus difficiles à élever dans de pareilles conditions que les enfants de bas âge, car ils arrivent à une phase où ils recherchent la confrontation et ont besoin des deux parents pour se forger», ajoute la psychologue. Si le parent, qui prend en charge les enfants, a du mal à assumer l'éloignement géographique, il communique, consciemment ou inconsciemment, ses peurs et ses angoisses. Par ailleurs, dans certaines familles, l'enfant endosse la responsabilité d'un adulte. Il prend en charge la responsabilité psychologique et affective du parent. Dans d'autres cas, il subit la séparation géographique comme une souffrance dure à surmonter. Incapable d'exprimer son malheur, il traduit son inquiétude et son désarroi via des symptômes ou des indicateurs, comme l'échec scolaire, des troubles du comportement, une agressivité remarquable et croissante, mais aussi à travers des manifestations physiques telle la montée de fièvre par exemple. «Le parent, qui garde les enfants, doit assumer la séparation géographique et faire en sorte de maintenir le contact. Il faut dire que le couple est fondé sur une composante essentielle qui est la communication. A défaut de partager le quotidien avec le conjoint, le couple doit veiller à maintenir un contact communicationnel et affectif, à même de maintenir l'affection. Même chose pour le couple qui a des enfants et qui se trouve contraint à être éloigné l'un de l'autre. Le parent qui garde les enfants est appelé à expliquer à l'enfant que la séparation géographique ne conduit pas forcément à la séparation affective et que le parent, qui est loin, aime aussi bien le foyer familial que ceux qui y vivent», ajoute Mme Halouani. La meilleure façon de résister à l'éloignement consiste à le dédramatiser. Mais l'éloignement géographique des conjoints peut être vu comme étant un avantage : une épreuve susceptible de confirmer l'attachement à une personne. C'est aussi une occasion pour vivre pour soi, pour compter sur soi tout en étant en couple. «L'éloignement géographique peut être une manière de renforcer le couple. Mais cela dépend de la nature du couple en question. Les couples dits partenaires réussissent souvent ce genre de défi», indique Mme Halouani. Pour le couple partenaire, l'éloignement géographique s'avère consenti, voire apprécié. Il l'est, car il permet aux conjoints de primer la qualité de la relation sur la quantité du temps partagé ensemble. Les retrouvailles s'avèrent ainsi comme des moments exceptionnels ; le communicationnel tout comme l'émotionnel acquièrent une dimension optimale. «L'éloignement géographique est toujours une épreuve dont on ignore l'issue. Le couple y résiste si chacun fait de son mieux pour gérer la sphère privée», souligne la psychologue.