•La Journée mondiale du théâtre marquée par un sit-in des artistes au Théâtre national. •Le ministre de la Culture joue l'apaisement et la conciliation. On la voulait joyeuse, on voulait que la rue soit en fête et que l'artiste tunisien, qui était à l'avant-garde de la révolution, soit mis en exergue. Mais la violence a pris le dessus et nos artistes furent attaqués, bousculés, traités de tous les noms sur les marches du Théâtre de la Ville de Tunis au vu et au su de tout le monde. Ce fut cela sa Journée internationale du théâtre. Ezzedine Gannoun, Jalila Baccar, Leïla Toubel et beaucoup de leurs collègues, entre professionnels, amateurs et étudiants en arts dramatiques, ont crié avec douleur «la journée noire pour la culture et les artistes». La police, venue puis mystérieusement disparue et de réapparaître tardivement, pour juste assurer un cordon de sécurité et protéger les artistes contre les violences, sans les soutenir afin qu'ils mènent leur programme, préalablement autorisé, mais insultes, projectiles (bouteilles, œufs, chaussures...) fusaient et s'abattaient sur eux. Face à cela et surtout à la menace réelle d'une violence plus manifeste, les gens du théâtre se sont retrouvés cloîtrés à l'intérieur de la Bonbonnière. En réponse à cela et comme si rien ne s'était passé, le communiqué du ministère de l'Intérieur est venu mettre de l'huile sur le feu : «Il n'y a pas eu de violence». Contre-vérité, si ce n'est un blanc seing pour l'extrémisme ! Depuis avant-hier soir et pour célébrer, malgré tout, la Journée mondiale du théâtre, les artistes ont appelé à un sit-in au Théâtre national (salle du 4e art). Les hommes et femmes de théâtre se sont regroupés pour crier contre le déni de leur humiliation et pour demander réparation et des excuses officielles de la part du gouvernement. Pour eux, le communiqué de soutien du ministère de la Culture était insuffisant. Nooman Hamda, metteur en scène, affirme que «aujourd'hui, après ce qui s'est produit devant le Théâtre de la Ville de Tunis, le ministre de la Culture doit prendre une position claire et intransigante, de se mettre du côté des artistes et prendre leur défense. C'est pour cela qu'on s'est réuni tous ensemble pour une veillée de protestation». Avant-hier en fin de soirée, Mahdi Mabrouk, ministre de la Culture, s'est rendu au sit-in, dans une visite imprévue. Il était, en effet, attendu pour le lendemain, mais il a choisi d'aller exprimer sa solidarité et surtout écouter nos artistes. Il y avait de l'électricité dans l'air... Il a eu même droit au désormais coutumier «dégage», comme mot de bienvenue. Mais sa présence, son écoute et sa patience ont réussi à apaiser les âmes meurtries de ceux qui ont subi l'agression du dimanche. Les artistes tunisiens n'avaient pas la langue dans la poche. Ils ont exprimé ce qu'ils avaient sur le cœur comme reproches et critiques. Certains sont allés jusqu'à l'inviter à démissionner, s'il se sent incapable de défendre les artistes et s'il est l'otage de choix politiques qui le dépassent. Hier, Journée mondiale du théâtre, les artistes étaient toujours dans le même espace, face au ministre, venu encore écouter. Mounir Argui, Leïla Toubel et plein d'autres jeunes ont repris le débat, avant que le ministre ne prenne la parole pour un discours qui est rassurant pour certains, insuffisant pour d'autres. Toujours est-il qu'on est encore dans l'attente d'excuses officielles de la part du gouvenement et d'une réelle réhabilitation de son état d'artiste digne de respect et d'égards, quoi qu'en pensent les barbus rétrogrades. Cette Journée mondiale du théâtre profanée et la fête gâchée par ces derniers auront eu au moins le mérite de mettre à nu leur absurdité, leur igorance, la violence et l'endoctrinement dont ils se prévalent. Mais même s'ils veulent que l'art devienne, sous nos cieux, non grata, fût-ce avec la passivité et le laisser-faire des autorités, ils ne pourront jamais réaliser leurs desseins et empêcher la valorisation du rôle social, culturel et, surtout, civilisationnel du théâtre et de l'Art, en général, dans la construction de la Tunisie post-révolution.