LE Cheikh Abdelfattah Mourou, avocat, figure phare du mouvement islamiste et ex-membre du parti Ennahdha, était l'invité, dimanche dernier, de Bila Moujamala (Hannibal-TV) face à la cinéaste Selma Baccar. Au menu : la place de l'art dans la cité, a fortiori, après la montée de mouvements ultra-intégristes et salafistes prônant le bannissement de l'art dans tous ses genres et formes, sous prétexte qu'il est interdit par l'Islam. Des artistes- musiciens, réalisateurs et acteurs tels Leïla Chebbi, Marwane Meddeb, l'ont vérifié à leurs dépens quand, partis à Ras Jedir pour offrir l'occasion aux milliers de réfugiés libyens et africains de se divertir et d'oublier les dures épreuves qu'ils ont subies, ils ont été contraints d'annuler les concerts de musique et les projections de films proposés, sous la pression, pis l'interdiction, d'un groupe de salafistes, dirigés par celui qu'ils appellent Emir El moôminine (sic), au nom de la protection de la Révolution. Bref, face aux témoignages d'autres artistes, inquiets et sidérés par ce genre de comportement dont les comédiennes Leïla Toubel et Fatma Ben Saidane, le chanteur Adel Bouallègue et l'homme de théâtre Abdelghani Ben Tara, tous deux empêchés, toujours par des illuminés, de donner leur spectacle dans des espaces culturels de la capitale, A. Mourou prône un discours des plus rassurants. «Ces gens là, a-t-il souligné, croient détenir la vérité absolue or, ils n'ont nullement le droit d'interdire quoi que ce soit ni de commander qui que ce soit. En fait, ce ne sont pas des politiques, mais c'est là, leur conception de l'Islam prise à la lettre, ce sont des “Dhahiristes” (des ésotéristes littéralistes) adeptes d'Ibn Hazm El Andalousi (le Collier de la colombe) et leur comportement totalitaire n'est que la conséquence des années de dictature. Or, l'Islam est un large spectre, entre gauche, droite et centre. J'appelle à recourir à notre rite malékite celui de la connaissance par excellence, d'autant que notre pays a une longue tradition de savoir religieux». Comment persuader ces adeptes du salafisme ? «Non pas par l'exclusion et la répression, explique Cheikh Mourou, mais par la persuasion, l'éducation dans les mosquées, le savoir et la connaissance et la nécessité de la présence des arts dans la cité, je suis moi-même un mélomane et un amoureux du théâtre et du cinéma, j'y vais souvent avec ma famille». Poussé par la productrice et chroniqueuse de l'émission, Héla Dhaouadi, à donner la preuve de son amour pour l'art et la musique, Maître Mourou a entonné d'une voix sûre et forte le chant de la 9e symphonie de Beethoven, et en allemand SVP, prouvant par là son ouverture sur les autres cultures, mais aussi la tolérance de l'Islam qui a toujours stimulé le savoir et la création, et de chanter, également en allemand, un air signé feu Ali Riahi. Un vrai moment. Mieux, élégant dans son costume traditionnel, ouvert et tolérant Cheikh Mourou a promis d'exhorter les citoyens dans ces prêches à la pratique culturelle et de continuer à appeler, comme il l'a toujours fait, à la fraternité nationale, aux valeurs islamiques et à la tolérance. Enfin, loin de la diversion et des faux problèmes de la laïcité et de la religion entre autres, celui qui s'est affiché «candidat au patriotisme, mais à aucune élection» a appelé à voter pour un «candidat compétent, digne de confiance et clairvoyant». Si Dieu le veut.