Par Moncef DLIMI Je n'ai pas été surpris par les événements tragiques vécus à Toulouse et à Montauban, de leurs tenants et aboutissants, en particulier des impacts profonds qui déstabilisent les fondements de l'Etat et des sociétés en France. En effet la haine et la peur que d'aucuns, à la tête des Etats et dans les sociétés manipulent à des fins bassement politiques, sont autant de moyens de destruction des forces qui œuvrent pour la dignité et la liberté humaine. Mais ces procédés qui caractérisent des positions extrémistes, ces ambitions folles qui assassinent sur la base de préjugés idéologiques ou racistes, les idées généreuses et leurs porteurs ne contribuent en définitive à nourrir que la haine et la violence. Y a-t-il en effet de meilleurs moyens pour dresser les communautés les unes contre les autres que de prêcher secrètement ou ouvertement ce que certains politologues en déficit d'humanisme appellent «la guerre des civilisations» ou «le choc des civilisations», alors qu'au fond, et pour bien préciser l'étendue géopolitique du mal, la perte progressive et inéluctable des valeurs occidentales enfantée par la Révolution française et par les mouvements généreux qu'elle a engendrés est une entreprise dangereuse, surtout pour l'Europe? Ce problème crucial est la cause de la perte de confiance des communautés vis-à-vis de l'Etat et auquel elles doivent normalement respect, obéissance et dévouement. L'égoïsme sectaire qui exclut l'autre par le préjugé et la haine, on le sait maintenant, à travers le conflit israélo-arabe, à travers le drame afghan qui se poursuit, et l'autre drame non moins affligeant que vit l'Irak, apparaît aujourd'hui à la lumière des évènements de Toulouse et de Montauban comme un prolongement d'un mal insidieux, que d'aucuns ne se sont pas contentés de semer pour parvenir à leurs desseins mais se sont employés à le développer sans vergogne. En politique, si une certaine morale s'échine à affirmer que la fin justifie les moyens, elle ramène la fin au plus bas niveau de l'immoralité. Les crimes commis à Toulouse et Montauban, condamnés unanimement, révèlent en fait que la manipulation d'individus fragiles (faille identitaire) parfois désespérés, parfois récupérés par des mains criminelles pour en faire une bombe humaine ou un terrible assassin, ne s'accomplit pas seulement dans les camps d'entraînements de jeunes fous en Afghanistan, mais aussi dans d'autres camps d'apprentissage d'un terrorisme nourri par des interprétations de l'islam qui jure avec l'islam lui-même. Les questions posées par de nombreux commentateurs dans l'affaire de Mohamed Merah nécessitent une autre analyse pour rechercher les raisons d'une sorte de laxisme au niveau de l'appareil sécuritaire. Le pouvoir, aurait-il, dans le cadre de sa stratégie globale et de sa tactique électorale, laissé faire sciemment se développer ou pour d'autres raisons insoupçonnées, laissé se développer un processus qui a conduit froidement à des assassinats dont on mesure aujourd'hui l'extrême gravité ? Il y a de quoi être perplexe devant une situation qui porte les germes de conflits qui, malheureusement, pourraient encore faire le lit des extrémismes de tout bords. Cette situation ne servirait en rien les intérêts ni de la France, ni de l'Occident, ni de l'Orient, ni de l'Humanité. Dans un monde où s'effondrent les systèmes totalitaires et les régimes dictatoriaux, rejoignant dans la poubelle de l'histoire tous ceux qui les avaient précédés, l'apparition et le développement du terrorisme au nom d'une dérive islamiste pure et dure ne sont pas dus à ce seul facteur mais aussi à l'usage dangereux qu'en font, de leur propre aveux et dans leurs intérêts, les grandes puissances, tels les Etats-Unis. A moins que les gouvernants, à l'instar de ce qui s'est passé aux Etats-unis, ne laissent faire les terroristes jusqu'au moment où ils commettent leurs forfaits pour les neutraliser ainsi que leurs réseaux. Mais parfois la fin est beaucoup plus tragique et moins prometteuse que de tels projets cyniques. Nous savons comment sont recrutés et formés les arabes afghans qui ont provoqué la chute de Najibullah, contribuant à la déroute de l'empire soviétique et qui après cette guerre ne savaient où aller, pour devenir plus tard des guerilleros au service des tenants du terrorisme international, en retournant les armes contre les pays occidentaux, Etats-Unis en tête. On connaît la suite à travers l'ampleur des crimes d'Al Qaïda et de ses adeptes. Force est de constater que les assassinats de Mohamed Merah sont dus à la faille du système sécuritaire et à une politique à connotation raciste plus ou moins déclarée, de partis et de hauts responsables de l'Etat à travers des institutions ad hoc, laissant une jeunesse des quartiers périphériques fragilisée et marginalisée, à la merci des recruteurs d'Al Qaïda et c'est encore une fois le boomerang !