Par Soufiane Ben Farhat On demeure quand même effaré par l'insoutenable légèreté de certains de nos députés. On a l'impression qu'ils passent le plus clair de leur temps sur des plateaux de télévision à discourir de tout et de rien. En même temps, ils risquent de passer à côté de l'essentiel. En effet, le rôle d'un député de l'Assemblée constituante consiste essentiellement à rédiger la Constitution. Or, de Constitution on n'en a rien vu jusqu'ici, mises à part les escarmouches et passes d'armes sur le préambule, la charia e via discorrendo. Certains de nos députés sont même devenus de véritables figures télévisuelles. Les députés cathodiques, cela existe aussi. Mais pour un député cathodique, il y a visiblement nombre de dépités constitutionnels. La nature est ainsi faite. Elle ne s'embarrasse guère des sommes nulles. Le plus grave, c'est que certains députés passent beaucoup de temps, dans les enceintes médiatiques télévisuelles, à médire des médias audiovisuels de surcroît. Les médias, ils s'en servent volontiers pour les stigmatiser. Paradoxalement. L'opinion, elle, ne s'y retrouve plus. A ce train-là, on finira par oublier la vocation première de la Constituante. En plus, l'on se rend compte de la carence, démocratiquement partagée par tous les ténors de la classe politique, en matière de communication. Et, dans ce domaine, le déficit chronique devient paralysie pérenne. Des voix s'élèvent çà et là pour fixer un échéancier clair, net et précis des étapes constitutionnelles et politiques escomptées à court et moyen termes. Le gouvernement s'y est engagé, certes. Mais sous le double label de la profession de foi verbale et de l'imprécision dans les délais. On dirait qu'il s'y engage du bout des lèvres. Histoire de s'aménager des portes de sortie et des délais supplémentaires impromptus. Chacun a le droit d'affûter ses couteaux et aménager le passage en revue de ses troupes à sa guise. Mais à trop traîner en matière constitutionnelle, on prête le flanc à des postures inattendues. Telles ces navrantes querelles entre des députés de divers bords. Le peuple ne pige généralement pas leur fondement. Et les catégorise plutôt dans le registre des incompatibilités épidermiques. Le bras de fer opposant depuis des semaines les députés du bloc d'El Aridha au président de l'Assemblée M. Mustapha Ben Jaâfar, en est témoin. Aujourd'hui, nous avons besoin d'une feuille de route constitutionnelle. Et avec des obligations de résultat de surcroît. La question ne consiste guère à réinventer la roue. Mais à faire montre d'imagination. Et l'imagination en la matière est forcément constitutionnelle. Il n'y a guère d'agenda partisan ou à quelque titre étriqué que ce soit qui tienne. La Constitution est, par définition, la Loi fondamentale, le Pacte politique et social par excellence. Elle implique la participation et l'engagement consenti et serein de tous, par-delà les majorités arithmétiques, voire automatiques. Ici comme dans les sciences exactes, le raisonnement est mathématique. Et les affaires constitutionnelles tiennent des sciences exactes. Aujourd'hui, il est impérieux de commencer sérieusement la finalisation de la dernière ligne droite. C'est-à-dire l'élaboration de la Constitution, du Code électoral et l'inscription de tous les Tunisiens en âge de voter sur les listes électorales. Demain, ce sera trop tard. Morale de l'histoire, les députés, nous en avons davantage besoin dans l'hémicycle que sur les plateaux télé.