Par Soufiane BEN FARHAT L'ancien député démocrate, mentor d'Obama, Abner J. Mikva, avait déclaré à la fin de la campagne électorale pour la présidentielle américaine de 2008 : «Lorsque tout sera passé, les gens diront que Barack Obama est le premier président juif». Le New York Magazine en a fait une couverture choc pour son édition du 26 septembre 2011. L'occasion s'y prête et les faits corroborent la prédiction d'Abner J. Mikva. Le chef de la Maison-Blanche ne s'embarrasse guère pour agiter le très probable veto américain contre la demande de Mahmoud Abbas, officiellement déposée vendredi aux Nations unies, en vue de reconnaître l'Etat palestinien. L'éditorialiste du quotidien palestinien de Ramallah Al-Hayat Al-Jadida s'interroge : «Pourquoi Barack Obama insiste-t-il donc sur le veto alors que l'année dernière il avait dit espérer voir les Palestiniens obtenir un siège à l'ONU ? Aucune administration américaine ne peut réviser ses relations avec Israël tant que ces relations ne mettent pas en danger des intérêts plus importants dans les pays arabes. La question se réduit pour les Américains à un calcul des avantages et inconvénients économiques et stratégiques. Aussi longtemps que les intérêts américains dans les pays arabes seront garantis, Washington accordera toujours un poids disproportionné à son allié israélien». Les intérêts économiques et stratégiques de l'administration américaine penchent du côté d'Israël. Tout d'abord, le président américain Barack Obama traverse une mauvaise passe. Il est en pleine incertitude sur le front économique. Il a dû présenter il y a peu au Congrès un plan de relance de l'emploi, à un peu plus d'un an de la présidentielle américaine. En toute urgence. Parce que les sondages plongent. Selon une enquête Washington Post/ABC News publiée il ya deux semaines, 53% des Américains jugent négativement l'action d'Obama et 77% estiment que le pays «n'est pas sur les bons rails». Par ailleurs, 35% estiment que leur situation financière s'est dégradée sous la présidence Obama. Il s'agit bien d'un triste record pour un président américain en exercice depuis Ronald Reagan dans les années 1980. Volet économique, 34% des sondés jugent que l'action du président a fait plus de mal que de bien, tandis que 17% seulement pensent le contraire. Obama et les démocrates savent que le lobby juif les tient par là où ça leur fait le plus mal. Ils ne s'aviseront guère de jouer avec le feu. Et puis les Etats arabes du Golfe soutiennent l'establishment américain ayant pignon sur rue à Washington. Ils préfèrent de loin le statu quo aux perspectives libertaires et révolutionnaires initiées par la Révolution tunisienne et talonnées par les changements radicaux en Egypte et en Libye. Après tout, la domination israélienne injuste de la Palestine fait partie du paysage politique si familier et rassurant aux réactionnaires et réfractaires de tout bord. L'Europe, elle, patauge dans l'inconsistance politique au niveau de la politique extérieure. L'exemple de Tony Blair donne la mesure de l'incurie européenne caractérisée en la matière. Bien qu'il soit à la fois le représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et le représentant du Quartet pour le Moyen-Orient (USA, Russie, ONU et UE), on l'oublie le plus souvent. Tellement il est effacé et absent. Sur le volet palestinien précisément, l'Europe est engluée. D'un côté, elle tente de trouver une position commune entre les pays européens eux-mêmes. De l'autre, elle ne veut guère froisser le grand allié américain. Ce serait le cas si les Européens devaient ne pas voter avec les Etats-Unis contre un siège pour l'Etat palestinien à l'ONU. Dès lors, ils font la sourde oreille et feignent d'oublier leur promesse de soutenir l'indépendance d'un Etat palestinien «au moment opportun». Encore une fois, les Palestiniens semblent les laissés-pour-compte des calculs et intérêts sordides des acteurs proches et lointains. L'injustice historique se poursuit. Le dernier peuple colonisé de la planète demeure colonisé. Israël, Etat colonisateur et pratiquant ouvertement le génocide et l'apartheid, n'en finit guère de s'y adonner en toute impunité. Prenant la parole juste après Mahmoud Abbas à l'ONU, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a dit clairement : «Nous ne pouvons pas parvenir à la paix par des résolutions de l'ONU». Entre-temps, il perpétue une domination inique par les armes. En toute impunité. Hypocrisie internationalement partagée et calculs de boutiquiers obligent. Le peuple palestinien, lui, regarde en silence. Il n'a pas dit son dernier mot. Quiconque a des yeux pour voir sait que la troisième Intifadha est dans l'air. L'Etat palestinien ou l'Intifadha. Il n'y a guère d'autre choix ou issue.