«On ne cessera jamais de vous obliger à être heureux...», avait noté Amir Gueddich, président de l'Association des arts pour le cinéma et le théâtre du Kef, en annonçant sur le Net le concert du groupe d'avant-garde arabe «Checkpoint 303», qui s'est tenu le 24 avril dernier à Tunis... et heureux, nous l'avons été jusqu'au bout! Depuis maintenant plus d'une année, la jeune association, basée au Kef, s'active à enrichir la scène culturelle locale, à travers un programme bien concocté alliant cinéma, théâtre...à divers ateliers et conférences. La musique semble être un outil de prédilection pour les jeunes membres de cette association qui avaient, l'année dernière, invité le célèbre groupe franco-algérien «Labess» à se produire en Tunisie. Cette fois, ce fut le tour du groupe underground «Checkpoint 303» tant attendu par les amateurs du genre, qui s'étaient déplacés en grand nombre pour voir jouer, in situ, le Tunisien Karim Jerbi «SC MoCha», sa sœur Chiraz Jerbi «Miss K SuShi (Claviers)», Radhwène Ben Bechir à la guitare basse et le Palestinien SC Yosh (enregistrements de terrains et vidjing). Prévu au Kef, le concert s'est tenu finalement à Tunis, afin de satisfaire un maximum de fans. Plutôt discrets et préférant l'essentiel au grandiose, les membres du collectif (à but non lucratif) ont préféré jouer dans une salle de théâtre, à l'institut supérieur d'art dramatique. Plus qu'un groupe, «Checkpoint 303», dont le nom fait référence à l'un des innombrables points de contrôle entre les territoires palestiniens et Israël, le checkpoint 300 de Bethléem, est un concept musical basé sur la récupération et la collecte de sons qui rythment le quotidien des «agoras» du Moyen-Orient, une sorte de reportage audio sur l'injustice, aux dires des membres du groupe. «Au milieu du bruit perçant des balles, du tumulte de la révolte et de l'injustice, du bruit sourd du désespoir et de la tristesse, émergent les sons apaisants de l'espoir, d'une vie normale faite d'actes anodins comme partout ailleurs. La vie au Proche-Orient n'est pas un jeu vidéo, la violence n'est pas une simple image de télévision, c'est le cauchemar quotidien de milliers de gens», notent-ils encore , dans ce sens. «Chekpoint 303» c'est, aussi, l'histoire d'une rencontre, celle, en 2004, du Sound Cutter (tailleur de son) tunisien SC MoCha avec le Sound Catcher (attrapeur de son) palestinien SC Yosh qui ont eu l'idée de s'associer et de lancer le projet musical «Checkpoint 303». Le reporter-sonore palestinien SC Yosh, basé à Bethléem, réalisait ou plutôt attrapait des sons sur terrain (territoires palestiniens) qui sont retravaillés et taillés par le Tunisien (basé à Paris). L'idée fondamentale étant de réaliser des fouilles sonores, de disséquer les sons, les couper, les fragmenter, afin de reconstituer et d'arranger autrement l'ambiance sonore (visuelle aussi) de la vie quotidienne de la région en usant d'airs orientaux, de rythmes électroniques de différentes formes. Bref, de rapporter autrement les souffrances causées par le conflit au Moyen-Orient. Des compositions auxquelles ont eu droit les fans tunisiens, mardi dernier, avec en prime deux nouveaux morceaux inspirés de la révolution tunisienne joués pour la première fois. Il y a eu , entre autres, le titre De Sidi Bouzid au Caire, Al zaïm, tirés de l'ensemble d'arrangements Sidi Bouzid Syndrome qui parlent surtout, sur fond de discours, de slogans, de déclarations, de bruits de manifestations, des révolutions tunisiennes et égyptiennes. Des titres qui ont dû ravir le public égyptien au Caire qui a accueilli, le 26 du mois dernier, le groupe, ainsi que celui d'Alexandrie hier, et qui raviront les Libanais, aujourd'hui, à Beirut. Bonne route.