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Le «fikh» et l'Etat
Place de la religion dans le débat politique
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 05 - 2012

Sur le thème : «La place de la religion dans le débat politique», l'Atuge (Association des Tunisiens des grandes écoles) a convié, mardi dernier, en un succulent dîner, deux universitaires de renom : MM. Abdlmajid Charfi, professeur d'histoire de la pensée islamique, et Ali Mezghani, professeur de droit.
Trois sous-thèmes identifiés au préalable seront privilégiés lors des speechs des conférenciers et les interventions des débatteurs : «La place de la religion dans l'histoire des Etats musulmans», « Quels rapports établir entre religion et Etat, religion et politique, religion et droit ?» et «Y a-t-il une place pour le modèle laïc en terre d'Islam ?».
Deux livres écrits en 2011 par les conférenciers ont servi de trame de fond au riche débat introduit : «La révolution, l'Islam et la modernité» de Charfi, et «L'Etat inachevé. La question du droit dans les pays arabes» de Mezghani.
Dans leur speech introductif, les organisateurs, ont tenté de situer la réflexion croisée, suggérant d'éviter «un modernisme simplificateur évacuant la prise en considération des spécificités identitaires et religieuses de la société tunisienne, et en échappant à la mise en place d'un système théocratique ramenant tout débat à la question du respect des préceptes religieux».
Revenant aux origines du fikh, Abdelmajid Charfi a expliqué que celui-ci n'était pendant longtemps ni structuré ni même défini. Et si l'on identifie aujourd'hui en plus du Coran et de la Sunna, al ijmaâ et al kias, Omar Ibn Al-Khattab, deuxième calife «bien guidé», s'appliquait tout simplement, lorsqu'un problème surgissait, à rechercher l'intérêt de la communauté musulmane, sans forcément revenir au Coran ou à la Sunna du Prophète.
Pour l'historien, et jusqu'à l'an 132 de l'Hégire, l'Etat islamique n'avait pas d'idéologie religieuse. Ce n'est qu'avec l'accès des Abbassides au trône que cet état de fait va changer. D'où la naissance peu à peu d'une catégorie sociale qui s'est mue en un corps de spécialistes des sciences religieuses dans les différentes régions. Le fikh unifié va alors s'appliquer à aplanir les différences et les divergences nées de la tendance des différentes cités de l'empire islamique à légitimer, par une référence à la religion, tout ce qui existait comme organisation sociale. Il en découlera cinq grandes écoles juridiques sunnites : malékite, hanafite, chaféite, hanbalite et dhahirite, et deux chiites : jaâfarite et zaydite.
Jusqu'à l'apparition des hommes politiques, explique Charfi, un corps de ulémas (scientifiques) était en place dans chaque région ou pays. Les hommes de religion avaient ainsi le monopole aussi bien du culte que de la justice et du droit. Ce n'est qu'au dix-neuvième siècle, avec les grands bouleversements, que vont apparaître des «réformateurs» (moslihine) se donnant pour ambition de réformer le fikh. Ces bouleversements s'appellent : l'arrivée de Bonaparte en Egypte, puis la colonisation, la montée de la révolution industrielle et des nouveaux droits sociaux.
Les ulémas et les foukaha tentent de résister à la percée du droit positif, mais seul le statut personnel restera totalement soumis au fikh. Car, lancera l'historien, «il est impossible de revenir en arrière». Ajoutant que «c'est une illusion qui malheureusement existe chez beaucoup, mais la société moderne et sa complexité vont pousser irrésistiblement dans le sens de la sécularisation». Un concept qui dissocie religion et organisation sociale.
Et l'universitaire de conclure qu'il y a aujourd'hui conflit entre deux conceptions de la relation entre religion et politique. Car l'Etat a pris son indépendance vis-à-vis de la religion qui garde toute sa place en tant que quête du sens de la vie mais ne domine plus l'organisation sociale.
Bien dans sa spécialité, Ali Mezghani va démarrer sur une définition simplifiée de l'Etat de droit, un Etat «qui agit par le droit et se soumet au droit». Mais, s'interrogera-t-il: «Est-ce qu'il y avait un Etat au sens propre en Islam ?». Car l'Etat islamique ne légiférait pas, s'accomodant du fikh qui est né en dehors du pouvoir. Sans compter que l'exercice du pouvoir et sa transmission n'obéissaient pas à des règles établies. Pas de kanoun et pas de tachrii.
Pour Mezghani donc, «la religion accueillait tout». Dans la mesure où l'Islam signifie que l'on doive «se comporter dans la réalité concrète d'une manière qui soit conforme aux normes».
Jusqu'à l'arrivée du général Bonaparte en Egypte, les Musulmans se croyaient le centre du monde. C'est en voyant la Montgolfière et la brouette qu'ils se sont ravisés. D'où rapidement le processus de formation de l'Etat et, 30 ans plus tard, Tantaoui. Ce, alors qu'en Tunisie, Hammouda Pacha fait traduire le Code civil. Ce qui dénote une volonté d'appropriation de la religion par l'Etat. Ce que la Sunna permet parfaitement, dans la mesure où elle écarte toute idée d'église, quelle que soit sa forme.
Et Mezghani de saisir l'occasion pour faire noter que l'Etat tunisien existe depuis longtemps et qu'il est bien antérieur aux Accords de Sykes-Picot ayant partagé le monde arabe entre la France et l'Angleterre.
Le «processus d'appropriation de la religion par l'Etat» opérera un saut qualitatif lorsqu'à l'aube de l'indépendance, Bourguiba va «abroger le fikh», dit Ali Mezghani, rendant l'Etat maître du droit. Et l'universitaire d'insister sur le fait que s'en tenir à la charia correspondrait à un statut quo ad eternam. «Tout étant là, on n'a plus besoin de lois».
Abordant la question de la «laïcité», M. Abdelmajid Charfi a estimé qu'il y en a plusieurs, préférant plutôt parler de sécularisation qui correspond à une moindre emprise de la religion sur l'Etat. Et pour Charfi, cette sécularisation procède d'un processus sociologique qui affecte toutes les sociétés modernes sans exception. «C'est un processus historique, une vague de fond», dira l'universitaire, ajoutant que la laïcité n'est qu'une forme de sécularisation propre à la France.
Répondant à un intervenant de la salle, qui prétendait exposer la signification de la «besmala» (bism illah er-rahmène er-rahim), M. Charfi a expliqué que le sens réel était tout simplement que l'on va parler au nom de Dieu, ce qui est légitime lorsqu'on lit ou cite la Coran (paroles divines) mais devient erroné si ce n'est pas le cas, car cela reviendrait à influencer l'auditeur en essayant de donner une sacralité à un discours qui n'a rien à voir avec le message sacré.
Abondant dans le sens de Charfi, Ali Mezghani indique à propos de la sécularisation, qu'elle a fait de grands pas en Occident, alors que chez nous la religion reste à ce jour un régulateur prépondérant. De sorte que dans nos sociétés arabes la suprématie du religieux reste une nostalgie porteuse, avec un discours écouté, celui du retour en arrière, du salafisme au sens strict du terme. Mais pour nos deux conférenciers, il est clair que «ce retour est impossible». Car le passé est au passé et la tradition n'en est qu'une représentation dans l'esprit des hommes.
Ces hommes (les conservateurs) se représentent une société traditionnelle homogène, égalitaire, pacifique, juste… Mais cela est faux. Les enjeux économiques, de classe, les inégalités flagrantes, les conflits sanglants, la lutte pour le pouvoir, les injustices font que la société de nos ancêtres n'était ni plus harmonieuse ni plus humaine. «Ce que l'on croit être l'âge d'or comportait, dira l'universitaire, des insuffisances qui ne sont plus admissibles aujourd'hui». De sorte que le masque qui cautionnait tous les faits sociaux a été ôté, contraignant tous les acteurs sociaux à s'assumer.
Et Abdelmajid Charfi d'indiquer que si les mêmes questions et le même discours nostalgiques reviennent à chaque fois, l'histoire de la pensée islamique montre durant les deux derniers siècles que la pensée religieuse est en train d'évoluer sous nos yeux. «Il y a 20 ans, dira-t-il, le pantalon était interdit aux femmes chez les islamistes, car il serait facteur de confusion entre les genres, aujourd'hui Ennahdha conseille aux femmes de le porter, à condition qu'il soit ample». Ce, alors qu'au Soudan, une femme portant pantalon a été malmenée par la justice risquant une mort atroce.
Mais la religion n'est pas que contrainte. Le tout est dans l'appréhension de la religion qui est incontestablement aux yeux de Charfi un facteur de désaliénation.
Quant à Mezghani, il estime que «la relation à Dieu n'est jamais triangulaire. Elle est d'ordre spirituel».
Et il ajoute que ce qu'il est demandé à la religion c'est de quitter l'espace public. Car les musulmans sont tous différents les uns des autres, et les citoyens davantage dans leur ensemble puisqu'il en est qui ne sont pas musulmans. Concluant, en un clin d'œil à l'article premier de l'ancienne Constitution, que «soumettre la souveraineté populaire à une norme religieuse, c'est vider cette souveraineté de toute signification».


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