Souvent perçues comme deux domaines antinomiques, la démocratie et la religion peuvent, toutefois, coexister, c'est-à-dire que la religion peut avoir une place dans les régimes et les systèmes démocratiques modernes, mais quelle est la nature et les dimensions de cette place revenant à la religion dans un modèle de société séculier, c'est la question à laquelle fut consacrée une Conférence tenue, hier, à la Bibliothèque nationale, à Tunis, à l'initiative de cet établissement et de l'Unité de recherche « Société, environnement , Etat » de la Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis. La rencontre intitulée « Religion sans Dieu » est organisée dans le cadre du séminaire de printemps «Religieux, Religion et Religiosité ». Elle a comporté la présentation de deux communications, suivies de débat, l'une ayant pour titre « le mal et ses remèdes dans un monde sans Dieu » faite par le professeur Jean Christophe Merle, professeur de philosophie à l'Université François Rabelais de Tours, en France, et l'autre ayant pour titre « Sécularisation et Religion » faite par le professeur Mounir Kchaou, professeur de philosophie à la Faculté des lettres et sciences humaines de Tunis. La Conférence a enregistré une nombreuse assistance constituée d'universitaires, de chercheurs, d'étudiants et de journalistes. Le sujet est d'actualité que ce soit en Tunisie post révolutionnaire qui s'apprête à instaurer un régime démocratique ouvert à toutes les expressions et sensibilités , ou dans les autres pays arabes en quête de renouveau, ou encore dans les pays européens et occidentaux en général, confrontés à des nouveaux problèmes de pluralisme d'ordre ethnique, religieux et identitaire, en raison de la présence sur leur sol de communautés d'émigrés d'ethnies et de religions diverses. En effet, comme l'a noté le professeur Mounir Kchaou, en se référant à de nombreux auteurs européens et américains, essentiellement, on assiste, aujourd'hui, un peu partout, à un retour grandissant de la religion dans les sociétés modernes, alors que les philosophes, les penseurs et les hommes politiques pensaient, il y a quelques décennies, que le monde évolue de façon irréversible vers une sécularisation totale de la société et de la vie publique où la religion serait exclue de la sphère publique et deviendrait une affaire privée et une question de choix individuel. Le modèle démocratique basé sur les principes de la laïcité et de la sécularisation devrait obliger la religion soit à s'adapter aux exigences des régimes démocratiques, soit à disparaître. Or, les régimes laïcs et séculiers fondés sur la séparation de la politique et de la religion, impliquent l'exclusion de la religion de la vie publique, mais consacrent la liberté de croyance, dans le cadre de la consécration des libertés individuelles. L'individu reste libre de croire, d'adhérer à une religion, ou de l'abandonner s'il est croyant. Il y est en outre permis de prêcher sa religion pour la répandre, en amenant les autres à se convertir à cette religion. Cependant, avec le retour de la religion qui a poussé certains penseurs à qualifier la situation actuelle de post sécularisation, les systèmes démocratiques ont été appelés à laisser la religion s'exprimer dans l'arène publique, notamment en Europe où cette nouvelle approche est adoptée pour faciliter l'intégration sociale des communautés issues de l'émigration. On réclame de lever les obstacles devant la libre expression du sentiment religieux dans la sphère publique. Le Conférencier a attiré l'attention sur les dangers de telles approches, car la religion est perçue comme une spécificité culturelle et identitaire des communautés en question. De cette façon, la religion n'est ni une affaire relevant directement de l'Etat, ni une forme de liberté individuelle et de choix individuel, mais une composante communautaire relevant des autorités religieuses de la communauté considérée, à telle enseigne que certains gouvernements européens ont recours aux autorités religieuses de telles ou telles communautés pour régler des problèmes d'ordre communautaire, comme la lutte contre le fondamentalisme religieux. Le mal, œuvre de l'homme La communication du professeur Jean Christophe Merle semble être au contraire une apologie de Dieu au sens chrétien en tant que pourvoyeur des vertus morales dont l'homme a besoin pour réaliser le bien. Le problème de l'existence du mal dans un monde créé et gouverné par Dieu omniscient, omniprésent et omnipotent, et ne voulant que le bien, a retenu l'attention des auteurs et des théologiens chrétiens, arabes et islamiques de l'âge classique, et continue d'être une question centrale de la pensée religieuse et de la métaphysique. Beaucoup d'auteurs et de théologiens chrétiens estiment que le christianisme reconnaît la liberté de l'homme, alors que d'autres voient au contraire que tout est perçu comme étant l'œuvre de la Providence divine, dans la religion chrétienne, y compris les actes les plus simples de l'homme. Ces mêmes idées se trouvent aussi dans la théologie et la pensée islamiques. Comment expliquer l'existence du mal, alors. Ceux qui reconnaissent la liberté de l'homme dans le cadre de la religion disent que l'homme est l'auteur du mal, ou que le mal est l'œuvre de l'homme, parce que Dieu ne veut et ne peut que le bien.