Par Taoufik GHARBI Un proverbe indien disait que « C'est dans le silence qui suit l'orage (entendez la révolution), et non dans celui qui le précède, qu'il faut chercher la fleur en bouton » ; or il s'avère, qu'au niveau du ministère de la Jeunesse et des Sports, le silence qui a suivi la révolution tunisienne tarde à envoyer les signes d'une gouvernance différente d'un passé récent pour préparer un avenir meilleur. La Tunisie «sportive» porte le lourd fardeau de son histoire riche en événements positifs et cette richesse est à chercher a travers l'état du bien-être dans lequel se trouvait l'éducation physique scolaire et universitaire en Tunisie immédiatement après l'indépendance; ce bien-être résultait d'un choix constitutionnel et d'une dialectique socioéducative de notre société à travers lesquels a pris naissance notre ministère de tutelle dans la première République (Journal Officiel Tunisien : Décret n° 51 du 26 Juin 1956). Or, je suis personnellement étonné, aujourd'hui, de constater la dilution dans un «schéma administratif semi-chaotique» du premier département constitutif et régulateur du patrimoine sportif de la Tunisie, à savoir l'éducation physique et sportive scolaire et universitaire qui ne figure même plus dans la nomination officielle du ministère de tutelle. (J'ose espérer, personnellement, que le ou les mobiles de la disparition des cinq vocables sont dus à un lapsus indépendant de messieurs les directeurs généraux et centraux dudit ministère qui n'ont pas encore daigné corriger !) Je tiens à rappeler, monsieur le ministre, que l'éducation physique est la seule matière académique, qui accompagne l'élève, fille ou garçon, tout au long de son parcours scolaire et même universitaire, (c'est-à-dire une matière qui touche toute la jeunesse tunisienne scolarisée), cette éducation se conçoit comme éducation à partir du corps et sa présence continue dans la formation académique répond à un triple besoin humain : elle touche le jeune (et le moins jeune) dans sa santé, agit sur son psyché et elle le socialise. Cette activité socioéducative, monsieur le ministre, se trouve, aujourd'hui, pour différentes raisons, dans un état semi-comateux, tiraillé par la cotutelle et où l'enseignant de la matière est considéré comme une « caste inférieure » parmi ses pairs dans les structures éducatives de la République. Cette noble matière ne mérite pas son sort actuel, elle plaide non coupable des accusations portées contre elle et de l'état dans lequel elle se trouve, et ce n'est pas le pseudo-fameux «bac sport» qui la sortirait de son état de décrépitude actuelle. Je voudrais tant espérer que le silence qui a suivi la révolution, et il est encore tôt, annonce et donne des signes de changements radicaux dans le fond et dans la forme de la matière scolaire chère à tous ceux qui vous diront comme Charles Aznavour : «Je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître», ces temps-là sont ceux qui ont préparé la Tunisie sportive, la Tunisie qui a connu (et connaîtra sûrement) des moments de gloire au niveau continental et même mondial. Depuis la révolution tunisienne, je considère que le silence et les balbutiements qui ont suivi n'ont pas encore donné des signes de changement ni au niveau de l'aspect quantitatif pour corriger les manques et les inégalités laissés par l'ancien régime, ni même au niveau qualitatif. Une légère lecture dans les statistiques officielles du ministère de 2010 (ceux de 2011 ne sont pas encore prêts) montre qu'au niveau de l'enseignement primaire, seules 2.736 écoles profitent de l'éducation physique sur les 4.518 recensées sur le territoire tunisien avec un déséquilibre très significatif entre les régions. Au niveau des collèges et des lycées, (qui normalement devraient carburer à 100%: Baccalauréat oblige), 1.728 classes ne profitent pas des séances d'EP dans leurs collèges et lycées respectifs. Au niveau du supérieur, je ne vous ferai pas un dessin ; Je n'évoquerais pas, non plus, la situation de l'éducation physique dans les structures éducatives spécialisées et de formation professionnelle dépendant de votre ministère, ces dernières, surtout, affichent, d'après les statistiques, un taux de couverture de 21,3% seulement, un taux vraiment insignifiant pour un pays comme le nôtre. Depuis l'indépendance de la Tunisie, environ 900 décrets ont étés promulgués. Le législateur avait pour souci l'organisation, la régulation et la gouvernance du triptyque jeunesse, éducation physique et sport. Je considère et je conçois, en tant que technicien agissant dans ce corps de métiers, que l'éducation physique est le premier axe-vecteur qui se situe en amont de la dialectique sociosportive en Tunisie et à partir duquel s'ouvre l'éventail sportif dans sa totalité; or ce grand axe, qui normalement devrait être entouré de tous les égards, est celui qui souffre le plus dans le triptyque évoqué plus haut si nous nous référons aux statistiques citées et à la réalité du terrain existante. Partant du fait que tout jeune Tunisien scolarisé a droit à la pratique de l'éducation physique et sportive (législation tunisienne depuis 1956), étant donné que je fais partie du corps de métiers dépendant de votre ministère et vu les heureuses et historiques transformations sociales que vit la Tunisie, je me permets d'avancer les propositions suivantes pour déculpabiliser cet outil éducatif de première importance et redorer son blason. 1 : Octroi d'une partie du fond du « Promosport » pour l'amélioration de l'infrastructure et des conditions matérielles de l'EP à l'intérieur de la République pour corriger et effacer les inégalités régionales constatées. 2 : Alléger la structure administrative au niveau des directions régionales et déléguer une partie de l'aspect pédagogique aux directeurs et censeurs des structures scolaires pour une meilleure intégration des enseignants de la matière 3 : «Réinstitutionnaliser» les finales scolaires et universitaires, c'est-à-dire transformer cet événement annuel en une fête de fin d'année et récompenser les équipes lauréates par des voyages culturels à l'étranger, des participations aux compétitions internationales sportives scolaires et universitaires. 4 : Inviter le Comité national olympique tunisien (qui sommeille toujours !) à s'investir dans la promotion de l'esprit olympique au niveau des structures scolaires et universitaires pour participer à la préparation des futurs sportifs (et des spectateurs) olympiens. 5 : Responsabiliser davantage les quatre instituts de sports et d'éducation physique de Gafsa, du Kef, de Sfax et de Tunis, étant donné que ces structures veillent à la formation des futurs technocrates du domaine. 6 : Permettre aux écoles de formation citées au point 5 de constituer des équipes «civiles» dans différentes spécialités sportives rattachées aux fédérations nationales et intégrées dans les différents championnats nationaux. Le corps de métiers dans son ensemble, dépendant du ministère de la Jeunesse de l'Education physique et des Sports, porte une attention particulière à tout ce qui touche à son champ de compétence. Il désire, par ailleurs, voir venir les prémices du changement pour le plus beau des métiers.