• Les Amis de Carthage lancent un appel : il est urgent d'activer la procédure du Plan de protection et de mise en valeur (PPMV). «Nous irons de nouveau, cet après-midi, à Bir Fthouha ou plutôt résidence de Carthage (les terrains de 12,5 ha du parc archéologique national, déclassés, il y a quelques années par le président déchu). Nous apporterons, avec nous, un bulldozer pour aider la municipalité à démolir les nouveaux bâtiments fraîchement construits», affirme Leïla Sebaï. L'archéologue et historienne parle au nom d'une récente association baptisée «Les Amis de Carthage», dont elle est la présidente. L'objectif principal de cette association est de tenir tête aux nombreux dépassements, en l'occurrence immobiliers, qui continuent à souiller le parc archéologique de Carthage. Les vestiges sont encore en danger. Pourtant, l'arrêté ministériel du 16 février 2011, le décret-loi n°11 du 10 mars 2011 et le communiqué du ministère de la Culture du 2 mai 2011 ont été publiés pour mettre fin au bétonnage de cette zone en particulier. Ils stipulent la suspension de la validité de tous les permis de bâtir relatifs aux terrains à caractère archéologique et historique dans le périmètre du site Carthage-Sidi Bou Saïd, inscrit depuis 1979 sur la liste du patrimoine mondial et dont les frontières ont été communiquées à l'Unesco, en respectant le territoire non-aedificandi (non constructible), du décret de classement de Carthage publié le 7 octobre 1985. «Toutes les constructions abusives et non conformes aux réglementations en vigueur seront démolies, au cas par cas, conformément aux dispositions réglementaires», annonce le communiqué du ministère de la Culture. Quant au décret-loi, signé par l'ancien président de la première période transitoire, M. Foued Mebazaâ, il annule les décrets de déclassement publiés dans le Journal officiel entre 1992 et 2008. Tous les terrains non bâtis seront donc récupérés. «Les titres fonciers qui s'y rapportent retournent au domaine public de l'Etat, en préservant les droits des tiers», a-t-on précisé. «Pourtant, le chantier n'a pas été stoppé», s'indigne Mme Sebaï. Et d'ajouter : «On a entendu parler d'un comité composé de représentants de six ministères qui étudient, depuis l'année dernière, au cas par cas, ces contrats de vente et d'achat de terrains situés dans cette zone. Ils ont même discuté des possibilités de pénalisation. Où en sont les résultats des travaux? Que veut-on faire de Carthage?». Le temps passe et la situation se complique davantage. Le PPMV est inévitable ! Pour la présidente des Amis de Carthage, la solution est simple et évidente : Carthage a besoin d'une stratégie d'urbanisation qui tient compte des frontières actuelles du parc archéologique. Les limites fixées par les décrets de 1985 correspondent mal à la situation foncière réelle. Des constructions continuent aujourd'hui à dépasser ces limites... Il n'est plus question d'admettre cette anarchie esthétique, culturelle et historique. Une «vision globale» et une «stratégie» s'imposent. Il faut d'urgence mettre en place un Plan de protection et de mise en valeur (PPMV). Ce dernier existe. Il a été lancé en 1991. «Pourquoi est-ce que cette procédure mettrait autant d'années pour être exécutée?», se demande Leïla Sebaï. Revenons à l'histoire pour mieux comprendre le présent. La «saga» de ce projet a été évoquée, il y a une année, dans un article signé Olfa Belhassine, paru dans La Presse du 18 septembre 2011. Notre collègue nous apprend que ce parc s'apprêtait à être un espace de promenade, de détente et de culture «Le nouveau Belvédère des Tunisiens»... Le projet a été le thème, entre 1991 et 1993, de plusieurs Conseils ministériels restreints dirigés par l'ex-président de la République. «Une commission nationale pour l'aménagement du parc a été créée par décret, prenant part à la conception de ce futur espace ludique des experts de l'Unesco», écrit Olfa Belhassine. Le Code du patrimoine publié en 1994 apporte au projet sa forme juridique. A partir de 1996, un bureau d'études a été chargé par l'Institut national du patrimoine (INP), comme le préconise le Code, d'élaborer un Plan de protection et de mise en valeur (PPMV). Ce Plan a été bouclé en 1999... «Le directeur de l'INP de l'époque tique pour un mot, pour une virgule. Il n'arrête pas de demander de nouvelles versions du projet. Le délai de cinq ans est à peine dépassé que le président simule un coup de colère, retire le dossier «Carthage» à la Culture et le livre aux bulldozers du ministère de l'Equipement». Mme Leïla Sebaï avoue qu'elle était témoin de cette période qu'elle qualifie de «détresse». Le PPMV a été saboté pour des raisons connues, mais le retard de son application demeure encore une énigme! N'a-t-on pas promis qu'il n'y aura plus de nouveaux propriétaires à Carthage? N'a-t-on pas également déclaré que les ministres de la Culture, de l'Equipement et de l'Habitat étaient en train de lancer la procédure d'approbation (PPMV), conçue par l'archéologue Abelmajid Ennabli et par l'urbaniste Jallel Abdelkéfi? N'a-t-on pas insisté sur le fait que la création du parc national de Carthage - Sidi Bou Saïd est le seul moyen de mettre fin aux déclassements et de délimiter, d'une manière quasi définitive, les frontières du site? N'a-t-on pas engagé des fouilles pour interroger le terrain, avant toute construction? Dans une interview accordée à La Presse du 5 novembre 2012, l'ancien ministre, Azdine Beshaouch, a bien précisé que «si les sondages débouchent sur la découverte de pièces archéologiques ne pouvant être déterrées ou déplacées, les parcelles concernées seront clôturées et déclarées biens publics. Il avait même ajouté que ces terrains seront peut-être transformés en petits musées aménagés dans “Hannibal : résidence de Carthage”, pour rappeler aux visiteurs et aux générations futures cette honte, à jamais gravée dans la mémoire de la Tunisie». Qu'est-ce qu'on attend alors pour exécuter ce fameux PPMV?