En moins de deux semaines, deux agents des forces de l'ordre ont trouvé la mort à Sidi Amor Bouhajla (Kairouan). D'autres ont auparavant connu le même sort dans d'autres régions. Pis encore, les atteintes ne cessent de se multiplier contre des hommes qui se sont trouvés en si peu de temps entre le marteau de la rigueur de l'application des lois et l'enclume des conséquences qui en découlent après une révolution. Est-ce les prémices d'un retour graduel à la loi de la jungle ? Où allons-nous ? Quel avenir pour un Etat dont l'institution sécuritaire, qui est sa pierre angulaire, n'est plus redoutée? Et la faute à qui ? A l'absence de volonté politique ? Au brouillage des repères au point de ne plus rien comprendre ? A l'aliénation d'une société civile accablée par les contraintes du quotidien ? Autant de questions qui interpellent et intriguent les collègues du défunt Jalloul Issaoui, ce policier liquidé par son proche mercredi dernier, à Sidi Amor Bouhajla, dans un acte de vengeance visant la victime qui avait pourtant agi dans l'accomplissement de son devoir. C'est justement dans ce contexte que le Syndicat national des forces de sécurité est entré en deuil, étant appuyé par de nombreux agents de sécurité, pour porter le brassard noir à partir d'hier et pendant trois jours successifs. Il exprime ainsi sa solidarité avec la victime et dénonce le «laxisme du pouvoir politique en place», selon ses propres termes. M. Abdelhamid Jarraya, secrétaire général du syndicat, précise que l'appareil sécuritaire fait l'objet «d'une campagne d'affaiblissement qui ne sert en aucun cas les intérêts supérieurs de la patrie». Il reproche également à l'autorité de tutelle et à l'institution judiciaire leur totale responsabilité quant à la détérioration de la situation sécuritaire. «Condamner deux agents des forces de sécurité à 20 ans de prison pour avoir exercé leurs fonctions déçoit, démotive et fait peur au reste des hommes du métier. Comment voulez-vous qu'un policier s'acquitte convenablement de son devoir en l'absence d'un cadre législatif le protégeant ? La situation dans laquelle se trouve l'agent de sécurité aujourd'hui est à plus d'un titre aberrante et inadmissible pour un pays qui veut garantir la suprématie de la loi et la paix sociale», souligne le secrétaire général. Une attitude partagée par M. Mahdi Bechaouech, porte-parole officiel de l'Union nationale des syndicats des forces de sécurité, qui met en doute la détermination du pouvoir politique en place à assurer le prestige de l'Etat et à garantir le respect des agents de sécurité. Et ce, en raison de multiples considérations politiques, indique-t-il. «Nous sommes les boucs émissaires d'un bras de fer opposant le pouvoir politique et l'opposition. A chacun ses comptes et ses considérations pour ce qui est des élections à venir. Et à nous d'en payer le lourd tribut. Manifester une certaine hostilité face à des démarches pareilles me semble tout à fait légitime. Nous recourrons à tous les moyens dont nous disposons afin de nous protéger et de préserver les biens publics et privés. Même si nos moyens sont très limités, nous sommes animés d'une grande volonté et d'une indéfectible loyauté à la patrie pour imposer la suprématie de la loi et garantir la protection des citoyens et la dignité de l'agent de sécurité. Ce faisant, la marche protestataire prévue pour demain (aujourd'hui-Ndlr) en collaboration avec le Syndicat national des forces de sécurité s'inscrit dans la même optique», fait observer notre interlocuteur. Le souci de remettre les pendules à l'heure anime également le secrétaire général adjoint de l'Union nationale des syndicats des forces de sécurité, Zouheïr Smat, qui pense qu'il suffit d'appliquer entièrement la loi n °4 relative aux attroupements et aux manifestations sur la voie publique pour rétablir l'ordre et empêcher toute tentative de provocation de troubles. «Pour ma part, j'ai déjà proposé — et j'y tiens encore — de mener des campagnes massives ciblant les zones agitées afin de les débarrasser complétement des fauteurs de troubles. La volonté politique, c'est tout ce qui nous manque». Ndlr : Le ministère de l'Intérieur a été contacté pour donner son point de vue sur cette question, mais il ne s'est pas prononcé, prévoyant la publication d'un communiqué de presse qui se fait attendre…