Par Ezzeddine BEN HAMIDA Monsieur le Premier ministre, En tant que démocrate convaincu et républicain déterminé que vous êtes, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous éclairer sur les éléments qui ont motivé la décision de votre gouvernement d'accorder un visa au mouvement salafiste jihadiste ? Je ne peux vous cacher, Monsieur le Premier ministre, qu'une telle décision a jeté un vent de panique au sein de tous les mouvements politiques démocratiques de notre chère et magnifique patrie. De l'intérieur comme de l'extérieur, nous sommes tous profondément inquiets, pour ne pas dire très angoissés. En effet, faire de cette obédience jihadiste un parti politique à part entière au même titre que le CPR, Ettakatol ou encore votre propre mouvement, c'est, me semble-t-il, courir le risque de légitimer la violence en politique. Monsieur le ministre de l'Intérieur, Ali Larayedh, n'a-t-il pas exprimé, en mars dernier, au journal français Le Monde, ses inquiétudes et ses préoccupations concernant la menace que pourrait représenter ce mouvement fondamentaliste ? Il a même reconnu qu'ils sont armés et dangereux : «Nous savons que les salafistes jihadistes ne rendront pas les armes. Nous allons vers un affrontement, c'est presque inévitable». Comment peut-on attribuer, dans ces conditions, un visa à ce groupuscule extrémiste ? Certes, comme vous l'avez rappelé, à juste titre, qu' «(...) il s'agit de Tunisiens comme les autres, ils ne viennent pas de Mars, (...), il faudrait instaurer le dialogue avec eux (...)» Mais ces jeunes jihadistes et leur leaders illuminés ont-ils la même démarche compréhensive que vous ? Ont-ils la même conception de la démocratie que nous autres ? J'en doute fort, Monsieur le Premier ministre. Le dialogue avec eux tourne, hélas, au monologue et non plus à un échange en bonne intelligence. D'ailleurs, je me pose légitimement la question: peut-on considérer les salafistes comme des patriotes républicains et démocrates ? A en juger par leurs comportements et leurs dérives outrancières, qui sont connus de toutes et de tous (profanation de notre cher drapeau à au moins quatre reprises, agression physique de certaines personnalités médiatiques et politiques, exportation du jihadisme, invitation de terroristes sur notre territoire, etc.), la réponse est assurément négative, Monsieur le Premier ministre ! Ces agissements haïssables et détestables ne représentent-ils pas un danger pour notre jeune démocratie ? N'y a-t-il pas aujourd'hui une menace réelle sur notre unité culturelle, sociale et économique ? N'ont-ils pas tourné le dos à la civilisation ? Ne se sont-ils pas exclus eux-mêmes ? Le problème du salafisme qui est posé désormais en Tunisie, ne trouve-t-il pas ses origines, à vrai dire, dans le manque d'intégration sociale de cette frange de notre population ? Autrement dit, ne s'agit-il pas d'une fraction marginalisée sans projet professionnel ? Ne s'agit-il pas aussi d'une minorité sans instruction suffisante pour pouvoir comprendre les dimensions philosophiques, sociales, politiques, économiques, historiques et géographiques qui sont véhiculées par le Coran et qui fondent, structurent, forgent et façonnent les principes mêmes de notre merveilleuse et magnifique religion, une religion dont le nom même signifie : la paix ? A contrario, nos «compatriotes» – comme vous le dites – salafistes sèment, hélas, le désordre, la menace, l'intolérance, voire la haine de l'autre. N'est-il pas plus raisonnable, Monsieur le Premier ministre, de réexaminer votre décision concernant le visa déjà accordé à cette mouvance jihadiste avant qu'il ne soit trop tard ? Avec mes salutations républicaines.