Par Jawhar CHATTY Penser global et agir local. Ou plutôt laisser agir les locaux eux-mêmes au niveau local jusqu'à pourrissement de la situation... Après, on verra. Jusque-là, le stratagème semble bien marcher. Les stratèges, ceux-là mêmes qui avaient choisi la Tunisie pour leur expérience en laboratoire grandeur nature, ne sont aujourd'hui guère déçus. A ce stade, le déroulement de l'expérience dépasse même leurs prévisions et attentes. Ils craignent cependant qu'au rythme où vont les choses, le risque que tout le protocole vole en éclat. Un plan B est paraît-il dans les tiroirs. Top secret. Le «laboratoire» Tunisie était censé enfanter un germe de démocratie et de liberté, facteur de stabilisation, de stabilité politique et sociale pour toute la région. Avec la promesse d'un progrès et d'une prospérité partagée. Aujourd'hui, on est à l'évidence bien loin de ce noble objectif. Si les accouchements naturels et même assistés sont difficiles avec leurs lots de prématurés, de morts nés et de défigurés, les cultures en laboratoire restent, à l'instar des greffes, foncièrement aléatoires et potentiellement génératrices de monstres ! Le «laboratoire» Tunisie n'est pas celui de Frankenstein ! Du moins, on n'en est pas encore là. Mais comment ne pas être aujourd'hui saisi par ce qui s'est passé hier dans la nuit sombre d'un bourg qu'est la Tunisie à l'échelle mondiale ? Comment rester encore insensible face aux actions destructrices de germes porteurs à ce point d'anarchie, de violences et de terreurs. Face à des entités à ce point conditionnées, déterminées et obstinées, une culture en bocaux et en éprouvettes, qui vont jusqu'à s'attaquer aux symboles de l'Etat et à défier tous ceux qui ont la charge et la responsabilité de protéger l'intégrité de l'Etat et des citoyens. Face à l'abject et à la terreur, l'épée, la seule qui soit juste et tranchante, porte un nom : toute la fermeté dans l'application de la loi. L'opposition attend à cet égard le gouvernement au tournant. Comme si aujourd'hui le seul enjeu était la quête du pouvoir. Comme si l'enjeu n'était pas foncièrement national. Par son obstination systématique et sa myopie face aux véritables enjeux, elle fait non seulement montre d'une irresponsabilité coupable mais, de par son comportement, elle laisse ouverte la voie à toutes les supputations, à commencer par une certaine théorie du complot. Mais de quelle opposition s'agit-il au juste tant ses différentes composantes n'ont aujourd'hui pour seul souci que les petits calculs d'épicier, les recompositions et en seul point de mire les prochaines élections. Il y a péril en la demeure. Le laboratoire Tunisie pourra bientôt exploser à la figure des concepteurs d'un «modèle de démocratie pour toute une région». Il revient à ce titre au gouvernement, qui a certes plus les contraintes du pouvoir que les privilèges du pouvoir, de dire franchement que ce laboratoire potentiellement créateur de monstres ne sera plus jamais accepté en Tunisie. Il y va de la responsabilité historique de l'opposition d'appuyer et de soutenir dans ce sens le gouvernement. Un tout petit gramme de patriotisme sincère a aujourd'hui son pesant d'or. Demain, la Tunisie tient un forum sur l'investissement étranger. Ce vendredi, un Nobel de l'économie est attendu en Tunisie pour nous donner, encore une fois, des leçons en macroéconomie et en bonne gouvernance. C'est tout de même surréaliste. Personne n'est pourtant dupe. Personne ? Oui, à la grande exception des chancelleries étrangères et des investisseurs étrangers. Avec tous les périls possibles, la comédie humaine a aujourd'hui bon vent dans ce petit patelin qu'est en fin de compte la Tunisie trois fois millénaire...