Beit El Hikma a accueilli, vendredi dernier, la cérémonie de clôture du centenaire de l'écrivain tunisien Mahmoud Messadi (1911-2004). La célébration de cet éminent homme de lettres qui s'est également essayé à la politique a été voulue à la hauteur de l'empreinte qu'il a laissée dans la littérature arabe. En effet, à l'occasion du centenaire, deux grandes œuvres ont été éditées par l'Académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts. La première s'intitule Messadi, le créateur et le penseur et la deuxième n'est autre que l'œuvre complète de l'auteur. Les deux livres ont été présentés au public en présence du directeur de l'académie Hichem Djaït, de l'écrivain Mohamed Tarchouna, de critiques et d'enseignants universitaires. Messadi, le créateur et le penseur est fait de 611 pages. Il contient les travaux du colloque international qui s'est tenu à Beit El Hikma du 13 au 16 décembre 2011 et qui s'inscrit à son tour dans le centenaire de Messadi. Les textes qu'il contient sont des contributions de chercheurs et d'hommes et de femmes de lettres venant de différents pays du monde arabe et de l'Europe. Chacun s'est choisi un angle à travers lequel il développe un aspect de l'esthétique dans l'écriture de Messadi et son intérêt pour les questions existentielles. Mustapha Kilani, qui s'est chargé de présenter cet ouvrage, a relevé qu'il se démarque par une lecture faite à partir d'une vision globale des œuvres de Messadi, et qui prend en compte son projet artistique et littéraire, dans sa totalité. Il a ainsi échappé au piège d'une lecture limitée. Le livre fait même une équivalence entre Messadi et Nejib Mahfoudh, un témoignage de plus sur l'importance de l'écrivain qui a disparu en 2004, laissant derrière lui, dans ses travaux, des sources insatiables de recherches et d'études. Ce natif de Tazarka est passé par l'enseignement sadiki avant de faire ses études supérieures en littérature arabe à la Sorbone. Il a été autant marqué par les classiques français que par la littérature de l'Orient. Mustapha Kilani a dans ce sens évoqué l'intérêt du livre en question à la lecture de Messadi des légendes arabes, entre autres celles de l'époque pré-islamique. Messadi, le créateur et le penseur a aussi mis l'accent sur l'aspect poétique dans l'écriture de l'auteur. Pour Mustapha Kilani, ce livre est en même temps une invitation à continuer à puiser dans l'œuvre de Messadi, par l'analyse et la recherche. Quant à Mohamed Aït Mihoub, il a fait le tour de ce qui caractérise la nouvelle édition des œuvres complètes de Messadi, en partant des raisons et des significations derrière cette entreprise. «Une œuvre littéraire a plusieurs vie... Celle de Messadi se bonifie avec le temps, comme le bon vin», a-t-il expliqué lors de la cérémonie. Ce grand volume met en évidence l'importance de Messadi en Tunisie, dans le monde et dans le monde arabe. Il contient une bibliographie de tous les travaux d'analyse et de critique de ses œuvres. Ces dernières, l'objet principal du volume, incluent ses livres, articles, conférences, pensées, essais, interviews pour la presse écrite et même pour la radio et la télévision, qui ont été transcrites pour l'objet de ce projet. Ce qui permet autant de montrer les multiples facettes du talent de l'écrivain que d'empêcher la dispersion de son travail. A son tour, Aït Mihoub a conclu son intervention en affirmant que cette édition est une étape de recherche dans les œuvres de Messadi, et qui doit se poursuivre. Pour la dernière partie de la cérémonie, un docu-fiction de 52 minutes sur Mahmoud Messadi a été projeté au public. Ecrit par Mohamed Tarchouna et réalisé par Mokhtar Laajimi, le film s'intitule Messadi, le magicien de l'existence. Il est construit à partir de témoignage de chercheurs, d'hommes de lettres et de critiques, en plus de membres de la famille de l'écrivain. Découpé en chapitre titrés par des citations venant des œuvres majeures de l'auteur, comme Le barrage et Ainsi parlait Abou Houraira, le film comporte également des images de synthèse qui illustrent des passages de ces œuvres, alors que d'autres passages sont interprétés par des acteurs. Les témoignages ont fait le tour des étapes marquantes de la vie de Messadi: son éducation, son militantisme syndical, politique et social, sa complicité avec Farhat Hached auquel il a dédié Le barrage, mais aussi les moments controversés de son parcours, comme son passage au ministère de la culture et ses choix politiques en général. Cela fait de Messadi un humain comme nous tous, imparfait, mais qui a laissé après lui une trace qu'il sera difficile d'effacer, celle de l'art, la meilleure qui soit.