Le sport a été acteur et victime du système établi par Zaba, son clan et ses hommes de main On ne sait trop que dire, ni par où commencer... Ce qu'on peut, par contre, affirmer sans risque aucun de nous tromper, c'est qu'hier au Palais du gouvernement de la Kasbah dans la petite salle de conférences, il fallait être solidement installé sur sa chaise pour supporter le choc des révélations faites par MM. Hichem Ben Jamaa, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Jeunesse et des Sports, et surtout Walid Balti, chargé de mission. La pieuvre ! Une première remarque tout d'abord : le système instauré par Ben Ali et toute sa bande était bel et bien un système mafieux où tout le monde (ceux appartenant au système et même ceux qui n'en faisaient pas directement partie) était impliqué jusqu'au cou. Avec, en sus, une chaîne inextricable de connexions, de complicités, d'intervenants et de bénéficiaires (à des degrés différents, bien sûr, puisque le Capo et sa femme étaient les premiers à se servir) de manière à noyauter totalement le trafic. Pratiques archi-connues de la mafia, mais aussi des services secrets dont Zaba était l'un des représentants. Car, au lieu de servir à défendre le pays, ces techniques ont été mises à profit pour le détruire avec un cynisme et une méthodologie à la limite du scientifique. L'argent du sport Prenez le sport. Ce domaine de la vie publique devait, en principe, échapper à l'appétit gargantuesque de Zaba et de sa bande. Mais, s'il en a longtemps délégué la gestion sportive à son gendre, Slim Chiboub (dont on parle de moins en moins, oubliant au passage qu'il a été des années durant et avant la prise de pouvoir des Trabelsi l'homme numéro 2 dans le pays), celle financière était son affaire. C'est ainsi qu'on sait aujourd'hui que l'argent du sport, du Promosport (mais aussi de la jeunesse) a transité un peu partout servant généreusement des causes et des parties peu sportives avec toujours pour fil rouge ces liaisons dangereuses. Comme nous savons que certaines de ces pratiques avaient allègrement continué après le 14 janvier. Tenez, si on vous disait ministère, CNSS, association Basma, Promosport, caisse numéro 5, palais de Sidi Dhrif, droits de diffusion de la Coupe du monde, RCD, association des mères de Tunisie, association franco-tunisienne des malades du cœur, festivités du 20e anniversaire du 7 novembre, Premier ministre... stop ou encore? Quel rapport avec le sport et notre sujet : tous impliqués d'une manière ou d'une autre dans un large trafic d'argent, de pouvoir et d'influence sous couvert de sport et de jeunesse. Autant d'argent, autant de pouvoir et autant d'influence pour une seule médaille d'or aux Jeux olympiques, une fois toutes les quarante années, en football une seule CAN gagnée en 2004, et aucun passage au second tour d'une phase finale de Coupe du monde en 3 participations consécutives (1998, 2002 et 2006) ! Face à ce champ de ruines et de bataille, un ministre, Tarek Dhiab, et une poignée de ses collaborateurs et quelques juges contre une armée de coupables et un arsenal de dossiers de malversations. Avec également des outils légaux et juridiques inadaptés ou, pis encore, inexistants. Ministres, présidents de fédérations... Mais il y a pire encore : il y a ce ministère encore infesté de requins, les fédérations et les clubs en dépit de la vitrine des élections libres où on retrouve les mêmes têtes qui cachent les dossiers, «leurs» dossiers, et empêchent le passage naturel à une autre étape. Ces personnages, ces pratiques, tout le monde les connaît, y compris le ministère qui, selon MM. Hichem Ben Jamaâ et Walid Balti, n'a aucune intention de laisser tomber, de chercher, poursuivre et présenter à la justice. C'est d'ailleurs déjà fait pour «des ministres de la Jeunesse et des Sports des 10 dernières années de l'avant-14 janvier», pour des fédérations et leurs responsables, mais aussi pour tous les autres «dégâts parallèles», dont nous parlions. Rattrapés par les affaires «D'autres responsables qui ont cru échapper au coup de filet et qui coulent des jours tranquilles en dehors ou à l'intérieur des nouvelles structures ont tort de croire qu'ils sont sortis d'affaires. Ils seront rattrapés par leurs actes et la justice», diront en conclusion les deux actuels responsables. Voilà, donc, pour le dossier qui nous tient le plus à cœur, mais qui est venu en second au niveau des interventions. Avec deux dernières remarques. Compte tenu de la complexité des dossiers et des moyens dérisoires à disposition pour les instruire, nous nous permettons de dire que la pêche au niveau des fédérations est timide. Taekwondo et quelques sports mineurs, ce n'est que la partie visible de l'iceberg. Il y a bien sûr l'athlétisme et le handball, mais nous voulons aussi le football, la boxe et tous les autres, sans exception. Bâtir sur des ruines La seconde remarque, c'est que le peuple sportif veut une justice ferme, efficace et transparente. Et si telle est notre exigence après des décennies de pillage en règle et de mensonges, c'est parce que nous considérons que nous ne pouvons allégrement passer d'une étape à l'autre avec un contentieux aussi lourd et bon nombre des hommes de l'ancien système. Entre-temps, la vie continue, le ballon rebondit et l'attente est énorme. En 6 mois, Tarek Dhiab et son équipe ont sillonné 9 gouvernorats, sont allés à la rencontre des jeunes et entamé une série d'actions et de projets, maisons des jeunes, complexes sportifs, terrains gazonnés et aides diverses à tous les clubs sans exception pour cause de situation actuelle sinistrée de notre sport, essentiellement avec le huis clos. Infrastructure, assainissement, délocalisation et vieux dossiers de malversations: la tâche est titanesque. L'essentiel, c'est qu'elle a été entamée!