• «On aurait pu éviter la pénurie par l'exploitation d'un forage d'une capacité de 25 litres/ seconde qui n'est pas encore mis en marche, vu que l'étude des périmètres irrigués n'est pas encore achevée», regrette le chef du district de la Sonede à Gafsa • Tout compte fait, les ménages déboursent 90 dinars par mois pour bénéficier d'une eau vraiment potable. Alors que dans d'autres régions, une facture d'eau à 90 dinars est impensable pour un chef de famille «Après l'interruption de l'alimentation en eau, on craint le manque d'oxygène», ironise M. Riadh, habitant de la délégation de Mdhila du gouvernorat de Gafsa. En effet, cette ironie cache mal la colère de ce citoyen et son grand mécontentement pour la terrible expérience de soif endurée ces derniers jours. En effet, sous un soleil de plomb, avec des coups de sirocco de plus en plus violents, et des remontées records du mercure, la région de Gafsa, et spécialement la zone minière, enveloppée de montagnes de phosphates, se transforme en une véritable fournaise grandeur nature. Mais cette année, la rudesse du climat s'est accompagnée d'interruptions prolongées de l'alimentation en eau potable, l'unique refuge des habitants du sud- ouest. A vrai dire, ils ont vécu des journées cauchemardesques sans eau face à une chaleur suffocante et persistante. Les habitants de la région de Gafsa ironisent: «La température d'aujourd'hui s'élève à 50 degrés dans le bureau du gouverneur, malgré la climatisation ». Mais sans eau potable pendant plusieurs jours, la question revêt d'autres considérations qui n'ont rien à voir avec l'ironie. C'est un besoin vital qu'il faut satisfaire à tout prix! On vous laisse le soin d'imaginer le vécu d'une famille assoiffée pendant quelques jours et les réactions qui pourraient s'ensuivre. Bref, c'est désolant pour un pays qui aspire à rejoindre la cour des grandes démocraties... Certes, les interruptions sont récurrentes dans cette région, et ce n'est pas une première. Mais cette fois la pénurie d'eau a duré pendant plusieurs jours. Et du coup, plusieurs questions s'imposent pour expliquer les causes et les retombées de cette histoire : aurait-on pu éviter ces longues interruptions de l'alimentation en eau potable dans quelques délégations du gouvernorat de Gafsa, notamment à Mdhila, Oum Laarayes et El Guettar, ainsi que d'autres communes déshéritées de la région du sud-est ? Aurait-on pu épargner aux habitants de la région de vivre une terrible expérience de soif ? Quelles sont les véritables causes de ces interruptions? Y a-t-il des solutions efficaces pour remédier à cette défaillance afin de ne pas revivre une telle situation? Après les jours de soif, Imed, habitant de Mdhila, raconte: «Après la reprise de l'alimentation en eau potable, quoi que blanchâtre, tous les habitants se sont empressés de remplir les seaux, les bidons, les bouteilles et tout récipient en vue de constituer des provisions significatives pour faire face à d'éventuelles nouvelles interruptions». D'ailleurs, le commerce des récipients se porte bien dans la région. Revenant sur les jours sans eau, il se rappelle: «On a loué des voitures pour apporter de l'eau des délégations voisines, à quelques dizaines de kilomètres». D'autres habitants de Mdhila, moins fortunés, ont fait la queue, durant des heures, devant le sondage d'eau à l'extrémité de la ville pour remplir leurs récipients. Parallèlement, des camions d'eau potable douce sillonnent la ville pour vendre à un dinar le bidon de 20 litres. «En moyenne une famille consomme trois bidons par jour», estime Imed. Tout compte fait, les ménages déboursent 90 dinars par mois pour bénéficier d'une eau vraiment potable. Alors que dans d'autres régions une facture d'eau à 90 dinars est impensable pour un chef de famille. Cette pénurie d'eau a motivé certains contrebandiers de carburant à changer de métier et œuvrer dans le commerce de l'eau fraîche, dont les sources sont plus proches et moins risquées. Mieux encore l'affaire est juteuse. D'ailleurs durant les jours de soif, ils ont pu exiger aux habitants un paiement à l'avance de leurs commandes en eau. Heureusement, comme à l'accoutumée les citoyens font montre d'une grande solidarité. Les habitants des délégations voisines ont chargé des citernes d'eau tractées au profit de leurs voisins de Mdhila et El Guettar. Face à cette situation insupportable, les citoyens de la ville ont barré la route de Gabès pour empêcher les camions de phosphates de regagner les usines du Groupe Chimique de Tunisie. «C'est la seule carte qui nous reste à jouer. Le gouvernement n'est sensible qu'à la continuité de l'approvisionnement du phosphate», indique-t-il. Rapidement, il ajoute, des représentants de l'autorité ont rendu visite aux habitants et ont promis des solutions d'urgence. Par contre dans d'autres régions, à l'instar d'«Al ayaicha», qui ne disposent pas de moyens de pression, les interruptions d' eau ont dépassé une dizaine de jours. Pis encore, Riadh déplore «leur manifestation pacifique a été farouchement dispersée par les forces de l'ordre». Les deux habitants de la ville minière n'ont cessé de répéter :«On ne demande que de l'eau». Et ce n'est pas trop demandé. Et pourtant la pénurie était prévisible Pour de plus amples détails, notamment les réelles causes de cette pénurie, les solutions d'urgence à mettre en œuvre et des réformes structurelles à engager pour ne plus revivre de telles expériences, on a contacté M Glii Laabidi, chef du district de la Sonede à Gafsa. La première des raisons avancées par M. Laâbidi est l'abaissement du niveau de la nappe phréatique qui a engendré des chutes de débit des forages. «En plus, la consommation excessive et continue de l'eau à cause de la canicule qui perdure, qu'on estime à 20% dans certaines localités, a épuisé toutes les réserves», martèle-t-il. Et d'expliquer : «D'habitude, après quelques jours de canicule, quatre jours tout au plus, on a aura le temps de reconstituer les réserves en eau. Mais cette année, la persistance de la canicule et de facto les niveaux records de consommation d'eau ont empêché de récupérer des niveaux de réserves satisfaisantes». Pour ce qui est de la nappe qui alimente la région d'El Guettar et Mdhila, le professionnel relève que les années de sécheresse ont entravé sa régénération. Sur un autre plan, cette nappe est très sollicitée par les associations de gestion hydrique et les groupements de développement agricole qui puisent directement cette eau potable pour l'irrigation et l'élevage. Ce qui accentue le stress hydrique de la région «semi -aride», précise le directeur. Par ailleurs, «ces derniers temps, les coupures d'électricité ont entravé le fonctionnement de plusieurs stations de pompage d'eau potable». Et d'ajouter : «Compte tenu des coûts exorbitants des groupes électrogènes, on est dans l'impossibilité d'équiper tous les forages de Gafsa en ces installations de secours». Face à toutes ces causes identifiables et quantifiables, la pénurie semble prévisible et inévitable. Et du coup, parler de solutions d'urgence n'a pas beaucoup de sens puisque on pourrait les préparer à l'avance, à la lumière des difficultés de la dernière saison estivale. Dans cette perspective le directeur précise: «On aurait pu éviter cette pénurie». Et de préciser : «Plusieurs propositions et recommandations ont été communiquées après l'analyse du bilan de la dernière saison, notamment l'engagement de trois nouveaux forages dont la mise en marche du premier était prévue au début de 2012 ». D'après notre source, la mise en marche de ce forage aurait pu satisfaire toute la demande additionnelle en eau. A ce titre, il a rappelé que la résistance des citoyens à ces projets, quant à leur emplacement, ou encore les actes de vol et de pillage des équipements qui ont entravé les travaux d'électrification de certains forages. «A ce jour on est en train de négocier avec deux citoyens qui empêchent les travaux d'un puits de la région», révèle-t-il. D'autres solutions sont aussi envisageables. « On aurait pu éviter la pénurie par l'exploitation d'un forage de 25 litres/ seconde qui n'est pas encore mis en marche, faute d'achèvement de l'étude des périmètres irriguées», regrette-t-il. Mais, les agriculteurs de la région ont rejeté catégoriquement cette proposition. S'attardant sur les solutions d'urgence, il a relevé que des citernes tractées ont été acheminées sur les lieux pour approvisionner les habitants en eau potable. La Compagnie de phosphates de Gafsa a participé activement à cette action en mobilisant des engins. Le chef du district a énuméré les solutions radicales susceptibles de pallier ce déséquilibre hydrique, à savoir l'achèvement des travaux de forages programmés, la construction de barrages sans oublier l'option de dessalement de l'eau de mer, à seulement 140 kilomètres. Pour ce qui est des coupures d'électricité, et la première des causes par certains, l'un des responsable de la Steg explique : « A l'instar des sites stratégiques, notamment l'aéroport et les hôpitaux, les stations de pompage sont normalement équipées de générateurs électriques de secours pour compenser des éventuelles défaillances du réseau». Et d'ajouter : «Même la Steg dispose de ces installations ». Par ailleurs, il admet que les coupures sont plus récurrentes que les années passées puisque la société a été contrainte d'engager des délestages qui consistent en des arrêts volontaires de l'approvisionnement d'une ou de plusieurs régions durant une quarantaines de minutes pour rétablir rapidement l'équilibre entre la production et la consommation.