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Violence familiale : femmes en détresse, enfants en souffrance
OPINIONS
Publié dans La Presse de Tunisie le 16 - 08 - 2010

Par Azouz BEN TEMESSEK (assistant en droit public, faculté de Droit de Sousse)
La violence à l'égard des femmes correspond à un état généralisé de violences aux formes multiples, imbriquées et parfois répétées. Il peut s'agir notamment de la violence physique, sexuelle et psychologique/émotionnelle ainsi que de la violence et de l'exploitation économiques, perpétrées dans divers contextes, privés ou publics, dans le cadre de la mondialisation actuelle, au-delà des frontières nationales. Nommer ces formes et manifestations de la violence à l'égard des femmes marque une étape majeure vers la reconnaissance de leur existence et la mise en place de moyens pour les combattre.
C'était le 8 mars 2010 qu'a eu lieu, à Carthage, une conférence de presse présidée par Mme Leïla Ben Ali, épouse du Chef de l'Etat, ayant pour thème «La lutte contre la violence à l'égard des femmes». La cérémonie d'ouverture fut marquée par la remise à la Première Dame de l'écusson du Comité libanais de lutte contre la violence à l'égard des femmes. Cette récompense a distingué Mme Ben Ali en considération pour ses actions répétées dans le domaine social, pour son action humanitaire et pour la sollicitude constante dont elle entoure les catégories à besoins spécifiques ainsi que pour ses multiples initiatives entreprises pour promouvoir les conditions de la femme arabe, depuis son accession à la présidence de l'Organisation de la femme arabe (OFA). Les thèmes abordés lors de la manifestation ont été adoptés à la lumière de la préface du livre publié récemment par l'OFA et intitulé La violence à l'égard de la femme arabe, entre le poids de la réalité et la consécration des valeurs universelles, préface signée par Mme Leïla Ben Ali. Dans ce cadre, Mme Ben Ali a souligné l'importance des valeurs morales comme l'égalité, la tolérance et le respect d'autrui ainsi que l'acceptation de l'opinion de l'autre, le bannissement des réactions impulsives et des réactions violentes envers les plus faibles et les plus démunis. Dans ce sens et afin de célébrer la Journée internationale de la femme, la Première Dame de Tunisie a insisté sur la nécessité de dépasser les obstacles qui pourraient nuire à l'émancipation de la femme arabe dans le cadre de l'égalité et du partenariat avec l'homme. Les comportements sociaux négatifs à l'encontre de la femme, comme l'exclusion, la marginalisation, l'injustice, la discrimination et la violence, doivent être réprimandés sévèrement. Sur ce point, la Tunisie ne cesse de militer afin de bannir toutes les violences contre les femmes. Son engagement sincère ne cesse de s'accroître de façon effective en portant assistance, prise en charge et protection envers les femmes et les familles qui vivent parfois dans des conditions difficiles engendrées par la violence. Mme Leïla Ben Ali a offert l'opportunité à la femme arabe d'optimiser ses ressources à travers des secteurs stratégiques, tels que l'éducation, l'enseignement, la formation, la culture, la protection sanitaire et l'accompagnement social, en vue d'avancer et de s'émanciper, toujours en partenariat avec l'homme.
Violence conjugale
La violence conjugale englobe de multiples actes de coercition sexuelle, psychologique et physique commis contre des femmes adultes et adolescentes, sans leur consentement, par un partenaire ou un ancien partenaire. La violence physique est l'utilisation intentionnelle de la force physique ou d'une arme pour faire du mal à une femme ou la blesser. La violence sexuelle désigne toute agression sexuelle forçant une femme à se livrer à un acte sexuel ainsi que tout acte sexuel ou tentative d'acte sexuel avec une femme malade, handicapée, sous pression ou sous l'empire de l'alcool ou d'autres drogues. La violence psychologique consiste à dominer ou à isoler une femme ainsi qu'à l'humilier ou à la mettre mal à l'aise. La violence économique consiste notamment à nier à une femme le droit d'accéder aux ressources de base et d'en avoir la libre disposition.
Il ressort de l'étude multi-pays de l'OMS sur la santé des femmes et la violence domestique à l'égard des femmes menée au Bangladesh, au Brésil, en Ethiopie, au Japon, en Namibie, au Pérou, en République Unie de Tanzanie et en Thaïlande que la prévalence de la violence physique commise par un partenaire intime durant la vie d'une femme oscille entre 13 et 61% tandis que la prévalence de la violence sexuelle commise par un partenaire intime au cours de la vie d'une femme oscille entre 6 et 59%.
Dans sa forme la plus extrême, la violence conjugale entraîne la mort. Les études sur le femicide menées en Afrique du Sud, en Australie, au Canada, aux Etats-Unis et en Israël révèlent que 40 à 70% des femmes victimes de meurtres ont été tuées par leurs maris ou leurs partenaires. Aux Etats-Unis, par exemple, le meurtre est la deuxième cause de décès chez les filles âgées de 15 à 18 ans et 78% des victimes d'homicides étudiées ont été tuées par une connaissance ou un partenaire intime. En Colombie, une femme serait tuée par son partenaire ou un ancien partenaire tous les six jours.
La recherche sur la violence conjugale a accordé une attention moindre à la violence psychologique ou émotionnelle à l'égard des femmes. L'évaluation de ces formes de violence est plus difficile, dans la mesure où chacun des comportements varie considérablement d'un contexte à l'autre. Il n'existe aucune définition commune permettant de dire quels sont les actes ou la combinaison d'actes ainsi que leur fréquence qui constituent une violence émotionnelle. L'étude multi-pays de l'OMS sur la santé des femmes et la violence domestique à l'égard des femmes a constaté que 20 à 75% des femmes avaient été victimes d'un ou plusieurs actes de violence psychologique, consistant notamment en tentatives de contrôle des activités des femmes, en autoritarisme ou en attitudes de dénigrement ou de mépris, en violence verbale, sous forme d'insultes et menaces proférées, etc.
Pratiques traditionnelles nuisibles
Les pratiques liées à la préférence pour les garçons, qui se manifestent sous la forme notamment de la sélection prénatale en fonction du sexe du fœtus et de la négligence systématique des filles, sont à l'origine d'un taux de masculinité inquiétante et de taux élevés de mortalité infantile féminine en Asie du Sud et de l'Est, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Une étude menée en Inde a estimé à un demi-million le déficit annuel de filles imputable à la sélection prénatale en fonction du sexe du fœtus au cours des deux décennies écoulées.
Un mariage précoce est le mariage d'un enfant, autrement dit d'une personne âgée de moins de 18 ans. Les filles mineures ne sont pas en pleine maturité et capacité d'agir et ne sont pas à même d'exercer un contrôle sur leur sexualité. Se marier et avoir des enfants peut avoir des effets négatifs sur leur santé, nuire à leur éducation et restreindre leur indépendance économique. Ces mariages ont lieu dans le monde entier, mais ils sont le plus répandus en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud, où plus de 30% des filles âgées de 15 à 19 ans sont mariées.
Un mariage forcé se contracte sans le consentement libre et non vicié d'une au moins des parties. Dans sa forme la plus extrême, le mariage forcé peut s'accompagner de menaces, de rapts, d'emprisonnement, de violences physiques, de viols et, dans certains cas, de meurtres. En Grande-Bretagne et en Irlande du Nord, une unité de lutte contre les mariages forcés, mise en place par le gouvernement, intervient dans 300 cas de mariages forcés chaque année.
La violence liée aux exigences relatives au paiement d'une dote effectuée en liquide ou sous forme de biens par la famille du marié à la famille de la mariée peut conduire au femicide. Il ressort des statistiques officielles de la criminalité en Inde que 6.822 femmes sont mortes des suites de cette violence en 2002.
Les crimes d'honneur commis contre les femmes peuvent se produire au sein de la famille ou de la société. Le Fonds des Nations unies pour la population a estimé à 5.000 le nombre de femmes victimes de crimes d'honneur tuées par des membres de leurs familles chaque année dans le monde. Au Pakistan, par exemple, un rapport public a signalé que les crimes d'honneur ont coûté la vie à 4.000 hommes et femmes entre 1998 et 2003 et qu'ils y ont fait plus de deux fois plus de morts chez les femmes que chez les hommes.
Les femmes âgées, en particulier les veuves, sont aussi victimes de pratiques nuisibles dans un certain nombre de pays qui peuvent impliquer la famille et la société. Une étude conduite au Ghana a constaté que de nombreuses femmes pauvres, souvent âgées, ont été accusées de sorcellerie. Certaines ont été tuées par des hommes de leurs familles et les survivantes étaient soumises à une série de sévices physiques, sexuels et économiques. Il a été fait état de violences contre des veuves, notamment des abus et harcèlements sexuels ainsi que des violences liées aux biens, de la part de la famille, surtout la belle-famille, dans un certain nombre de pays dont l'Inde.
Incidences sur les enfants
Les enfants sont souvent présentés pendant les altercations conjugales. Dans une étude réalisée en Irlande, 64% des femmes maltraitées déclarent que leurs enfants sont souvent témoins de la violence. Dans une autre étude réalisée au Mexique, 5% des femmes victimes de violence font la même déclaration. Une recherche réalisée au Québec auprès de femmes vivant de la violence conjugale révèle que 75% des enfants ont assisté aux scènes de violence et que 20 % d'entre eux ont cherché à interrompre la violence.
Soulignons que les enfants exposés à la violence conjugale souffrent tous de cette situation: «Ça fait très mal de voir quelqu'un qu'on aime souffrir» et cela fait encore plus mal quand l'agresseur est aussi quelqu'un qu'on aime. Etre forcé de voir (ou de savoir) quelqu'un qu'on aime souffrir aux mains d'un autre est une violence psychologique sévère.
En plus de la souffrance psychologique, ces enfants vivent tous une gamme d'émotions pouvant aller de la peur à la terreur, la peine, la tristesse, la colère, la honte ou la culpabilité, à des sentiments plus positifs durant les périodes plus calmes et à de l'ambivalence vis-à-vis de l'un ou l'autre des parents, d'où la confusion. Un sentiment d'impuissance à pouvoir arrêter la violence est aussi souvent présent.
Tous les aspects de la vie des jeunes qui sont exposés à la violence conjugale peuvent être affectés par cette situation. Des recherches ont identifié des conséquences possibles sur leur santé physique ainsi que sur le plan de leur fonctionnement émotif, cognitif et social. On classifie, parfois, les conséquences en termes d'effets intériorisés ou extériorisés. Les symptômes psychosomatiques sont des réactions assez courantes chez les enfants et peuvent couvrir toute une gamme de problèmes familiaux et personnels. Mais, ce qui est important ici, c'est d'avoir l'œil ouvert et de garder en tête que quand un enfant manifeste ces symptômes, c'est que cet enfant vit peut-être dans une famille où son père est violent envers sa mère.
En lien avec leur santé physique, les jeunes exposés à la violence conjugale risquent aussi de subir des agressions physiques, soit parce qu'ils essaient d'interrompre la violence, soit qu'ils la reçoivent par ricochet ou deviennent eux-mêmes des cibles de l'un ou l'autre des parents. Par ailleurs, les jeunes qui vivent dans une famille où il y a de la violence conjugale éprouvent beaucoup plus de difficultés sur le plan de leur compétence sociale. Il peut s'agir d'une baisse de la performance scolaire, accompagnée ou pas d'absentéisme, d'une implication sociale diminuée, d'une plus faible participation aux activités et aux sports organisés. D'un point de vue relationnel, ils peuvent avoir davantage de difficultés à rentrer en relation avec leurs pairs, à reconnaître leurs émotions et à prendre la perspective d'autrui durant les conflits interpersonnels. Cette carence serait à la base de leur incapacité de développer et de maintenir des relations intimes futures à cause d'une inhabilité à identifier les besoins de l'autre et à réagir en conséquence.
De surcroît, ces jeunes sont très sujets à vivre isolés. Cet état, qui découle de la dynamique de la violence familiale, peut se manifester de quatre façons : par le père qui maintient l'isolement pour mieux contrôler ce qui se passe à la maison et maintenir le silence sur la violence, par l'enfant qui a honte et cache la situation aux amis, par le manque d'habileté du jeune à entrer en relation avec ses pairs et par le rejet des pairs à la suite de comportements antisociaux de l'enfant, comme le repli sur soi et l'agressivité
Ces enfants peuvent exprimer de l'agressivité envers leurs parents, leurs frères et sœurs et les autres enfants. Dans leur famille, ils peuvent avoir appris que la violence est un moyen acceptable pour obtenir ce qu'on veut et pour résoudre les conflits. Ceci peut rendre difficile les relations avec autrui et prendre la forme de délinquance. Les fugues, la consommation de drogue et d'alcool sont d'autres problèmes de comportement observés chez ces jeunes. Elles peuvent être des stratégies utilisées pour échapper au climat de violence et à leur souffrance.
Face au nombre de femmes touchées par les violences conjugales et venant des pratiques nuisibles où des situations de négligence et de maltraitance risquent d'émerger et où les enfants apprennent très tôt un mode de résolution des conflits basés sur la violence, il nous semble indispensable d'être attentif très tôt aux enfants, aux parents et aux interactions conjugales, parentales, familiales, sociales, afin de réduire les risques de souffrances corporelles et psychiques. Un accompagnement précoce multi-partenarial, en collaboration avec la société civile permettrait d'identifier les situations à risque et d'en limiter l'impact. L'élargissement du champ d'observation de violence familiale à leurs aspects sociétaux, économiques et politiques, d'une part, une attitude authentiquement affective, d'autre part, devraient aider à l'établissement des conditions indispensables à une communication au sein de la famille sans violences : la reconnaissance de l'égalité de tous en droit et en dignité, la compréhension de la complexité de l'autre, la recherche d'un méta-point de vue dans tout désaccord et l'établissement d'un lien indiscutable entre unité et diversité.


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