Par Foued Allani En matière d'égalité homme-femme, rien ne doit être laissé au hasard. Tout doit donc être mis en œuvre afin de concrétiser cet idéal. Dans la législation bien sûr, dans la pratique quotidienne, cela va de soi, mais aussi dans certaines situations où le poids symbolique des choses est lourd de sens et que l'on a tendance à oublier. C'est le cas de notre hymne national qui est tenu en principe de refléter fidèlement cet engagement. Or cet attribut de notre souveraineté et de notre identité souffre d'une légère tare dans ce volet bien précis. C'est le cas aussi de notre carte d'identité nationale en ce qui concerne les informations relatives au statut matrimonial de son détenteur. Tout comme certaines autres pratiques qui sont à changer afin de donner plus de poids au processus égalitaire. Il s'agit, pour ce qui est de notre hymne national, d'un ver qui traîne encore un archaïsme patent et qui est donc en porte-à-faux avec l'évolution qu'a connue notre société en matière d'égalité entre les deux sexes. Un ver qui doit subir la modification qui s'impose pour devenir en parfaite harmonie avec nos principes. Que dit ce fameux ver ? Eh bien, et là nous traduisons: «Pour l'invulnérabilité de la Tunisie et sa gloire, les hommes du pays et ses jeunes hommes» («rijèl oul biledi wa choubbanouha» — «choubbane» étant le pluriel de «cheb», jeune homme, et «chebbette» le pluriel de «chebba», jeune fille). Afin de pallier cet archaïsme, nous proposerions la modification suivante : «Rijèloun nissèoun chababoun laha» (hommes, femmes et jeunes pour elle). Ainsi, quand on entonnera l'hymne national, chacun se rappellera de ce principe d'égalité dans l'engagement pour l'intérêt suprême de notre patrie. Pour ce qui est de la carte d'identité nationale, la défaillance réside dans le fait de mentionner le nom de l'époux pour la femme et d'omettre de mentionner le nom de l'épouse pour le mari. Une omission qui n'a aucune excuse car ce qui est vrai pour la première l'est aussi pour le second. Mentionner le nom de l'épouse est aussi une manière de la respecter encore plus et de mieux concrétiser la monogamie, pilier de l'édifice familial composant notre société. Les actes notariés de propriété mentionnant eux les statuts de la sorte: «Le sieur... marié à dame...» et vice versa respectant ainsi l'égalité dans la réciprocité. Ce qui n'est pas le cas dans les mentions de la carte d'identité nationale. Idem pour le statut de veuf (ve). Celles qui ont perdu leur époux se retrouvent automatiquement «taxées» de «veuve de feu...», alors que ceux qui ont perdu leur épouse ne sont pas tenu de mentionner cet état. Côté pratique sociale, les femmes elles-mêmes participent à instituer ce type d'inégalité, car la majorité d'entre elles abandonnent leur nom de famille pour celui de l'époux. Chose qui n'a aucun fondement légal (c'est même contre la loi) et qui est même contraire à nos traditions qui font que l'épouse garde son nom de famille. D'ailleurs, nos mères et grand-mères étaient souvent appelées par leur propre nom de famille, et ce, à cause de la prolifération de certains prénoms féminins, tels que Fatma, Aïcha, Khédija... (une façon efficace de les différencier). Des détails, certes, mais qui sont très significatifs.