L'Association des femmes artisanes de Menzel Bourguiba se lance dans un projet d'autodéveloppement avec l'appui d'organismes tunisiens et danois. Ce programme cible des femmes qui font de la couture et de la broderie. Il vise à renforcer et développer leurs compétences, et les aider à valoriser leur travail pour avoir plus d'opportunités de commercialisation. Créée en 2003, l'Association des femmes artisanes de Menzel Bourguiba initie et forme les femmes aux métiers de l'artisanat, et les accompagne pour la vente de leurs produits. Appuyée par l'association de soutien à l'auto-développement, Asad, et la Danish school of design, elle se lance cette année dans un projet de design textile, qui a déjà fait ses preuves ailleurs. Le projet en question vise l'autonomisation des femmes (empowerment en anglais) qui ont un certain savoir-faire dans la couture et la broderie. Le programme comprendra, entre autres activités, des ateliers animés par des étudiants et des enseignants en design, danois et tunisiens, et des formateurs en couture. Au Maroc, pays où la première expérience a eu lieu, les femmes ont appris en quatre ans à concevoir leurs produits de façon méthodique, les réaliser en respectant des normes de qualité, et les vendre suivant des règles de marketing. Aujourd'hui, les quelque 300 femmes marocaines qui ont bénéficié de ce programme sont prêtes à aider, enseigner et inspirer d'autres femmes de leur contrée. Ayant participé à la foire internationale de l'artisanat de Marrakech, elles ont même eu le premier prix de la créativité le 30 mars 2012. Le projet en Tunisie n'en est qu'à ses débuts, il a été initié par les Danois et sera au bénéfice de toutes les membres de l'Association des femmes artisanes de Menzel Bourguiba. Sine, étudiante danoise de 27 ans en design textile, explique qu'au Danemark l'artisanat tend à disparaître parce qu'il ne rapporte plus. Des pays comme la Tunisie et le Maroc offrent la possibilité pour les créateurs danois de redécouvrir les métiers manuels, de s'en inspirer et d'explorer de nouvelles possibilités dans le domaine du textile. Il s'agirait donc d'un réel échange où tous les protagonistes en sortiraient gagnants. Artisanes et solidaires Khedija Ghanmi, présidente de l'Association des femmes artisanes de Menzel Bourguiba, est fière des réalisations de son organisme. «La plupart des femmes qui sont passées par l'association ont fait fructifier le capital savoir-acquis, soit en ouvrant leur propre commerce, soit en trouvant du travail dans le domaine», dit-elle. Certaines viennent avec des connaissances poussées, d'autres apprennent tout dans le centre. Les cours se font une fois par semaine, le samedi, et sont assurés par des formatrices bénévoles. Aujourd'hui, l'association compte 57 membres, âgées de 25 à 50 ans. Pour chacune de ces femmes, mis à part l'appui à l'insertion professionnelle, c'est une seconde famille qu'elles retrouvent au centre. Naïma a passé 25 ans sans travailler. Elle avait pourtant suivi une formation de deux ans en couture chez les sœurs à Monastir, avant de s'installer avec son mari à Menzel Bourguiba. Son entourage l'empêchait de se confronter au monde extérieur. «J'avais peur de sortir de chez moi, je ne savais plus parler aux gens. J'étais renfermée sur moi-même, jusqu'à ce que j'intègre l'association». Une amie à elle l'avait encouragée à tenter l'expérience, il y a un an. Aucun engagement, elle lui avait demandée d'y aller juste pour voir. «Toutes les femmes de l'association, je les considère comme mes sœurs. Elles m'ont appris à avoir confiance en moi». Naïma n'a plus aucun problème pour prendre la parole en public, et de présenter les fleurs en tissu, les couffins au crochet, et les foulards qu'elle confectionne de ses mains. Radhia, 46 ans, a suivi entre 1999 et 2000, des cours de couture offerts par Asad. L'association lui a ensuite accordé plusieurs crédits d'un total de 1.200 DT, pour pouvoir lancer un projet. «Après mon mariage, je n'avais même pas de quoi me couvrir», confie-t-elle. Mère de quatre enfants, elle arrive aujourd'hui à subvenir aux besoins de toute sa famille grâce à la couture et au crochet. «Mon mari ne fait rien de ses journées, mais mange quand même avec moi !», s'exclame-t-elle avec le sourire. L'Asad Radhia est l'une des femmes parmi des milliers d'autres à avoir bénéficié du soutien d'Asad. Active depuis 1989, l'association aide les artisans et les agriculteurs à améliorer leur rendement et à s'auto-organiser. Elle leur offre régulièrement des formations pour renforcer leurs capacités sur le plan technique, ainsi qu'en matière de savoir-être et de prise de décision. L'association octroie également des micro-crédits à travers la Banque tunisienne de solidarité (BTS), en vertu de la loi du 15 juillet 1999 qui organise le micro-crédit en Tunisie. En 1999, l'association a accordé 100.000 DT de crédit, pour arriver à 1,8 milliard de dinars en 2009, et 1,2 milliard en 2010 et les deux années suivantes. «Aujourd'hui, on est en conflit avec la BTS», confie Asma M'hamdi, coordinatrice des projets de développement de la région de Bizerte. «Malgré les besoins croissants en crédit, la banque ne veut plus nous donner plus de 1,2 milliard, alors qu'on a acquis plus d'expérience au fil des ans, avec des taux de remboursement atteignant 94%», explique-t-elle. Pourtant, même si l'association n'a pas beaucoup de visibilité au sein de l'opinion publique, c'est bien sa réputation à l'échelle mondiale qui a poussé les Danois à frapper à sa porte, pour monter le projet de design textile. Une délégation de trois Danois de la Danish school of design est actuellement en Tunisie jusqu'à la fin du mois, afin d'évaluer les besoins des uns et des autres, de définir le rôle de tous les participants, et d'élaborer avec plus de détails le programme à venir.