Par Adel ZOUAOUI Les images, en provenance de Syrie, témoignent chaque jour de l'horreur à laquelle le peuple syrien est confronté. Les images de façades d'immeubles criblées de balles, de mosquées trouées d'obus, de quartiers désertés, de villes à feu et à sang, de corps déchiquetés gisant au sol et de milliers de sans-abris alimentent désormais la presse internationale autour de la terre des Omeyades. Tout un pays est mis à sac. Qu'à cela ne tienne, Bachar résiste à la rébellion de son peuple même s'il se bat avec l'énergie du désespoir. Il ne se résigne pas. Et pour cause, le trône lui a été légué comme un héritage familial après la disparition de son père, Hafedh Al-Assad, faisant ainsi de la Syrie une monarchie républicaine. Il s'y cramponne obstinément si bien qu'il ordonne à son armée de tirer sur tout ce qui bouge, opposants et rebelles, mais aussi civils, femmes, enfants et personnes âgées. Ironie du sort. Plus la répression s'accentue, plus le nombre de protestataires s'accroît. Bachar sait-il qu'il a perdu la partie? Sait-il qu'il ne pourra plus gouverner? Pas si sûr. Obtus et paranoïaque, le dictateur syrien poursuit sa répression meurtrière et continue à considérer son peuple comme une poussière d'individus. Toutefois, il ne voit pas le vent tourner, pas en sa faveur cette fois-ci, mais en faveur de la liberté. Assujettis, humiliés et brimés des décennies durant sinon des siècles, les peuples arabes, de Rabat à Bassora en passant par Tunis et le Caire, se réveillent soudainement. Ils réclament d'être traités en humains et sont bien décidés à ne plus courber l'échine. Ils se rebiffent, se rebellent et se révoltent. Ils étaient morts. Ils ressuscitent miraculeusement. Le peuple syrien n'est pas en reste du réveil arabe. Il s'insurge à son tour. La contagion de la révolution est quasiment inéluctable. Acculé, Bachar reprend, à l'instar d'autres dictateurs, le même leitmotiv, celui d'une machination étrangère ou d'une menace islamiste, pour justifier le sang qu'il a sur les mains. Mais la réalité est plus forte que ses arguments mensongers. Ne s'est-il pas demandé sur les raisons vraies d'une telle insurrection ? Sur la condescendance avec laquelle il traite son peuple? Sur l'incurie de son pouvoir ? Sur la corruption et le trafic d'influence qui gangrène son Etat? Sur les graves atteintes à la liberté de la presse? Sur l'emprisonnement arbitraire de tout opposant à son régime ? Sur la terreur qu'il fait régner ? Sur les rêves brisés d'une jeunesse désabusée? Au fond de lui-même, reconnaît-il ses erreurs, ses revers et ses égarements. A-t-il le sommeil tranquille ? Se remémore-t-il les images macabres d'un Saddam Hussein débusqué au fond d'un trou à rats, ou celles d'un Kaddafi lynché jusqu'à la mort par une foule d'insurgés déchaînés? Bachar a-t-il conscience qu'aucune arme, aussi sophistiquée soit-elle, ne vaincra le courroux des peuples ? Loin s'en faut. Il est happé par la spirale d'une folie meurtrière. Il fonce dans la déraison. Il gigote comme un fauve aux abois pris dans les filets tendus par ceux qu'il a tant harassés et terrorisés. En réprimant inlassablement depuis 16 mois l'aspiration à la liberté de millions de Syriens, Bachar se met à contre-courant de l'Histoire. Son entêtement sanglant précipitera la chute de son régime. Il tombera comme une quille, pareil aux autres demi-dieux Ben Ali, Moubarak, Kadhafi et Salah. Ce n'est qu'une question de jours ou de semaines, peut-être de mois ou d'années. Entre temps, son royaume se fissure et craque chaque jour un peu plus. Terre de prestigieux écrivains et de grands poètes, la Syrie triomphera, tôt ou tard, de l'arbitraire de la dictature. L'amour si merveilleusement chanté par Nizar Kabbani, un de ses poètes prodiges, aura raison des chars et des blindés et fera taire les bruits assourdissants des canons et des mortiers.