L'Espérance peut encore aller très loin en compétition africaine, aussi loin que pourrait lui permettre son intérêt pour le jeu et la créativité, grâce à un trio de choc inédit : Msakni, N'djeng et Blaïli. Dommage que les deux premiers ne seront plus là, à partir de janvier prochain. Il y a aujourd'hui un impératif qui pointe à l'horizon de l'équipe espérantiste. Il concerne notamment l'aptitude à s'imposer à l'échelle africaine. Dès lors, on se fait désormais le crédit de penser que l'Afrique avec ses exigences à la fois sportives et structurelles, avec tout ce qui devait s'y concevoir, devient de plus en plus accessible à un ensemble, dont le profil et la vocation semblent de plus en plus s'y adapter. La qualification en demi-finale de la Coupe d'Afrique, avec cinq victoires de suite, une première dans les annales africaines, prouve que l'EST a, à quelques éléments près, les moyens et les hommes capables de faire la différence. Le résultat et la prestation fournie reflètent la manière avec laquelle elle gère les matches de haut niveau. Ils sont d'autant plus intéressants pour les réactions qu'ils suscitent que pour les raisons qui les déclenchent. Raisons témoignant de l'affirmation de certaines valeurs, entraînant la quasi-totalité des acteurs pour la même cause et des ambitions partagées. Comment l'EST d'aujourd'hui peut-elle profiter du tempérament offensif d'une génération de joueurs qui a d'énormes qualités techniques, de jeu et d'attaque? Le potentiel qui ne manque pas à chaque fois de retenir l'attention devrait servir, avant tout, à produire un esprit d'équipe. L'exigence de l'élite et du haut niveau fait penser certes à l'immédiat. Mais en même temps, il doit exister chez cette équipe une exigence devant le travail à long terme, un état d'esprit à son égard. En faire le sacrifice au nom des résultats risque de conditionner outre mesure le potentiel de tout un groupe. On sait que les considérations sportives s'inclinent souvent devant les chiffres. Mais avec des joueurs qui sont dans la force de l'âge, un effectif qui dispose d'une véritable marge de progression, on doit penser à la nécessité de bâtir dans la durée. D'autant que l'exploration des terrains inconnus, notamment en compétition africaine, est aujourd'hui acquise. Il reste que le registre dans lequel les joueurs auraient besoin de s'exprimer passe en premier lieu par l'équilibre entre les trois compartiments de jeu. L'Espérance d'aujourd'hui marque des buts, elle évolue souvent dans la zone adverse, mais elle en encaisse aussi. Certes pas autant que ce qu'elle met dans les filets adverses, mais suffisamment pour s'interroger sur la valeur défensive de l'équipe, sur l'absence d'homogénéité entre les défenseurs utilisés jusqu'ici, sur le rôle et l'apport des uns et des autres, sur la manière de gérer la pression. Si l'EST séduit souvent par sa capacité à exprimer un trésor de vertus naturelles sur le plan offensif, nous pointons quand même du doigt un peu de mollesse dans les «chaussettes» des joueurs qui assurent l'arrière garde de l'équipe. Il manque sans doute à ce compartiment un joueur capable d'assurer l'organisation défensive, de réduire les espaces, celui auquel il ne faudrait pas beaucoup de temps pour anticiper et pour trancher. Nous entendons dire ici et là que les défaillances enregistrées dans ce compartiment sont sans gravité et qu'elles seront comblées. Il nous semble pour autant que cela est plus sérieux qu'on ne le pense. Mais l'Espérance se doit aussi de savoir prendre le temps d'apprécier ses victoires, jouir du moment présent. C'est une bonne semence pour le futur. Quel meilleur éclairage cela peut-il justement apporter aux diverses options techniques? Quelle influence dans la façon de penser le jeu de l'équipe? Les nouvelles tendances et le potentiel sont-ils en passe d'instaurer un nouvel ordre? Y a-t-il une différence majeure entre les nouvelles formes de jeu et les anciennes? Une chose est sûre : avec un trio de choc de la trempe de Msakni, N'djeng et Blaïli, l'équipe est capable de tous les exploits. Elle a ainsi une responsabilité de résultat, mais aussi de spectacle. Pour cela, elle ne manque pas de prendre conscience du fait que ses supporters sur les gradins ou devant la télé aiment les victoires, tout autant que le jeu. Maâloul est de plus en plus décidé à concevoir le système de l'équipe en fonction des qualités de ses joueurs. Il pense aux résultats tout en y incluant le rapport qu'ils peuvent entretenir avec la qualité du jeu. Ce qui élargit grandement les aptitudes de l'équipe. On voit dans cette réconciliation de l'EST avec le jeu et grâce à l'émergence d'une génération de joueurs talentueux, une nouvelle voie destinée à réinventer un football brillant et gai. Une équipe agressive, pressante qui se démène sur la pelouse. Des joueurs qui affichent leur solidarité et qui s'autorisent des mouvements offensifs et autres enchaînements encore inédits. L'Espérance peut encore aller très loin, aussi loin que pourrait lui permettre son intérêt pour le jeu, pour l'inspiration, pour la créativité. Une façon bien particulière pour se relancer, enchaîner, ne pas douter. Ici et là, il y a comme un pouvoir assez particulier de séduction. Dans toutes les palettes des couleurs. Voilà une équipe qui continuera toujours à renvoyer l'image de pouvoir et de vouloir se transcender, ajouter une dimension à sa valeur en dépit de tout ce qu'elle peut rater, ou même gâcher.