Par Abdelhamid Gmati Des faits, il s'en produit chaque jour et des dires sont proférés au même rythme. Tous produisent des effets, certains positifs, d'autres beaucoup moins. Alors que tout le monde estime que la réussite de cette période de transition passe impérativement par la recherche du dialogue et du consensus, le gouvernement, avec son parti dominant, verse dans l'hégémonie et outrepasse ses prérogatives. Chargé d'expédier les affaires courantes et de traiter les situations urgentes que traverse le pays, il s'occupe à accaparer tous les pouvoirs. Le président de la République, pourtant allié, dénonce cette tendance hégémonique et met en garde contre les méthodes de la dictature. Le professeur Yadh Ben Achour agite la sonnette d'alarme et prévient: «Nous risquons, dans peu de temps, de nous retrouver dans une dictature pire que celle de Ben Ali, une dictature théocratique». L'Assemblée constituante outrepasse, aussi, ses prérogatives. Elus pour un mandat précis, celui d'élaborer une nouvelle Constitution, les constituants s'occupent de questions hors de propos, s'attachant, avec le gouvernement, à islamiser la société tunisienne et à se maintenir en fonctions bien au-delà de la date convenue au départ. La toute dernière lubie, après celle de la «complémentarité» des femmes, est de débattre «d'un conseil supérieur de l'Islam». Ces tergiversations, ces retards, ce laisser-aller créent une atmosphère malsaine qui inquiète et risque de produire des effets négatifs, néfastes. Ainsi en est-il du secteur de l'information. Les nombreuses nominations, considérées comme illégales, de responsables dans certains médias (télévision publique, Dar Essabah) ont suscité un tollé auprès des représentants des médias, soutenus par certains constituants, partis politiques et société civile. Le gouvernement a alors appelé au dialogue et à la concertation. Cependant, le Syndicat national des journalistes tunisiens et le Syndicat général de la culture et de l'information ont décidé de «suspendre provisoirement» le dialogue avec le gouvernement, celui-ci n'ayant pas tenu ses engagements. Bien entendu, le gouvernement a exprimé ses regrets pour cette suspension et a réitéré son souci de «respecter la liberté de presse et d'expression et d'assurer les conditions nécessaires pour cela». En attendant, les nominations ont été maintenues. De la même manière, le gouvernement a multiplié les nominations dans l'administration à l'échelle nationale et régionale dans plusieurs domaines. Plus de 1.300 nominations en quelques mois. Ces nominations non motivées et faites selon des critères de clientélisme et d'appartenance politique au mouvement Ennahdha ne sont pas acceptées aussi bien dans l'administration que par l'opinion publique. Plusieurs gouverneurs, délégués et même omdas ont été priés de «dégager» par des manifestants. L'affaire d'El Hancha en est une illustration. Et ça risque de ne pas finir. La violence des salafistes ne cesse de prendre de l'ampleur. Après l'agression contre des femmes réunies dans le local de leur parti «Nida Tounès», voici qu'un hôtel est saccagé à Sidi Bouzid. Le tout impunément, parfois en présence de la police. Une police qui ne bouge pas lorsque des spectacles et des réunions sont empêchées et interdites pas ces salafistes. Et cela suscite des réactions graves. Le parti «Nida Tounès», après l'Ugtt et d'autres partis, a annoncé que dorénavant il assurerait lui-même la sécurité de ses réunions. L'humoriste Lotfi Abdelli a eu recours à des agents de sécurité privés pour pouvoir présenter ses spectacles en toute quiétude. L'arrestation du directeur de la chaîne Attounsia a fait plaisir à tous ceux qui en veulent à Sami Fehri. Espérons que la justice clarifiera les choses et établira les culpabilités et...les innocences. En attendant, le personnel de cette chaîne et celui de Cactus Prod. sont livrés à eux- mêmes. Cette chaîne a produit et diffusé diverses émissions dont un feuilleton et un sitcom. Les comédiens et les techniciens indépendants n'ont pas été payés. Avec l'indisponibilité du directeur, ils craignent de ne pas recevoir leurs cachets, pour les 4 à 5 mois de travail qu'ils ont effectué. On pourrait énumérer bien d'autres faits aux effets néfastes. Comme par exemple la situation du personnel des entreprises dont les patrons sont empêchés de travailler. Tout cela a un coût dont le moindre est qu'Ennahdha se fait des adversaires, voire des ennemis, y compris auprès de ses sympathisants.