Séance plénière, hier, à l'Assemblée nationale constituante avec à l'ordre du jour une série de questions orales adressées par les constituants à certains ministres présents au sein de l'hémicycle pour la circonstance. Au menu des constituants figurent également la discussion et l'approbation de plusieurs projets de loi et de conventions déjà signées par le gouvernement. Les questions posées par les constituants ont revêtu une dimension presqu'exclusivement régionale dans la mesure où elles ont tourné autour des préoccupations de certains gouvernorats, voire de certaines villes, à l'instar du déplacement de la caserne militaire se trouvant actuellement au centre de la ville de Zarzis ou le raccordement au réseau de gaz naturel de la région de Sidi Bouzid, «une revendication qui tarde à être satisfaite malgré les nombreuses promesses tenues par le gouvernement». La Presse a posé à certains constituants des questions d'actualité pour sonder leurs réactions quant à la crise qui oppose actuellement le gouvernement aux journalistes et à leurs deux syndicats, au traitement réservé par le gouvernement à la tragédie de Lampedusa et à la guerre des calendriers à propos de la finalisation du texte de la Constitution et de son adoption. Non à l'instrumentalisation de la catastrophe de Lampedusa Tarek Bouaziz, constituant, membre du groupe de La liberté et de la démocratie et dissident d'Al Aridha estime «qu'en dépit des efforts menés par certains journalistes respectables, les médias n'ont pas réussi à accompagner la révolution du 14 janvier comme il se doit et n'ont pas contribué à la réalisation de ces objectifs. Je m'élève contre la marginalisation des jeunes constituants qui sont presqu'interdits de passer à la télévision, toutes chaînes confondues, alors que les plateaux TV sont l'apanage de certains visages qui sont imposés quotidiennement aux téléspectateurs. J'ai l'impression que pour être invité sur ces plateaux, il faut s'engager à attaquer la Troïka et plus particulièrement Ennahdha. Quant au gouvernement, j'estime qu'il a échoué lamentablement dans la gestion du dossier des médias et on s'est retrouvé avec des ministres et des conseillers en guerre ouverte avec les journalistes. Lotfi Zitoun a réussi à imposer sa présence sur les premières pages des journaux. Et c'est un comportement inadmissible, outre le refus du gouvernement d'activer les décrets-loi 115 et 116 ainsi que son entêtement à désigner des responsables rcdistes à la tête des médias publics». Pour ce qui est du drame de Lampedusa, le jeune constituant appelle l'ensemble des forces politiques «à s'empêcher d'instrumentaliser politiquement cette catastrophe» exprimant ses réserves quant «au contrôle sécuritaire des harragas et surtout des commerçants de la mort». «Pour moi, il est un véritable scandale que le gouvernement n'ait pas décrété un deuil national à la suite de cette tragédie». Volet guerre des calendriers, il estime «qu'il ne peut y avoir de divisions ou de dissensions puisqu'à mon avis, le Dr Ben Jaâfar a pris l'engagement de parachever la rédaction de la Constitution à la date convenue par tout le monde. Seulement, il faut savoir que l'organisation des élections nécessite quelques mois, au moins 8 selon les experts. Entre-temps, l'ANC continuera son action en matière de contrôle de l'action gouvernementale, de promulgation des lois et de discussion et d'adoption du budget pour l'exercice 2013». Une feuille de route sur la base du consensus De son côté, Mohamed Hamedi, coordinateur général du Courant réformiste (dissident d'Al Joumhouri) souligne l'impératif de parvenir «à une feuille de route commune concernant la finalisation du texte de la Constitution, une feuille de route qui sera le fruit d'un consensus national, loin des surenchères ou des tentatives d'une partie quelconque d'imposer son agenda, dans la mesure où ces comportements ne peuvent que compliquer davantage la situation déjà tendue et menacer la stabilité du pays». Quant à la crise de confiance opposant le gouvernement aux médias, il est convaincu que «les efforts déployés par le gouvernement pour mettre les médias publics sous sa coupe sont voués d'avance à l'échec. Les Tunisiens n'accepteront jamais le retour à la période d'avant le 14 janvier et les journalistes ainsi que les différentes composantes de la société civile ont démontré qu'ils ne se laisseront pas faire». Commentant la démarche suivie par le gouvernement pour traiter le dossier de la tragédie des émigrants clandestins, il considère que «le gouvernement a réagi tardivement, n'a pas pris les mesures qui s'imposaient à temps alors que les autorités italiennes se sont mobilisées pour sauver nos jeunes et atténuer l'ampleur du drame». 25 mariages et 50 enterrements Pour Mahmoud Baroudi, membre du Groupe démocratique au sein de la Constituante, «la tragédie de Lampedusa peut être résumée en cette expression assez désolante et qui fait de la peine à tout le monde : 25 mariages et 50 enterrements. Il est pénible de voir le gouvernement traiter ce dossier aussi légèrement alors qu'il avait l'obligation de créer une cellule de crise aussitôt informé du naufrage de la barque qui transportait nos jeunes vers l'inconnu». Comment réagit-il à la démarche entreprise par le gouvernement pour gérer le dossier des médias publics ? «Pour moi, la campagne électorale en vue des prochaines élections a déjà démarré avec la volonté du gouvernement actuel de mettre les médias publics sous sa domination. Mais, ses tentatives ne passeront pas dans la mesure où les forces démocratiques ainsi que les journalistes n'acepteront jamais de retourner en arrière», souligne-t-il. «La multiplication des calendriers relatifs à la finalisation de la Constitution révèle, ajoute Mahmoud Baroudi, que chaque partie cherche à faire prévaloir ses propres intérêts. Il reste à préciser que la dernière réunion des présidents des groupes parlementaires et des commissions constituantes tenue, samedi 8 septembre, a révélé une réelle volonté de garder le calendrier à l'écart de toute instrumentalisation et de tout agenda politique».